Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
«Dessous, c’est du gruyère»
Les fleuves se jettent dans la mer. Les rivières dans les fleuves. Des sources naissent les rivières. C’est une remontée au fil de l’eau, au fil du temps que propose le comité départemental de spéléologie du Var. Une plongée vers une rivière souterraine, connue de longue date par les anciens Toulonnais « qui venaient s’y protéger des bombardements pendant la guerre».
Rivière qui alimentait une partie de la ville dès 1939. Un lieu rare et étonnant, car l’eau de cette source coule sous les pieds de Toulon. Christiane, qui a posé sur sa tête un casque de spéléo il y a quinze ans, y vient pour la première fois. Avec une grande curiosité. Située sur un terrain privé, l’entrée de la Baume de Dardennes est gentiment rendue accessible par les propriétaires. L’occasion est belle.
Navigation insolite
Le groupe scrute les parois, le niveau de l’eau. Elle est froide? « Non, justement, pas très froide.» On embarque pour une étonnante navigation – souterraine. « Regardez, ce sont des fistuleuses. » De fines tiges cristallines, « hyperfragiles ». «Leur présence montre que le débit de l’eau n’est pas très fort à cet endroit. Ou bien que le niveau ne monte pas jusque-là.» Les yeux se tournent vers des draperies, qui paraissent translucides et nacrées à la lumière des lampes. Ici, la couleur ambrée, oxydée, marque la présence de particules ferreuses. Et ce gris bleu sur la roche, « c’est de l’oxyde de manganèse ».
Ce qu’il reste à découvrir
Voir ce qu’il y a sous terre n’est pas qu’une balade sportive. « Il y a une forte connotation scientifique, s’exclame Denis Laty, président du comité départemental. La connaissance et la compréhension de ce qu’il y a sous terre, c’est ce qu’apporte la spéléo.» Et ici, on dit en riant que «la spéléo, c’est un art de contredire les géologues». Pourquoi? « On ne trouve pas toujours sous terre ce qui est attendu. » La découverte régulière de nouvelles cavités entraîne son lot de mise à jour des données connues. Dans le Var et autour de Toulon, il reste beaucoup à découvrir – comprendre les chemins invisibles de l’eau. Celle qui est si rare en surface. Et semble immuable ici. Sentiment trompeur ? « On est très attaché à l’aspect environnemental. C’est notre patrimoine, notre territoire proche qu’il faut protéger », poursuit Denis Laty. « Vous vous promenez dans des lieux où la force de l’eau a tout créé. On pense que c’est ferme dessous, mais c’est du gruyère, s’enthousiasme Christiane. On voit des concrétions extraordinaires. On peut dire artistiques. On se dit : “Mince, les hommes n’ont rien inventé!” » Pour elle, descendre sous terre, « c’est comme si on changeait de planète. On est ailleurs. »Etonse prend à imaginer remonter « aux prémices de la vie ».
Un art de contredire les géologues ”