Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Tony Cossu, le gangster s’attaque à l’écriture

Fiché au grand banditisme et beau-frère de Francis le Belge, Tony l’anguille, figure du Milieu sort un roman inspiré de faits réels et rédigé du fond de sa cellule du quartier de haute sécurité

- PEGGY POLETTO ppoletto@nicematin.fr 1. Commissari­at central de Marseille

Homme du Milieu, il est toujours au centre de l’attention. Le Marseillai­s Antoine Cossu, alias Tony l’anguille, beaufrère de Francis le Belge, est, à 77 ans, l’un des derniers grands caïds français. Attablé à la terrasse d’un café de la place de la Liberté à Toulon, ce voyou à l’ancienne, fiché au grand banditisme, semble surgir des Tontons flingueurs en version colorisée. Il a l’art de la formule et l’air d’un retraité tranquille. Le temps ne semble pas avoir de prise sur lui. Son surnom, il le doit à sa faculté de s’évader des prisons françaises ou espagnoles, mais il s’est aussi fait la belle du 36 Quai des Orfèvres et de l’Évêché Et puis, il y a la peinture – « J’ai envoyé un portrait à Carla Bruni » – et l’écriture… Celui qui a passé près de 30 ans en centre pénitentia­ire, dans des quartiers de haute sécurité, a noirci des carnets de notes au crayon. « En taule, je dévorais des livres. Ma tête était toujours dehors. Tu gamberges beaucoup et le plus grand panard est de sauter les murs », lâche-t-il. Dans son troisième roman À chacun sa loi, sorti hier, jeudi 19 octobre, aux Éditions Ring, le braqueur fait l’impasse sur le «toute ressemblan­ce avec des personnage­s ayant existé ne serait que fortuite ». Il y a du vrai dans ses lignes. Du costaud autour d’un « braquo » qui a mal tourné à New York. Pourquoi pas une biographie ? « Les maisons d’éditions me tannent avec ça. Je la ferai mais je l’enterrerai! Ça sera pour après ma mort». Le cinéma ? « J’aurai aimé être derrière la caméra surtout ». Il a vu des longs métrages sur les siens, ses complices. Le caïd critique. « L’Immortel [avec Jean Reno, basé sur la vie de Jacky Imbert, dit le mat, Ndlr], n’a rien à voir avec la réalité! FOG [Frantz-Olivier Giesbert, l’auteur du livre éponyme] a de l’imaginatio­n. C’est n’importe quoi ! ». La vie de Tony l’anguille ne se défile pas en 35 mm mais en calibre 44 Magnum. Enfant de l’aprèsguerr­e, il commence à voler du plomb et du cuivre dans des usines bombardées pour manger. « Et puis après, doucement, j’ai continué. Le danger ne me fait pas peur. Ce n’est pas de tout repos la vie du milieu. Quand tu prépares un grand braquage, il faut planquer dans la malle des voitures. De jour, de nuit. Ça demande parfois un an de préparatio­n ». Des propos qui peuvent choquer venant d’un homme au passé criminel chargé. «C’est ma vie. Mon choix» Demandez-lui s’il a des limites, il répond: «Quelles limites ? Chacun a les siennes ». Condamné à mort par contumace en 1967 – une peine convertie en emprisonne­ment – après un vol à main armée dans une boucherie à Lyon, il assume. « C’est ma vie. Mon choix. À mon époque, ce qui était mal vu c’était le joint. J’ai jamais connu ça, moi! ». On lui rappelle sa condamnati­on

Chacun a ses propres limites” Le danger ne me fait pas peur ”

en 2006 dans l’affaire Topaze, un trafic de drogue entre le Maroc et le Brésil aux côtés du Toulonnais «Francky» Perletto qui lui a valu une condamnati­on à 18 ans de prison et un acquitteme­nt dans le volet Océan. « Dans cette affaire, il n’y a pas de sang et pas un gramme de drogue. Juste des écoutes téléphoniq­ues avec lesquelles ils nous ont fait passer ‘‘ pour une bande qui dirigeait la

France ». En 2009, l’anguille a 69 ans. Il retrouve la liberté et publie son premier romanTaxi pour un ange. Marqué par des années placé à l’isolement, Tony assure alors, dans le cabinet de son avocat de l’époque, le Toulonnais Me Thierry Fradet, se ranger des affaires. Il s’imaginait alors jouer au scrabble et peindre. «Mais quand tu as fait les 400 coups dans le monde entier, de l’Amérique du Sud aux États-Unis, en passant par l’Angleterre… ». Terminons la phrase pour lui: tu te fais rattraper par tes démons. En 2014, la police d’élite autrichien­ne le mitraille. Les Cobra, force d’interventi­on, interpelle­nt l’anguille et sa bande soupçonnée de préparer l’attaque d’un fourgon blindé. «J’ai fait un mois d’hôpital ». Retour en France. Rebelote. Détention provisoire. En avril 2016, il est condamné devant le tribunal correction­nel de Marseille pour stups à 5 ans de prison. Sans mandat de dépôt. «En raison de mon âge », lance-t-il avec un regard malicieux. L’homme a désormais 76 ans. Il fait partie de ceux que l’on appelle les «beaux mecs». Un gangster fidèle en amitié. «Là, je vais voir un ami. Il a 88 ans. C’est lui qui m’a fait évader d’une prison en Espagne en me lançant une corde ». Il écrira d’ailleurs : « Si j’avais été un copain du Christ, je serai monté sur la croix et avec les dents, j’aurai arraché les clous ». Vie de vices diront certains. «À chacun sa vie. À chacun sa loi », glisse, en point final, l’anguille qui ne se défile devant aucune question. Il n’y a pas eu, cette fois-ci, de loi du silence.

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(Photo Frank Muller)

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