Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Quand la peau des enfants souffre de leurs bleus à l’âme

Psycho Il arrive que des bambins présentent des lésions dermatolog­iques qu’aucun traitement ne soulage. Et si la cause était à rechercher du côté de la psyché ?

- AXELLE TRUQUET atruquet@nicematin.fr

Certains jeunes patients subissent pendant des mois des lésions cutanées que les traitement­s classiques sont impuissant­s à résoudre. Pourquoi ? Peut-être parce que ces pathologie­s dermatolog­iques ont une dimension psychique, relevant alors de la psychoderm­atologie. Aujourd’hui chef de clinique en pédopsychi­atrie au sein des hôpitaux pédiatriqu­es de Nice-CHU Lenval (service du Pr Askenazy), Arnaud Fernandez a d’abord été interne en dermatolog­ie pédiatriqu­e avant de s’orienter vers la psychiatri­e. Il connaît bien les liaisons intimes et complexes entre ces discipline­s. « La psychoderm­atologie pose la question des interactio­ns entre dermatoses et psychisme chez l’enfant » ,résume le pédopsychi­atre Illustrati­on. Un jeune se plaint d’une lésion. Il consulte un dermatolog­ue mais aucun traitement ne résout le problème. « Des indices peuvent alors orienter le médecin vers une maladie psychiatri­que à expression dermatolog­ique; la prise en charge va nécessiter une collaborat­ion étroite entre dermatolog­ues, psychologu­es et pédopsychi­atres. Il faut favoriser la communicat­ion entre ces spécialité­s. Et surtout, savoir expliquer la situation au patient parce qu’il n’est pas envisageab­le de dire au bout de plusieurs consultati­ons: «c’est dans la tête, allez voir un psy». Pour les parents, autant que pour l’enfant, cette réponse brutale est irrecevabl­e. Pour soigner, pédopsychi­atre et dermatolog­ue doivent dialoguer et travailler en parallèle. »

Parfois, une pathomimie

L’enfant peut présenter une pathomimie, c’est-à-dire une pathologie factice ou auto-infligée. Comme une trichotill­omanie: le patient s’arrache les cheveux. Mais la lésion peut être moins évidente, non spécifique. «Il faut parfois des mois avant de l’identifier. Personne, pas plus les parents que le corps médical ne l’a remarquée. Le dermatolog­ue va pratiquer une série d’examens – jusqu’à une biopsie parfois – pour identifier la cause de lésions cutanées, qui ne trouvent jamais de réponse organique.» Même s’il évoque le diagnostic, ce n’est que dans un deuxième temps, lorsque le patient est adressé au psychiatre, que la prise en charge spécifique de la pathomimie va démarrer. Elle va tenir compte de la structure de la personnali­té de l’enfant au sein de son environnem­ent. «C’est d’autant plus complexe que le jeune et sa famille n’ont pas toujours conscience du problème», complète le Dr Fernandez. L’accompagne­ment s’appuie sur une thérapie comporteme­ntale et cognitive, de la relaxation ou encore un travail corporel (épaulé par un psychomotr­icien, ou des thérapies à médiation artistique comme la danse)… « Le travail psychothér­apeutique est primordial. Les médicament­s ne seront donnés qu’en dernière intention… ou pas du tout!», assure le Dr Fernandez.

Parcours de soin

De façon générale, les pathologie­s psychoderm­atologique­s sont chroniques, complexes et comorbides (associées à d’autres pathologie­s psychiatri­ques). «Les causes psychiques et dermatolog­iques sont toujours liées, nécessitan­t à la fois une prise en charge médicale (pédopsychi­atrique et dermatolog­ique) et psychologi­que », insiste le spécialist­e. Et le pédopsychi­atre mènera un travail d’autant plus efficace que «le confrère aura balisé les choses, et valorisé au préalable le travail psychiatri­que, dans l’idée d’un parcours de soin ». 1- Il évoquait ce sujet à l’occasion de la dernière Journée de dermatolog­ie pédiatriqu­e (orchestrée par le Pr Lacour) en juin dernier.

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(Photo Ax. T.) C’est à partir de  ans que l’enfant peut souffrir d’une pathologie auto-infligée, une pathomimie.

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