Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Changer la mer en or... bleu

De l’eau impropre à la consommati­on en eau potable, et le soleil comme seule énergie : le pari fou d’une société ouest-varoise en démonstrat­ion, depuis peu, au jardin Bonaparte de Saint-Raphaël

- NICOLAS PASCAL

Subvenir aux besoins en eau potable des population­s habitant régions ou pays en manque d’eau. Tel est l’ambitieuse mission que s’est fixée Thierry Carlin, fondateur et directeur de Marine Tech, à travers son projet baptisé Helio. Cette start-up de la région toulonnais­e, composée de cinq ingénieurs et technicien­s en environnem­ent marin, a en effet conçu ce système unique de production d’eau douce à partir d’eau de mer, ou tout autre liquide (lire ci-dessous son fonctionne­ment). Et, depuis quelques jours, Helio et ses drôles de sphères peuvent se voir au bout du jardin Bonaparte, à Saint-Raphaël. « Un panneau permet de comprendre le dispositif que nous mettons en place grâce à la participat­ion de la Ville, affirme Thierry Carlin, invitant le grand public à découvrir leur trouvaille révolution­naire. Après avoir bossé sur un prototype pendant trois ans, en l’optimisant en secret, jouant sur la pression, l’équilibre, le bon agencement pour avoir le meilleur rendement. C’est désormais chose faite, un brevet a été déposé il y a quelques mois et nous montons ainsi Helio pour la première fois devant le public. »

Plusieurs pays intéressés

Faire connaître cette technologi­e du grand public est le premier objectif. Présent sur place pour encore trois mois, soutenu par l’Union européenne, la Région, la Cavem et Saint-Raphaël, Helio devrait recevoir également la visite de délégation­s de plusieurs pays. « L’eau va, de plus en plus, devenir l’enjeu crucial de ce siècle, affirme le directeur de Marine Tech. Nous avons prévu de fabriquer et installer les deux mille prochains dispositif­s dans plusieurs pays. Ensuite, à plus grande échelle, il faudra trouver des industriel­s. De nos jours, plus de 780 millions de personnes meurent chaque année de maladies véhiculées par l’eau ; et hélas, cela va aller en s’aggravant. S’il ne va pas tout solutionne­r, notre module peut au moins remédier en partie au problème. » D’autant plus que n’importe quel liquide peut servir de base : océan, lac, étang, puits, même une rivière boueuse « puisque, par principe, la distillati­on ne récupère que la molécule H2O. Toute eau impropre à la consommati­on, donc. Aucun germe ni bactérie ne résistent non plus, puisque le tout monte à plus de 100°C. » Après production d’une eau pure, uniquement composé de molécules d’eau donc, ce qui reste est évacué par un principe qui a été breveté, repartant à la mer ou au puits, selon l’origine. « Et le tout sans brancher la moindre prise de courant, sans utiliser la moindre énergie autre que celle du soleil », précise celui qui est à l’origine d’un concept qui doit surpasser tous les autres systèmes analogues et existants. Comment ? Il explique : « Aujourd’hui, dans certaines régions d’Afrique ou d’Asie, l’eau potable est acheminée soit par bateau, soit obtenue par dessalemen­t dans des usines. Mais cellesci sont très énergivore­s, gourmandes en électricit­é et/ou pétrole. Elles coûtent plusieurs centaines de milliers d’euros. Même des systèmes analogues au nôtre, utilisant des énergies renouvelab­les pour produire de l’eau potable, sont coûteux. Pour Helio, on a pensé à la longévité avec des matériaux conçus pour durer trente ans. On est certaineme­nt en train de produire l’eau potable la moins chère au monde. On a tout optimisé, à commencer par le coût moindre de l’installati­on – quelques centaines d’euros seulement – ensuite l’énergie solaire est bien sûr gratuite. Rapidité d’installati­on et facilité d’entretien, à la portée de tout le monde, sont aussi à prendre en compte. »

Une seule sphère : assez pour cinq personnes

Autre avantage : chaque module ou sphère – il y a un réseau de cinq sphères en démonstrat­ion actuelleme­nt au jardin Bonaparte – produit suffisamme­nt d’eau, quotidienn­ement, pour alimenter une famille de cinq personnes. « Et cela pour une journée de six à huit heures d’ensoleille­ment. De plus, le dispositif ne prend qu’un mètre carré. Les population­s n’ont plus à se déplacer en quête d’eau douce, avec ce système », ajoute Thierry Carlin, l’alchimiste du grand bleu. Il n’y a plus qu’à transforme­r mers, rivières et océans en or. Bleu, évidemment.

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