Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
L’argent sans le bonheur
La femme la plus riche du monde vient donc de disparaître. On lui avait fait payer cher une fortune amassée à l’aide des plus beaux shampoings en lui cherchant des poux dans la tête. Jalousies, médisances et indiscrétions furent plus que le caviar et le champagne son menu quotidien. Son drame tenait à ce qu’elle ne pouvait pas faire de petits cadeaux sans qu’on cria à l’avarice et de gros présents sans qu’on suspecta ses amis de lui avoir fait les poches. Outre sa famille, elle aura enrichi des actionnaires, des salariés, des paparazzi et surtout un photographe n’ayant pas attendu qu’elle quitte ce bas monde pour devenir son héritier. La pauvre milliardaire n’aura pu rien s’offrir de ce qu’on n’achète pas avec de l’argent : la tendresse filiale ; l’amitié désintéressée ; l’honnêteté des gestionnaires. Soignée sans espoir de guérison par les médecins les plus éminents, elle sut demeurer élégante, digne, figée dans sa légende. Ainsi, une femme à laquelle on prêtait tous les pouvoirs n’en eut-elle plus aucun lorsqu’elle se retrouva placée sous tutelle. Alors qu’elle possédait tout ce qu’on peut avoir sur terre, elle avait perdu la mémoire. Au-delà des calculs sordides et des scandales réchauffés, on devinait que l’opulence lui avait valu beaucoup plus de souffrance que ne lui eut infligé le dénuement. De cet univers dont elle fut l’une des reines, elle n’aura vu qu’une forêt de
mains tendues.