Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Routiers: syndicats et patronat planchent sur un accord
Syndicats et patronat ont esquissé, hier, les contours d’un accord pour « sanctuariser » les annexes de rémunération des chauffeurs routiers, possiblement menacés par la réforme du Code du travail, mais sa concrétisation reste suspendue à un engagement du gouvernement. Réunis en commission mixte paritaire, les partenaires sociaux se sont mis « d’accord pour sécuriser les primes diverses et les frais de route, mais il n’y a pas de réponse du gouvernement, donc cela bloque », a résumé Patrice Clos (FO). Un consensus a été trouvé « en une demi-heure ce matin », mais « le ministère du Travail s’y oppose » ,a regretté Thierry Douine (CFTC). « On exige qu’il soit là et qu’il valide l’accord », a poursuivi Jérôme Vérité (CGT), en réclamant ironiquement la « levée des blocages ». Ces développements interviennent après le mouvement social (barrages filtrants, opérations escargot, distribution de tracts...) mené la semaine passée par la CGT et FO, et alors que CFDT et CFTC menacent d’une grève le 10 octobre. Les syndicats s’inquiètent d’une possible baisse de la rémunération des chauffeurs, la réforme du travail permettant à certains accords d’entreprise de primer sur la branche professionnelle. Les fédérations patronales « disent de manière unanime qu’il n’y a pas de difficulté » de principe pour sanctuariser les annexes de rémunération, a confié JeanMarc Rivéra, secrétaire général de l’Organisation des Transporteurs Routiers Européens (OTRE). Sollicité, le ministère du Travail n’était pas en mesure de réagir. « Le gouvernement suit très attentivement les discussions » qui « doivent se poursuivre dans l’après-midi » entre les partenaires sociaux, a simplement indiqué de son côté le ministère des Transports. « Frère gardez vous à gauche, frère, gardez vous à droite ». Paradoxe d’Edouard Philippe : à peine s’est-il fait connaître des Français, tardivement d’ailleurs, à l’occasion de l’émission politique de France – qui a fait un carton ce soir-là-, après deux mois d’été consacrés, dans une trop grande discrétion, aux négociations syndicales et budgétaires, que le voilà attaqué par la gauche et par la droite : le budget le fait simultanément apparaître, aux yeux de la gauche, à l’instar du Président de la République, comme un homme de droite, venu du PR et ancien compagnon de route d’Alain Juppé, qui tout naturellement fait la politique des riches. Tandis que, dans le même temps, l’état-major des Républicains se donne encore huit jours pour se prononcer sur l’exclusion des ceux d’entre eux, Edouard Philippe y compris, qui ont choisi d’appartenir au premier gouvernement du quinquennat Macron. Avec lui, le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, le secrétaire d’Etat Sébastien Lecornu, les députés Thierry Solère et Franck Riester ont huit jours pour venir s’expliquer devant leurs anciens collègues du P.R. Inutile de dire qu’Edouard Philippe ne se rendra pas à la convocation. Dans une longue interview parue hier dans le quotidien parisien Libération, il assume au contraire totalement sa position équilibrée. Le choix du journal n’est pas du au hasard : Edouard Philippe a voulu se faire entendre dans un organe de presse qui se revendique de la gauche, et qui est presque, aujourd’hui, un des plus sévères sur sa politique. Au moment où ce sont surtout les réformes bienveillantes à l’égard du capital qui sont dénoncées par la gauche (sans être défendues par la droite) – réforme de l’impôt sur la fortune, « flattaxe » de % sur les revenus du capital-, le Premier ministre, revendiquant une redistribution de , milliards du pouvoir d’achat, met l’accent au contraire sur l’exonération de la taxe d’habitation pour % des Français, l’augmentation de la prime d’activité et celui du minimum vieillesse. Mais il a beau faire : c’est surtout autour du l’ISF, comme prévu, que se cristallisent les critiques de la France insoumise et de ce qui reste du Parti socialiste. La France a vu partir, en quinze ans d’ISF, plaide le Premier ministre, contribuables représentant globalement milliards de capital. D’où la nécessité, affirme-t-il, de faire évoluer la fiscalité française vers la norme européenne. C’est-à-dire de moins taxer, en effet, les capitaux les plus élevés et les valeurs mobilières, actions et obligations. Même si Matignon envisage bien de se servir du futur débat parlementaire pour revenir sur certaines dispositions mal ressenties, dont la taxation des signes extérieurs de fortune, comme les yacht ou les voitures de sport, il reste qu’on mesure bien les difficultés qu’a le gouvernement actuel, en même temps que le Président de la République, à trouver une position centriste, sinon centrale, dans un pays dominé depuis des années par l’affrontement, le plus souvent stérile, entre la gauche et la droite.