Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Charles Poncy, le poète toulonnais, ami de George Sand
Salut à toi, Toulon, qui grandis à chaque heure ! Salut à mon pays qu’un vent prospère effleure!... » Un jour de 1842, l’écrivain George Sand tomba sur ces vers provenant d’un récent recueil de poèmes intitulé Marines. Elle dévora le recueil et découvrit que son auteur était un simple maçon toulonnais. Elle prit alors sa plume : «Mon enfant, lui écrivit-elle, vous êtes un grand poète, le plus inspiré et le mieux doué parmi tous les beaux poètes prolétaires que nous avons vus surgir ces derniers temps. Vous pouvez être le plus grand poète de la France un jour, si la vanité qui tue tous nos poètes bourgeois n’approche pas de votre noble coeur…. On s’efforcera de vous corrompre, on voudra vous pensionner, vous décorer peut-être !… Prenez donc garde, noble enfant du peuple! … »
Premiers vers publiés grâce à un médecin
Qui était donc ce poète ouvrier ? Il s’appelait Charles Poncy. Fils de maçon, il s’engage à 9 ans dans le métier de son père. Il apprend à lire chez les Frères de la Doctrine chrétienne à Toulon, découvre le goût des alexandrins dans Athalie de Racine, se cultive en lisant le mensuel Le Magasin pittoresque. Un jour où son père est malade, le docteur Ortolan, venu au domicile de la famille, découvre un poème écrit sur la feuille au dos de laquelle il s’apprête à inscrire sa liste de médicaments. «- De qui sont ces vers ? le docteur. - De moi, docteur ! répond le fils. - Tu as du talent! Je vais m’occuper de toi. » Et le médecin fait publier le recueil des Marines, grâce à une souscription publique lancée à Toulon. Entre Poncy et George Sand va s’engager une intense demande correspondance. Cette correspondance a été classée et éditée par Samuel Rocheblave dans La Revue des deux mondes, en 1909. Poncy appelle George Sand sa « sainte patronne», la « reine de mon coeur ». Il lui dédie d’autres poèmes, dont celui-ci sur un bateau en démolition : « Colosse, à ton aspect j’ai vu pleurer mon père. Dans ton sein s’écoula sa jeunesse prospère,… Il aime à me conter que souvent, pauvre mousse,/ Sur un fragile pont il a gratté la mousse/ Attachée à tes flancs. » Poncy écrit tout en poursuivant son métier de maçon : « A mes doubles travaux, je veux rester fidèle,/ Et bien des fois encore, au bruit de la truelle, / Dans nos bruyants chantiers, à tous les vents ouverts,/ Je mêlerai le bruit harmonieux de mes vers. » En 1848, sur les conseils de George Sand, il se présente aux élections législatives. Il n’est pas élu. On le retrouve juge suppléant, puis secrétaire de la chambre de commerce de Toulon. Il publie des poèmes en provençal et tisse des relations dans le mouvement félibréen avec Mistral et Roumanille. La maçon-poète est mort en 1891. Une plaque a été posée sur sa maison, dans la rue qui porte son nom. La ville, de temps à autre, se souvient de ses vers : « Oh ! Que j’aime, Toulon, ta rade et tes collines,/ Tes pavillons flottant au bout des brigantines/ Comme autant d’arcs-en-ciel/ Comme autant d’arsenaux/.../ Ta robe de flots bleus, de navire tigrée/ Et ton écharpe de remparts. » Au Moyen Âge et jusqu’au XVIIe siècle, des femmes «rebouteuses» se font brûler et pendre dans toute la région maralpine pour avoir pactisé avec le Diable. C’est le temps de l’Inquisition, juridiction catholique qui combat l’hérésie par la terreur et de nombreuses condamnations au bûcher. La dernière exécution d’une présumée sorcière dans les Alpes-Maritimes se déroule en , à Castellar au nord de Menton. Pierrette Raibaud est étranglée et jetée dans les flammes, accusée de s’être transformée en chatte noire et d’avoir organisé des sabbats dans les ruines du village. Lors de ces cérémonies tenues par des « sorcières », les participants profitent d’une certaine liberté de moeurs, du plaisir du banquet et de la danse. Dans les vallées du haut-pays niçois, des noms de lieux comme «balaours» ou «Valmasque» rappellent la tenue de ces réunions « démoniaques ». Les pratiques des sorcières, appelées « mascas », sont d’origine païenne et donc en porteà-faux avec l’Église. D’innocentes victimes payent ainsi de leur vie leurs connaissances des plantes, du corps et leur goût de la fête.
Les superstitions contre les malheurs
Les sorcières – du moins les femmes réputées comme telles – sont mises à l’écart des communautés et vivent comme des ermites. De nombreux habitants des contrées de montagne craignent leur magie et leur emprise sur les consciences, comme le révèle une enquête épiscopale du XIXe siècle. À Guillaume, dans les gorges de Daluis, on découvre que les villageois se réfèrent aux sorcières. Dans la vallée de l’Estéron, au nord de Grasse, les habitants de Sigale croient « aux sortilèges et aux devins que l’on consulte en cas d’infortune ou de maladie ». Edmond Rossi a recueilli nombre d’anecdotes dans l’arrière-pays niçois, rassemblées dans son livre Légendes et chroniques insolites dans les Alpes-Maritimes. Dans chaque village, il est question d’une sorcière « guérisseuse », mais qui peut également apporter le mauvais sort, la maladie et le trépas. Les Niçois ont longtemps cru à la « sorcellerie ». Dans l’entre-deux-guerres, ils se rendent encore à SaintJeannet, renommé comme étant le « village des sorcières ». Là, des rebouteuses prodiguent des soins à bases de plantes et de manipulations, qui soulagent les douleurs physiques et psychiques. Ce qui est étrange, c’est que les villageois qui les qualifient à l’époque de sorcières pratiquent eux-mêmes une certaine « sorcellerie ». Ainsi, à la moindre alerte de mauvais temps, un carillonneur attitré fonce vers le clocher de Coaraze, Belvédère, Valdeblore, La Tour ou Saint-Jeannet pour que le son des cloches les préserve des tempêtes.
Sources : Edmond Rossi, Légendes et chroniques insolites dans les AlpesMaritimes. Éditions des Régionalismes.