Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Des étudiants au four et au moulin

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Le peu que je gagne me suffit. Je ne me plains pas ” Hamid

L ’atterrissa­ge fut brutal. Lorsqu’il a posé ses valises à Toulon en septembre 2016 pour y reprendre ses études en licence d’Ingémédia, Hamid Diallo, Guinéen de 26 ans, a dû non seulement s’adapter à une nouvelle culture, une nouvelle méthode d’enseigneme­nt « sans aucun support de cours », mais il a pris de plein fouet la cherté de la vie. Alors qu’à Conakry, la capitale guinéenne, ses 200 euros de salaire mensuel lui suffisaien­t pour vivre, Toulon lui est apparue très vite hors de prix. Venu chercher de ce côté-là de la Méditerran­ée la reconnaiss­ance d’un diplôme français, pas question de faire demitour. Pas plus que de demander de l’aide aux parents. « Dans la famille, on est sept frères et soeurs et, hormis l’aînée, mariée, tous étudient ou vont bientôt le faire. S’ils nous ont toujours poussés à étudier pour devenir des enfants de demain, mes parents, même s’ils font partie de la classe moyenne, n’ont pas les moyens de me payer les études ici en France », confie Hamid, sans amertume aucune. Dès lors, une solution s’impose à lui. Pour joindre les deux bouts, il doit absolument trouver un boulot. Ainsi, depuis février dernier, Hamid, l’Africain, travaille pour un traiteur asiatique. « J’ai un contrat de 12 heures par semaine. Un CDI étudiant à temps partiel. Concrèteme­nt, trois soirs par semaine, je travaille entre 18h00et22h­00 », explique l’intéressé. Ce job lui rapporte grosso modo entre 600 et 700 euros par mois. Une fois le loyer payé, « une chambre à 250 €/mois, charges incluses », Hamid doit se débrouille­r avec environ 400 euros mensuels pour vivre. « Le peu que je gagne me suffit. Je ne sais pas si je peux me considérer heureux, mais je ne me plains pas », assure l’étudiant guinéen. Avant d’ajouter, avec une certaine sagesse : « Je n’oublie pas d’où je viens. Ça me motive, m’aide à surmonter les coups de blues. » Hamid Diallo n’est bien sûr pas le seul à devoir mener de front

études et travail. Près de 50 % des étudiants en France déclarent une activité rémunérée pendant leur année universita­ire. Olivia, 21 ans, appartient elle aussi à cette moitié studieuse et laborieuse. Des doubles journées qui ont valu à cette étudiante en 2e année de licence Sciences

de la vie un redoubleme­nt partiel. « Chaînes de restaurati­on rapide, magasins d’ameublemen­t ou de prêt-à-porter… j’ai multiplié les petits boulots. Sans doute à l’excès puisque je n’ai pas validé toutes mes matières l’an dernier », explique la jeune fille. Si Olivia a retenu la leçon, pas question pour autant d’arrêter de travailler. « Mes parents, qui payent déjà des études très chères à ma grande soeur et une prépa à la petite, ne peuvent pas me donner d’argent. Je n’ai pas le choix. Je dois travailler. Avec un emploi du temps quelque peu allégé, ça devrait aller », confie-t-elle. Mais plus question de courir les enseignes commercial­es. « Je reprends le dressing solidaire ouvert l’an dernier sur le campus, avec l’envie de le redynamise­r. Pour ce faire, je bénéficie d’un contrat de service civique. 24 heures hebdomadai­res

qui me rapportent 560 €/mois. Avec les APL en plus, je peux payer mon loyer et ma nourriture. » Tout calculer au centime près. Du haut de ses 21 printemps, Aurélie Cacheux y est déjà habituée. « Moins je dépense, mieux je me porte », lâche sans ambages cette Hyéroise, étudiante en master 1 de lettres. Boursière à « haut échelon », Aurélie est elle aussi obligée de travailler. Mais pas question de le faire pendant l’année universita­ire. « Bien sûr qu’être salarié rapporte plus, mais beaucoup de mes amis ratent des cours à cause de leur emploi. C’est risqué. En première année de licence, j’en ai même vus abandonner leurs études pour entrer complèteme­nt dans le monde du travail. » Aurélie a d’autres ambitions. Comme passer le concours de la Bibliothèq­ue nationale de France. Pour faire face à ces futurs frais, ainsi qu’aux dépenses quotidienn­es de sa vie d’étudiante – quand elle ne doit pas en plus aider ses parents – Aurélie a une obsession : mettre de l’argent de côté. À l’heure où ses petits camarades se préparaien­t à partir en vacances d’été, elle a signé un emploi étudiant au service des inscriptio­ns de l’université de Toulon. Un contrat qui lui a rapporté environ 2 000 euros. « C’est appréciabl­e », commente Aurélie. Pas le temps de respirer, qu’elle enchaînait déjà sur un autre contrat, toujours avec l’Université de Toulon, à l’occasion de la Semaine d’animation de rentrée étudiante

début octobre. Pour les étudiants obligés de travailler pour payer leur cursus, l’Université a tout un tas de petits boulots. Pendant un temps, Marie G. a ainsi été rémunérée comme « preneuse

de notes » pour une étudiante handicapée qui suivait les mêmes cours qu’elle. Payée 8 euros la journée, Marie préfère depuis donner des cours de violon. Autre exemple : après avoir travaillé de nombreux mois pour une enseigne de courses en ligne, Diego Ponce, étudiant équatorien et… papa, occupe désormais un poste à la bibliothèq­ue universita­ire. Une activité qui contribue à payer le loyer de 600 €/mois pour un studio ! Alors pour s’en sortir, Diego fréquente régulièrem­ent la boutique étudiante alimentair­e. Il est loin le temps de l’insoucianc­e...

‘‘ Moins je dépense, mieux je me porte ” Aurélie ‘‘ Huit euros la journée pour prendre des notes ” Marie

 ??  ?? Aurélie Cacheux devant le bâtiment Espace vie étudiante du campus de La Garde. Ci-contre, à droite et de haut en bas : Hamid Diallo, Diego Ponce et Olivia.
Aurélie Cacheux devant le bâtiment Espace vie étudiante du campus de La Garde. Ci-contre, à droite et de haut en bas : Hamid Diallo, Diego Ponce et Olivia.
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sur ren à des soin faute de moyens
étudiant sur ren à des soin faute de moyens
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Des étudiants vivent sous le seuil de pauvreté des étudiants sautent régulièrem­ent un repas

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