Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Patrick Pelloux: «Trouver du beau dans l’horreur»
Le médecin urgentiste est l’un des invités du festival du livre de Mouans-Sartoux (AlpesMaritimes) qui se déroule ce week-end. L’occasion pour le chroniqueur de Charlie Hebdo de remarquer à quel point l’actualité donne un écho particulier à son dernier livre. Ce diagnostic sera d’un certain réconfort.
Étonnant de vous voir dédicacer comme s’il s’agissait d’un livre léger. Il faut trouver du beau dans l’horreur. On est obligés de tenir. Deux cousines assassinées à Marseille : on y pense tout le temps, et pourtant nous sommes vivants, le soleil est là, nous sommes ensemble. L’idée initiale de ce livre, c’est de raconter l’expérience d’un médecin frappé par un psychotraumatisme, mais qui garde un regard critique sur la prise en charge, les préceptes. Opération réussie: déjà près de exemplaires et un courrier colossal. Ça aide les gens.
Ne céder ni à la peur ni à la haine, dites-vous. Comment faire ? C’est très compliqué. Mais nous avons en commun de vivre dans la République, avec ses valeurs dont la laïcité. Le vivre ensemble. La tolérance. L’acceptation des autres. Ils rêvent d’une guerre de religion? Ils ne l’auront jamais. On reste la France, on continue mais on n’oubliera pas. Ne jamais rien céder. Il faut encore plus de laïcité, notamment dans les universités.
Et la laïcité à l’hôpital ? C’est un débat qui se pose. Des déviances ont été constatées, Martin Hirsch les a combattues. L’hôpital est le premier terrain, avec l’éducation, où la laïcité doit s’exercer.
Vous sentez-vous guéri ? La sidération qui suit le choc est une bombe à fragmentation. N’importe quel signe – bruit, odeur – peut réactiver la mémoire. Le rôle des thérapeutes est de nous apprendre à vivre avec. C’est comme un handicap : on vit, mais différemment. L’amour au sens large est un précieux appui. Et cet instinct de survie qui permet de continuer. La blouse blanche n’est pas un gilet pare-balles ? Non, et notre malheur est grand puisque nous risquons d’avoir de nouveaux attentats.
Toujours critique sur le rôle des journalistes ? Je le suis quand des journalistes essaient d’interviewer Coulibaly au téléphone alors qu’il est en train de commettre ses meurtres. Ou quand on fait vibrer le portable d’un jeune homme caché sous un lavabo quand la police essaie de neutraliser les frères Kouachi. On a besoin d’un journalisme fort, libre, indépendant, mais qui respecte une charte de déontologie. L’immédiateté n’est pas un gage de bonne information. L’analyse est nécessaire.