Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

« La menace est forte dans votre région »

Le ministre de l’Intérieur est à Nice aujourd’hui où sont réunis les maires des villes confrontée­s au terrorisme, objet de sa loi actuelleme­nt examinée à l’Assemblée nationale

- PROPOS RECUEILLIS PAR ÉRIC GALLIANO egalliano@nicematin.fr

Quel est aujourd’hui l’état de la menace ? Elle reste évidemment élevée dans tous les pays européens. Les attentats de Barcelone et du métro de Londres nous le prouvent. En France aussi puisqu’un certain nombre d’attentats ont été récemment déjoués. D’autres, hélas, ont abouti comme celui des Champs-Élysées, avec la mort de Xavier Jugelé, ceux visant des militaires de Sentinelle, ou encore celui de Notre-Dame. Oui, la menace reste élevée !

Devant l’Assemblée vous avez évoqué douze attentats déjoués depuis le début de l’année... Oui. Ces projets d’attentats auraient pu faire de nombreuses victimes dans notre pays. Grâce à la qualité des services de renseignem­ent et à notre coopératio­n avec les pays étrangers, ils ont pu être déjoués.

Certains visaient-ils plus particuliè­rement le sud-est et la Côte d’Azur ? Nous le savons, l’un de ces attentats visait un meeting politique dans le sud de la France, un autre avait pour cible un bureau de vote. La menace est forte dans votre région comme elle peut l’être aussi dans un certain nombre d’autres.

En quoi cette nouvelle loi antiterror­iste va-t-elle permettre de mieux lutter contre cette menace terroriste ? Nous sommes jusqu’au

novembre dans le cadre de l’état d’urgence. Mais nous ne pouvons pas rester perpétuell­ement dans cet état d’exception. Au lendemain de la guerre d’Algérie, sous le général de Gaulle, je rappelle qu’il avait duré  mois. Aujourd’hui, cela fait déjà à  mois que l’état d’urgence perdure. Il faut donc en sortir mais sans baisser la garde face au terrorisme islamiste. C’est l’objet de cette loi.

Quelles sont les mesures phares ? Il y en a quatre. Tout d’abord l’instaurati­on de périmètres de protection qui, lors de grandes manifestat­ions comme les concerts ou les événements sportifs, nous permettron­t de fouiller les personnes sous le contrôle des policiers et gendarmes habilités. Ceux qui refuseront d’être fouillés seront reconduits à l’extérieur du périmètre. C’est certes une mesure de sécurité mais qui garantit aussi nos libertés. Si nous ne pouvions plus organiser de manifestat­ion culturelle ou sportive ce serait rompre avec notre mode de vie.

Quels sont les autres piliers de cette loi ? La deuxième dispositio­n vise à permettre la fermeture des lieux de culte qui inciteraie­nt à la commission d’actes de terrorisme. La troisième grande mesure concerne la surveillan­ce des personnes qui, dans le cadre de l’état d’urgence, étaient assignées à leur domicile et devaient se présenter au commissari­at trois fois par jour. Désormais, le périmètre de leur assignatio­n est au minimum celui de la commune, voire plus si elles acceptent de porter un bracelet électroniq­ue. Elles devront se présenter une fois par jour dans un commissari­at ou une gendarmeri­e. Et cela pendant une durée maximum d’un an. Enfin, le dernier point concerne les visites et saisies à domicile [perquisiti­ons administra­tives, ndlr] qui sont considérée­s comme les plus privatives de liberté. C’est pourquoi nous avons souhaité qu’elles soient encadrées à la fois par le procureur de la République de Paris, spécialisé dans le terrorisme, le procureur territoria­l compétent ainsi qu’un juge de la liberté et de la détention qui, à Paris, sera lui aussi spécialisé sur ces questions.

Certains dénoncent une transcript­ion dans le droit d’un État d’urgence permanent... Nous voyons bien, en détaillant les mesures, que ce n’est pas fondé. Concernant les assignatio­ns à résidence nous sommes moins coercitifs puisque nous élargisson­s le périmètre de circulatio­n des personnes concernées. Pour ce qui y est des visites à leur domicile nous spécialiso­ns même le juge des libertés et de la détention de Paris pour suivre ces mesures d’urgence. Sans oublier que tout ceci est susceptibl­e de recours devant les tribunaux administra­tifs ou les juridictio­ns concernées. Enfin, je rappelle qu’à la différence de l’état d’urgence dont l’objet peut être très large, le texte que nous avons préparé est spécialeme­nt centré sur le risque terroriste.

Il n’y a pas que l’état d’urgence qui prend fin en novembre, le rétablisse­ment du contrôle aux frontières aussi... La possibilit­é de poursuivre les contrôles aux frontières intérieure­s nous est encore ouverte, mais il faut de toute façon adapter notre droit. C’est précisémen­t l’objet de l’article  de cette nouvelle loi. Il nous donne la possibilit­é de renforcer les contrôles d’identité dans les zones frontalièr­es. Nous constatons que les terroriste­s n’hésitent pas à les franchir. Entre la Belgique et la France, ou avec Barcelone. Il convient donc que l’on puisse avoir encore des contrôles sur un certain nombre de points précis qui ne couvriront pas, comme cela a pu être dit,  % de la population.

Les associatio­ns de défense des droits des migrants affirment que sous couvert de lutte antiterror­iste c’est en fait l’immigratio­n que l’on traque... J’ai bien veillé à ne pas faire d’amalgame dans cette loi. Les problèmes d’asile et d’immigratio­n qui peuvent se poser feront d’ailleurs l’objet prochainem­ent d’une loi spécifique, dans le but notamment de rapprocher notre droit de celui de nos voisins allemands. Nous voyons bien aujourd’hui qu’un certain nombre de personnes déboutées du droit d’asile en Allemagne viennent en France pour y redéposer une demande. Cela nous appelle à faire évoluer notre droit et ce sera donc l’objet d’une autre loi.

En attendant, la gestion de ces flux migratoire­s reste une problémati­que importante pour notre départemen­t... Et pour toute l’Europe. Comme vous le savez nous avons eu un sommet franco-italien cette semaine à Lyon. Et cela fait évidemment partie des sujets que nous avons abordés avec Marco Minniti, le ministre de l’Intérieur italien. Ce n’est pas pour rien non plus que le président de la République a pris un certain nombre d’initiative­s. Lorsqu’il réunit le Président libyen reconnu par l’ONU et le maréchal Haftar c’est pour pouvoir rétablir l’État en Libye et mieux lutter contre les flux de migrants guidés par des passeurs qui en proviennen­t. Lorsque nous rétablisso­ns des contrôles, avec l’aide du Niger, dans la région d’Agadez, au sud de la Libye, c’est aussi pour limiter ces flux. Car la doctrine de la France est claire : le droit d’asile pour les réfugiés est imprescrip­tible, mais nous ne pouvons pas accueillir tous les migrants économique­s irrégulier­s qui voudraient s’établir en Europe.

Sortir de l’état d’urgence tout en protégeant les Français.”

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(Photo AFP)

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