Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
L’ex-ministre de la Justice de Monaco en garde à vue
Nouveau rebondissement dans l’affaire Rybolovlev: des perquisitions ont été menées au domicile et au bureau de Philippe Narmino, qui était entendu par la police hier soir
Hier soir, Philippe Narmino devait trinquer avec ses collègues du Palais de justice, sur le Rocher. Le directeur des services judiciaires de Monaco avait prévu un pot de départ à 19 h 30, lui qui, une semaine plus tôt, le 14 septembre, annonçait prendre sa retraite anticipée – et très certainement forcée. Philippe Narmino n’a finalement pas fêté son départ avec le personnel judiciaire de la Principauté. À l’heure dite, il se trouvait un peu plus bas, au pied du Rocher, dans les locaux de la Sûreté publique, rue Suffren-Reymond. En garde à vue. Une décision prise par le juge d’instruction Édouard Levrault, à la suite d’une journée qui n’a pas été de tout repos.
Perquisitions au domicile et au bureau
Hier, le magistrat a décidé de mener des perquisitions à Monaco. La cible : le domicile et le bureau de Philippe Narmino, qui n’est autre que l’équivalent du ministre de la Justice en France. Enfin, qui l’était officiellement jusqu’au 23 septembre, date de son départ prévu à la retraite. Aujourd’hui, donc. Ces perquisitions ont été menées dans le cadre d’un volet de l’affaire opposant le milliardaire russe Dmitri Rybolovlev et le marchand d’art suisse Yves Bouvier. Ce sont les fameux SMS échangés par Tetiana Bersheda, l’avocate de Dmitri Rybolovlev, avec de hauts responsables de la justice et de la police à Monaco. En l’occurrence, Philippe Narmino, Christophe Haget et Frédéric Fusari, actuels chef et adjoint de la police judiciaire, et Régis Asso, ancien directeur de la Sûreté publique de Monaco (nos éditions des 24 août et 15 septembre). Ces SMS semblent démontrer une complicité, sinon une connivence entre l’avocate du président de l’AS Monaco et ces responsables de la police et de la justice. Les avocats d’Yves Bouvier vont plus loin, jugeant que la justice et la police monégasques auraient été instrumentalisées. Me Francis Szpiner ne mâche d’ailleurs pas ses mots: « M. Rybolovlev a privatisé la justice monégasque. » Pour mémoire, Dmitri Rybolovlev accuse Yves Bouvier d’avoir encaissé des commissions démesurées dans le cadre de l’achat d’une quarantaine de tableaux de maîtres. En examinant une plainte déposée en marge de ce dossier tentaculaire, le juge a fait expertiser le téléphone portable de Tetiana Bersheda. Et y a trouvé des milliers de SMS compromettants…
« Trafic d’influence »
Largement médiatisé, ce volet de l’affaire BouvierRybolovlev ne pouvait laisser plus longtemps la justice monégasque muette. « Le juge d’instruction en charge [d’une plainte] pour atteinte à la vie privée a transmis récemment au ministère public des informations pouvant laisser supposer l’existence de possibles atteintes à la probité », écrit le parquet général dans un communiqué. Lequel « a donc décidé le 19 septembre 2017 l’ouverture d’une information contre X pour trafic d’influence actif et passif, ainsi que pour complicité de cette infraction ». D’où les perquisitions et le placement en garde à vue de Philippe Narmino, hier, orchestrées par le juge Levrault. Dans le cadre d’une enquête pour trafic d’influence, la garde à vue peut durer jusqu’à trois jours à Monaco. Hier soir, l’ex-patron de la justice monégasque était toujours entendu par la police judiciaire. Une première dans l’histoire de la Principauté. Et après? La machine étant lancée, il est fort probable que le juge d’instruction s’intéresse de près aux autres personnes mises en cause dans cette affaire – les policiers et Tetiana Bersheda.