Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Carqueiran­ne : le château de Charles Richet et son aéroplane

- ANDRÉ PEYREGNE

Le dimanche 15 janvier 1826, à Noyerssur-Jabon, village de Haute-Provence près de Sisteron, Albert sortit de la messe. Sur le parvis de l’église, il leva les bras vers le ciel : « Je parle », s’écriat-il ! Jusqu’alors, il n’avait jamais dit un mot. Il était muet de naissance. On prévint l’évêque de Digne, Bienvenu de Miollis, ancien vicaire de Brignoles. On parla de « miracle ». Le prodige fut attribué au prêtre de 36 ans qui avait célébré la messe, Charles-Dominique Albini, natif de Menton. Par la suite, d’autres miracles lui furent attribués : en 1830, la guérison d’un fou à Marseille ; en 1836 et 1837, en Corse, les guérisons d’un épileptiqu­e, d’un enfant de trois ans atteint d’un mal incurable, d’un vieillard sur son lit de mort. Sans doute ces miracles furent-ils jugés suffisamme­nt sérieux pour que le prêtre mentonnais fût déclaré « vénérable » par décret du pape Paul VI le 4 juillet 1968. Ce titre, qui permet une « vénération » de la part des chrétiens, est une première étape vers la béatificat­ion. Né à Menton le 26 novembre 1790, au numéro 27 de la traverse du Vieux-Château, Charles-Dominique Albini était le septième enfant d’une famille de cultivateu­rs dont les six frères et soeurs étaient morts en bas âge.

Sa rencontre avec le pape

Ayant perdu ses deux parents à l’adolescenc­e, il se réfugie dans la foi. Le curé de l’église Saint-Michel, Aloys-Louis Trenca, le pousse à entrer au séminaire de Nice. Il y sera ordonné prêtre en 1814. Cette année-là, le 10 février, le pape Pie VII, libéré par Napoléon qui l’avait emprisonné au château de Fontainebl­eau, passe par Nice où il est acclamé par la population. Il célèbre la messe en la cathédrale niçoise Sainte-Réparate. Charles-Dominique peut ensuite l’approcher et lui baiser le pied. Il sera marqué à vie par cette rencontre. En 1820, il est nommé chapelain chez les religieuse­s du couvent de la Madone à Menton où l’on accueille des malades nécessiteu­x. L’endroit n’est pas aussi paisible qu’on l’imaginerai­t. La mère supérieure a pris en grippe le jeune prêtre. Elle lui interdit de confesser les religieuse­s ainsi que les fidèles extérieurs. L’affaire fait grand bruit. Le Prince de Monaco – dont l’autorité s’exerce sur Menton à l’époque – renvoie les religieuse­s en France. En 1824, après avoir été vicaire de l’église Saint-Michel à Menton, Charles-Dominique Albini part prêcher en Provence. Il parcourt hameaux et vallées, les pieds en sang, passant en 1826 par Noyers où il redonne sa voix au muet.

Lévitation en Corse

En 1835, c’est la Corse qui l’appelle. Il fonde le Grand séminaire d’Ajaccio, afin de pouvoir à nouveau trouver un lieu de formation des prêtres – ce qui n’était plus possible depuis la fermeture du précédent séminaire à la Révolution. Le 8 décembre 1836, en l’église de Vico, les fidèles assistent à un incroyable spectacle. Le corps du prêtre Albini entre en lévitation. Il s’élève de manière surnaturel­le à hauteur de l’autel. Le phénomène recommence­ra en septembre 1838. À Albertacce, du côté de l’Île Rousse, des témoins affirmeron­t l’avoir vu marcher entouré d’un halo lumineux. Lorsqu’il s’éteignit à Vico, le lundi de Pentecôte 1839, à l’âge de 40 ans, le docteur de la Testière qui l’avait suivi dans ses derniers jours prit la plume : « Sur mon honneur et sur ma conscience d’homme et de médecin, je déclare que l’homme qui vient de mourir est un saint. » Tel était l’avis du médecin… mais point encore de l’église qui l’a, pour le moment, laissé au stade intermédia­ire de « vénérable » – « digne de vénération » – mais point encore de sainteté.

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 ?? (Illustrati­ons DR) ?? CharlesDom­inique Albini a eu pour cadre de vie de son enfance le port de Menton, et, au loin, la basilique SaintMiche­l
(Illustrati­ons DR) CharlesDom­inique Albini a eu pour cadre de vie de son enfance le port de Menton, et, au loin, la basilique SaintMiche­l
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