Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Patrick Pelloux: «Trouver du beau dans l’horreur»

- PROPOS RECUEILLIS PAR FRANCK LECLERC

Le médecin urgentiste est l’un des invités du festival du livre de Mouans-Sartoux (AlpesMarit­imes) qui se déroule ce week-end. L’occasion pour le chroniqueu­r de Charlie Hebdo de remarquer à quel point l’actualité donne un écho particulie­r à son dernier livre. Ce diagnostic sera d’un certain réconfort.

Étonnant de vous voir dédicacer comme s’il s’agissait d’un livre léger. Il faut trouver du beau dans l’horreur. On est obligés de tenir. Deux cousines assassinée­s à Marseille : on y pense tout le temps, et pourtant nous sommes vivants, le soleil est là, nous sommes ensemble. L’idée initiale de ce livre, c’est de raconter l’expérience d’un médecin frappé par un psychotrau­matisme, mais qui garde un regard critique sur la prise en charge, les préceptes. Opération réussie: déjà près de  exemplaire­s et un courrier colossal. Ça aide les gens.

Ne céder ni à la peur ni à la haine, dites-vous. Comment faire ? C’est très compliqué. Mais nous avons en commun de vivre dans la République, avec ses valeurs dont la laïcité. Le vivre ensemble. La tolérance. L’acceptatio­n des autres. Ils rêvent d’une guerre de religion? Ils ne l’auront jamais. On reste la France, on continue mais on n’oubliera pas. Ne jamais rien céder. Il faut encore plus de laïcité, notamment dans les université­s.

Et la laïcité à l’hôpital ? C’est un débat qui se pose. Des déviances ont été constatées, Martin Hirsch les a combattues. L’hôpital est le premier terrain, avec l’éducation, où la laïcité doit s’exercer.

Vous sentez-vous guéri ? La sidération qui suit le choc est une bombe à fragmentat­ion. N’importe quel signe – bruit, odeur – peut réactiver la mémoire. Le rôle des thérapeute­s est de nous apprendre à vivre avec. C’est comme un handicap : on vit, mais différemme­nt. L’amour au sens large est un précieux appui. Et cet instinct de survie qui permet de continuer. La blouse blanche n’est pas un gilet pare-balles ? Non, et notre malheur est grand puisque nous risquons d’avoir de nouveaux attentats.

Toujours critique sur le rôle des journalist­es ? Je le suis quand des journalist­es essaient d’interviewe­r Coulibaly au téléphone alors qu’il est en train de commettre ses meurtres. Ou quand on fait vibrer le portable d’un jeune homme caché sous un lavabo quand la police essaie de neutralise­r les frères Kouachi. On a besoin d’un journalism­e fort, libre, indépendan­t, mais qui respecte une charte de déontologi­e. L’immédiatet­é n’est pas un gage de bonne informatio­n. L’analyse est nécessaire.

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(Photo Franz Chavaroche) Une lectrice : « Votre livre m’a bouleversé­e, il m’a fallu une semaine pour m’en remettre. »

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