Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Les jeunes, le sexe... et Internet Sexo
Ils sont souvent scotchés à leurs smartphones, outils de drague (et plus si affinités). Seulement, pour ne pas tomber dans les pièges du virtuel, il faut savoir s’en servir
Jeanne, 23 ans, pianote frénétiquement sur son smartphone sur lequel défilent des photos. « Lui, il est pas mal… Lui, j’aime pas sa tête. » La jeune fille fait son marché amoureux. Elle s’est inscrite sur Tinder, une application de rencontres. Le Meetic des jeunes. Elle explique en toute franchise que ça lui permet de faire des rencontres parfois juste pour une nuit. D’autres fois, les histoires ont duré quelques semaines. Émilie, 21 ans, a un tout autre discours. Elle refuse de s’inscrire sur ce type d’application. Ce n’est pas «son truc». Mais elle confesse aussitôt que, «du coup, je fais beaucoup moins de rencontres ». Paradoxalement, elle semble à contre-courant de sa génération pour qui, être inscrit sur Tinder, est tout à fait normal, voire incontournable. Encore faut-il savoir s’en servir. « S’ils veulent être comme les autres, il faut les laisser faire », note la pédopsychiatre des hôpitaux pédiatriques de Nice-CHU Lenval, Michèle Battista, qui a assisté à l’émergence du phénomène. Face aux parents inquiets par l’usage de ce type d’applications par leurs enfants, elle conseille : « Inutile de “fliquer ” son ado sur Internet, de pister son portable. Ce qu’il faut c’est être à l’écoute, qu’il sache qu’il peut leur parler s’il rencontre un problème. Par exemple, accepter le fait que sa fille ou son fils soit sur Tinder. Et, sans le questionner, se montrer prêt à l’écouter le jour où il s’interroge. Il ne faut pas rêver, des histoires sans lendemain il peut en avoir même s’il n’a pas de portable ! Seulement, il faut savoir le gérer et ceci est valable autant pour les filles que pour les garçons. » Si un ado ou pré-adulte « s’oblige »à rentrer avec quelqu’un rencontré sur Tinder (parce qu’il se dit que la relation sexuelle fait partie du « contrat »), alors il s’agira d’une relation sexuelle consentie mais non mentalisée, au sens où il n’a pas véritablement envie de ce rapport. Il doit comprendre – et c’est là encore le rôle des parents – que ce n’est pas parce qu’il a accepté la rencontre « en vrai » que cela doit déboucher sur un rapport physique. Sinon le lendemain risque d’être compliqué. Et un jour, à force d’expériences pas toujours intéressantes, le jeune finira par se dire que ça ne l’amuse plus et se désinscrira de Tinder. « Pour grandir, pour évoluer, il faut des émotions sincères, résume le Dr Battista. Qu’est-ce qui est plus intéressant : 15 rencards pendant 15 jours ou une histoire de 15 jours ? On construit une relation avec quelqu’un lorsque l’on sait qui on est. » Alors laissons les ados et pré-adultes zapper sur Tinder tant qu’ils savent à quoi s’y attendre. Et puis, finalement,
les choses ne sont guère différentes de la génération précédente. « Avant, on lisait des romans érotiques en cachette. Ce qui a changé, c’est l’outil informatique et avec lui l’abolition de l’espace-temps : on peut discuter en direct vidéo avec quelqu’un à l’autre bout du monde à toute heure du jour et de la nuit. Les choses sont
virtuelles au début. Si l’ado est fragile, qu’il se «renferme » sur Internet, il va devenir un individu virtuel. Et dans le virtuel, il n’y a pas d’émotions donc pas de plaisir. » Franchir la barrière et se retrouver dans le réel : oui mais à condition d’être prudent.
« Les parents ne doivent pas être “amis” sur Facebook avec leurs ados » Dr Michèle Battista Pédopsychiatre