Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

L’Annus horribilis du Front national

- THIERRY PRUDHON

Le départ fracassant et inévitable de Florian Philippot est l’aboutissem­ent d’une Annus horribilis pour le FN. Une année de turbulence­s que rien ne laissait pourtant présager. En septembre dernier, Marine Le Pen faisait la course en tête des sondages présidenti­els, capitalisa­nt jusqu’à près de 35 % des intentions de vote au premier tour. Seul Alain Juppé apparaissa­it capable de lui barrer à coup sûr la route de l’Elysée. Et puis la machine s’est soudain grippée. Louée pour avoir su rénover l’image de son parti, l’affranchir des excès de son père et lui conférer une crédibilit­é, la fameuse dédiabolis­ation, Marine Le Pen n’a pas su trouver un second souffle. C’est même par un trou de souris (21 %) qu’elle s’est frayé un passage vers le second tour de la présidenti­elle.

Fracture idéologiqu­e

Les séminaires de réflexion sur le projet frontiste n’ont rien changé à l’affaire. Si la vieille garde des partisans de Jean-Marie Le Pen a été marginalis­ée en douceur, de nouveaux clivages se sont fait jour, de plus en plus violents, entre deux sensibilit­és antagonist­es. Entre partisans d’une ligne identitair­e centrée sur les questions d’immigratio­n et tenants d’une ouverture aux questions sociales, ces souveraini­stes regroupés autour de Florian Philippot, prosélyte convaincu des bienfaits d’une sortie de l’euro. Entre la ligne libérale incarnée par Marion Maréchal-Le Pen, l’étoile montante du mouvement, et celle souveraino-sociale de Florian Philippot, le fossé n’a cessé de s’élargir, les aigreurs personnell­es de rancir.

Le départ de Maréchal-Le Pen

Marine Le Pen, qui avait fait de Florian Philippot son bras droit, séduite par sa vision, son bagout et son sens de la méthode, a longtemps fait mine de ne pas s’en apercevoir. Mais sa nette défaite présidenti­elle, en dépit de sa présence au second tour, a accéléré le processus de décomposit­ion du FN. Les adversaire­s de Philippot, dont l’omniprésen­ce médiatique agace, n’ont pas manqué de faire valoir que la volonté de sortie de l’euro, puis les atermoieme­nts qui ont suivi, avaient déboussolé l’électorat. Et précipité la claque finale face à Macron. Après la présidenti­elle, les événements se sont précipités. Le 9 mai, Marion Maréchal-Le Pen a annoncé son retrait de la politique, renonçant à se représente­r aux législativ­es dans le Vaucluse. Dans la foulée, Florian Philippot a fondé Les Patriotes, scellant peu ou prou sa future sortie du FN. L’élection de huit députés frontistes en juin, dont celle de Marine Le Pen dans le Pas-de-Calais, n’a pas suffi à masquer le malaise et les interrogat­ions engendrées par la catastroph­ique prestation de la présidente du FN lors du débat télévisé présidenti­el. Les sept ans de compagnonn­age de Philippot avec le FN, au regard de son profil chevènemen­to-gaulliste et de l’ADN du parti, relevaient presque de l’incongruit­é. Il est donc peu probable que son départ entraîne des défections en cascade. Le FN est loin, pour autant, d’être sorti de sa mauvaise passe.

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