Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Quand Aix était capitale de la Provence...
Ernest Beaux n’est resté que quelques années à Cannes. Mais en créant le N° 5 de Chanel, le parfum le plus célèbre du monde, il y a laissé une empreinte intemporelle. Dans les années 1920 Coco Chanel, de son vrai nom Gabrielle Chasnel (1883/1971), cherche un parfum à la fragrance inédite. C’est à Cannes la Bocca qu’elle va trouver sa perle rare, lorsqu’en 1921, son amant le grandduc de Russie, Dimitri Pavlovitch, lui présente Ernest Beaux des Parfums Rallet. Un parfumeur novateur et inventif qu’il avait connu à l’Usine Rallet de Moscou, alors fournisseur officiel de la Cour Impériale. La rencontre entre Coco et Beaux va se passer dans l’usine Rallet de la Bocca à Cannes. Ernest présente à la styliste une série d’échantillons numérotés de 1 à 5. Elle choisit le N° 5 dont l’originalité des fragrances est en rupture avec celles en vogue. Notamment grâce à l’ajout de produits de synthèse découverts par Beaux qui évoquent l’odeur d’une fleur mystérieuse. Quand il lui demande comment elle compte baptiser ce parfum, elle déclare : « Je lance ma collection le 5 mai, cinquième mois de l’année, laissons-lui le numéro qu’il porte et ce N° 5 lui portera chance. »
Surnommé « ministre de la narine»
Le N°5 sort en 1921. Il ne sera cependant pas la seule collaboration entre Ernest Beaux et Chanel. Suivront le N° 22 en 1922, Cuir de Russie en 1924, Gardénia en 1925, Bois des îles en 1926 et Mademoiselle Chanel N°1 en 1946. Avant de se finaliser à Cannes, l’aventure du N°5 avait débuté en Russie un demi-siècle plus tôt. En effet, apprenti au sein d’une fabrique de parfums et savons, fondée à Moscou en 1843 par un grenoblois, Alphonse Rallet (1819/1894), le jeune Beaux avait démarré ses expérimentations dès 1898. Bien que le «nez» ne soit resté que quelques années à Cannes, il va y connaître la gloire. D’abord grâce à Coco et Dimitri qui lui ont présenté toute la bourgeoisie et l’aristocratie qui venaient prendre «les eaux » dans le sud. Puis grâce, cette même année, à la Conférence de Cannes qui a réuni des délégations des pays vainqueurs de la 1re guerre. Le laboratoire sur le site de l’usine de la Bocca (qui sera démantelée après 1945, après avoir accueilli les Acieries du Nord à partir de 1925) reçut alors la visite de tous les politiques dont le Premier ministre anglais Lloyd George et Winston Churchill, alors ministre de la Guerre britannique. Ils étaient accompagnés de leurs dames qui, voulant toutes être parfumées par Beaux, l’avaient surnommé « le ministre de la narine ». Plusieurs d’entre elles, dont Marie Clews, américaine propriétaire du château de la Napoule, ont ainsi bénéficié des faveurs olfactives de Beaux. Ce dernier a quitté Rallet en 1922 pour monter sur Paris où il est devenu le directeur technique des Parfums Chanel et des établissements Bourjois. Ces cinq ans à la Bocca et quelques fragrances intemporelles lui ont permis d’entrer dans l’histoire de la parfumerie et d’être reconnu comme l’un des plus grands parfumeurs du monde !
À Toulon, les pêcheurs travaillaient en famille avec leurs épouses poissonnières. Lesquelles étaient très surveillées par les représentants de la municipalité
« La plus belle rade d’Europe », s’était émerveillé Vauban (-) en découvrant Toulon. Saisissant l’intérêt stratégique de son port, il a contribué à en faire ce qu’il est aujourd’hui : le premier port militaire de France et de Méditerranée. Cependant, les bâtiments de guerre ont toujours côtoyé les tartanes et les pointus des pêcheurs, ramenant lottes et merlans dans leurs filets jetés à une centaine de mètres à peine de la côte. La pêche était une affaire de famille. Les hommes à la mer, les femmes au ramandage des filets et à la vente du poisson. Avant le XIVe siècle, celle-ci se fait au «cul du bateau », au porte à porte et dans les rues. Arrivent alors les premiers règlements. «Au XIVe siècle, ils imposent de vendre le poisson en bas de l’actuelle rue Augustin-Daumas, nulle part ailleurs et uniquement le matin. La marchandise devait être transportée dans des corbeilles en osier», explique Gilbert Buti, vice-président de l’Académie du Var, qui a largement contribué à l’ouvrage Toulon port de Méditerranée, paru aux éditions Autre Temps. La vente est réservée en priorité aux Toulonnais, jusqu’à une certaine heure. Les invendus sont placés dans le sel pour conservation et couverts de goémon.
La poissonnerie dessinée par Pierre Puget Les pêcheurs devront attendre trois siècles pour que la commune les dote d’une halle publique. Elle était située sur l’actuelle place de la Poissonnerie, derrière l’hôtel de ville. C’est Pierre Puget, (-), surnommé le «Michel-Ange de la France» qui en dessine les plans. Peintre, sculpteur et architecte sous le règne de Louis XIV, il a dirigé pendant un temps l’atelier sculpture de l’arsenal de Toulon. La décision de bâtir cette halle est prise en , mais ce n’est qu’en qu’elle accueille enfin ses poissonnières. Elles sont . Elles ont le verbe coloré, la vie rude et tentent quelques triches parfois pour l’améliorer. Elles sont d’ailleurs placées sous la haute surveillance de représentants de la municipalité. « Ils vérifient les poids et mesures ainsi que la fraîcheur des produits», relate Gilbert Buti. Le octobre , certaines sont accusées de débiter «du thon pourry ¹ capable de nuire à la santé des habitants. » L’une d’elles est condamnée à livres d’amende. Ce n’est qu’au XVIIIe siècle, parce qu’il y a abondance, qu’une partie des prises est enfin distribuée en dehors de Toulon, d’où partent des mulets chargés de banastes - grandes corbeilles en osier - remplies de poissons. Cette halle a été démolie au tout début des années . Moins de pêcheurs, moins de poissons et plus de grandes surfaces l’avaient plongée en désuétude.