Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Jean-Louis Croquet prêcheur du bon vin

Le vigneron, propriétai­re du Château Thuerry, au coeur du Var, savoure chaque jour le bonheur de créer un breuvage qui tend vers l’excellence. À consommer avec modération

- K. M. kmichel@nicematin.fr

Certains artistes vous font tomber amoureux de leurs oeuvres musicales, littéraire­s, picturales, en vous partageant le processus de création… Sous le verbe de Jean-Louis Croquet, c’est Château Thuerry qui vous séduit. La terre d’abord, nichée au coeur de la Provence, du paysage que parcourt la route serpentée qui mène à la propriété. Des vignes ensuite, dont le maître des lieux raconte l’histoire, parcelle après parcelle. Les parcelles qui donnent le vin, dont il décrit le processus de fabricatio­n avec passion… Tout en vous invitant à en consommer avec modération. Jean-Louis Croquet, vigneron autodidact­e, résolument amoureux des vins. Les siens? Il en rit. « Les bons surtout ! » Dans ce domaine de 340 hectares, seuls 40 hectares de vignes produisent les trois appellatio­ns selon la situation géographiq­ue. Au carrefour de Flayosc, Villecroze et Tourtour (1), s’élèvent donc Le Château, Les Abeillons et l’Exception Côtes de Provence. Ce jeudi de septembre, quelque 80 touristes - de Provence mais aussi des Pays-Bas par exemple - sont venus visiter le vignoble. Pour JeanLouis Croquet, l’important n’est pas seulement de faire du commerce et du négoce, mais « d’éduquer les palais», pour que les visiteurs, séduits par l’art de fabriquer du vin, « arrêtent d’acheter des vins de négoce qui sont mélangés, qui font mal au crâne ! » C’est son sacerdoce : « Vous pouvez m’appeler père Croquet ! », lâche-t-il dans un grand éclat de rire. « Je prêche pour boire du bon vin ! » Ce Breton, né à Versailles, est intarissab­le tant l’art du vin est inscrit dans son ADN: «Avant d’être propriétai­re ici, dit-il, j’étais associé sur un domaine de Châblis ». Châblis, à une heure et demie de la région parisienne, « c’était pratique » pour le vigneron amateur qu’il était alors. « Le weekend, je m’éclatais, j’étais dans les vignes tout le temps! » À l’époque, Jean-Louis Croquet faisait dans les enquêtes d’opinion : de Motivactio­n, sa première société, à BVA Sofres; il était incontourn­able dans les sphères parisienne­s. Et puis, le calendrier des saisons s’est égrené jusqu’à apparaître sur les tempes et « j’ai cherché plus sérieuseme­nt.

Je voulais faire mon dernier quart de vie dans les vignes ». Sa route des vins le mène d’abord à Bordeaux. « On me toisait de haut, je faisais partie de ces gens qui avaient monté une boîte et réussi… » Il passe par l’Espagne, par Montpellie­r… avant d’atterrir à Porqueroll­es. Thuerry enfin, sera sa dernière escale. Il y achève cette année sa vingtième vendange. Sur ses terres de Provence, JeanLouis Croquet n’a pas seulement voulu faire du vin, il a voulu atteindre l’excellence. Son Exception « a battu les plus grands noms du vin rouge, Petrus pour n’en citer qu’un, lors d’un concours à l’aveugle… », dit-il avec satisfacti­on. Il connaît les cépages, souligne quelques assemblage­s… Il ne maîtrise pas l’ensemble des « calculs savants » qui font ses vins, mais tient à inscrire, sur chacune des bouteilles, les cépages qui les composent. Il concède avoir « amené du Caladoc, un cépage créé il y a près de 50 ans à Montpellie­r, qui est le clonage du Malbec et du grenache. Comme tous les cépages nouveaux, il est intéressan­t car il est beaucoup moins sensible aux maladies que les anciens. Donc il y a besoin de beaucoup moins de traitement­s. Moi, je ne cherche pas à faire du bio, je cherche à ne rien mettre du tout. » D’ailleurs, il utilise les « interceps électroniq­ues » pour enlever les mauvaises herbes, pour éviter le recours aux insecticid­es. «C’est stupide d’y avoir recours. Quand tu commences à déréguler la chaîne naturelle, c’est foutu ! »

« Je n’étais pas né au bon endroit »

Il paraît que la reine Béatrix des Pays-Bas, adore son Exception rosé : « Ce rosé est élevé en barrique. Il a été créé à l’origine pour et avec Ducasse. Il voulait un rosé que l’on puisse boire à toute températur­e, très frais mais qui se réchauffe. Souvent, les gens maintenant ne veulent plus 36 vins à table. Il voulait donc un vin très polyvalent. On a mis trois ans pour le créer ». Un jour, pas si lointain - une dizaine d’années -, il passera le flambeau. Dans sa famille d’artistes - un fils musicien, une belle-fille cinéaste entre autres -, sa passion pour le vin semble trouver écho auprès de son petit-fils. C’est aussi pour voir, justement, ses petits enfants s’émerveille­r et jouer chaque été pendant les vacances, sur les pelouses qui surplomben­t le chai et les vignes, que Jean-Louis Croquet savoure sa chance. « Je n’étais pas né au bon endroit… », ajoute-t-il encore, en riant. En Bretagne c’est sûr, c’est plutôt langouste, crêpes, chouchen… « le football et le vélo », confie celui qui voue une passion sans limite au rugby. « Je voulais être vigneron, je le suis. Je voulais être au paradis, j’y suis ! », conclut celui qui est aussi vigneron officiel du château de Versailles, cuvée Marie-Antoinette. Un autre chapitre de sa vie. Il le racontera la prochaine fois.

1. Flayosc AOC Côtes de Provence, Villecroze AOC Côteaux varois en Provence et Tourtour IGP Var Côteaux du Verdon.

Je voulais faire mon dernier quart de vie dans les vignes” Je voulais être au paradis, j’y suis !”

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(Photo Dylan Meiffret)

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