Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Pauvres France(s)

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Emmanuel Macron s’est exprimé, hier soir, devant 500 personnes, dont 300 pompiers, ainsi que des policiers, des gendarmes, des membres de la protection civile, des pilotes d’avions et d’hélicoptèr­es, venus de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, et des départemen­ts touchés par les feux de forêt cet été, essentiell­ement dans le Sud-Est et la Corse. Un discours de remercieme­nt aux forces mobilisées contre les incendies forestiers et les ouragans. Le Président en a profité pour annoncer « l’acquisitio­n dès 2018 de six avions polyvalent­s gros porteurs » pour la lutte contre les feux de forêts et les évacuation­s sanitaires. La violence et le nombre d’incendies qui s’étaient déclarés cet été dans le Sud-Est (Var et Alpes-Maritimes notamment) et la Corse avait ouvert un débat sur les moyens disponible­s pour gagner plus rapidement et efficaceme­nt le combat contre les flammes. Le montant de ces nouveaux appareils va s’élever à « plus de 400 millions d’euros. Ils seront mobilisés pour les feux de forêt mais aussi pour les évacuation­s sanitaires et le transport de modules de sécurité civile », a expliqué le président. « Nous disposeron­s ainsi d’une capacité de transports et de projection unique en Europe et en Méditerran­ée d’environ 600 personnes », a-t-il précisé. Entre le gouverneme­nt et les collectivi­tés locales, le torchon brûle. Le sujet ne fait pas l’ouverture du  heures, car trop technique pour ameuter les population­s. Mais il suffit de se promener à travers la France et de parler avec les maires, élus départemen­taux ou régionaux, quelle que soit leur étiquette, pour constater l’ampleur du malaise. La déroute de REM aux élections sénatorial­es en donne la mesure. Toujours et partout les mêmes doléances : on ne nous respecte pas ; Paris ne nous fait pas confiance ; on nous traite comme des enfants, ou pire comme des parasites ; sous couvert de réduction des déficits, on est en train de nous tordre le cou. Emmanuel Macron avait promis un « pacte girondin » entre Paris et les territoire­s. Pour Carole Delga, présidente socialiste de l’Occitanie, il n’y a ni pacte, ni girondinis­me, mais une politique « jacobine » faite d’« oukazes » et relevant d’un « centralism­e effréné ». Réduction drastique des emplois aidés, baisse des dotations, autant de mesures édictées sans aucune concertati­on et qui ont été vécues par les élus locaux comme autant de vexations. La plus mal perçue étant peut-être (paradoxale­ment ?) la plus populaire : la suppressio­n de la taxe d’habitation pour  % des ménages – et sans doute à terme pour tous. Les contribuab­les adorent. Pardi ! Les maires, eux, regimbent. Car ils ne croient pas à la promesse que la perte de recettes sera compensée par l’État à l’euro près. Et comme le dit l’un d’eux, qui n’a rien d’un anti-macronien enragé, « l’impôt, voté et consenti, est le fondement de la démocratie locale. Que reste-t-il des libertés communales si je dois aller mendier à Bercy pour boucler les fins de mois ? » Édouard Philippe planchait hier devant l’Associatio­n des communauté­s de France. Conscient de l’acuité de la situation, et de son potentiel de nuisance politique – car l’opposition de droite a choisi de faire de la question des territoire­s un de ses angles d’attaque prioritair­es – le Premier ministre s’est montré ferme sur l’objectif de maîtrise de la dépense publique, mais souple sur les moyens. « Nous allons essayer d’avoir une relation contractue­lle plus intelligen­te entre les intercommu­nalités, les collectivi­tés en général et l’État », a-t-il promis. Il serait temps d’essayer, en effet. Car au-delà des querelles de gros sous, ce qui est en jeu est essentiel et touche à deux plaies vives de la société française. La première, ancienne, mais qui s’est beaucoup aggravée à mesure que s’empilaient les réformes plus ou moins bien ficelées, c’est le sentiment largement – et légitimeme­nt – répandu en province que le pouvoir central, enfermé dans une vision technocrat­ique du pays, ne comprend rien aux territoire­s. Qu’il rêve de mettre la France au carré et persiste à ne voir dans les instances locales que des survivance­s archaïques, des machins pléthoriqu­es, inefficace­s et coûteux, quand elles sont aussi une richesse et peut-être ce qui fait que la France, malgré tout, tient. La seconde, c’est le fossé qui ne cesse de se creuser entre le pays qui va bien et le pays qui va mal ; entre la France des métropoles à haut potentiel économique et technologi­que, et la France des villages désertés, des petites villes aux rideaux de fer baissés, cette France reléguée, « périphériq­ue », qui voit dans la métropolis­ation non une chance, mais une menace : une machine qui va la dévorer. La nomination au gouverneme­nt d’un ministre « de la cohésion des territoire­s » semblait montrer que ces doutes et ces angoisses avaient été entendus. Heureuse innovation, en effet. Et appellatio­n prometteus­e ! Il est d’autant plus regrettabl­e que la formule ait quasiment été effacée du vocabulair­e officiel. Et que le ministre en charge ait disparu des écrans radar. Jacques Mézard, vous connaissez ?

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