Tragédie au temps présent

MISE À MORT DU CERF SACRE De Yórgos Lánthimos (Grande-Bretagne). Avec Nicole Kidman, Colin Farrell, Barry Keoghan. Durée :  h . Genre : drame. Notre avis : ★★★★

L’histoire

Steven (Colin Farrell), brillant chirurgien, est marié à Anna (Nicole Kidman), ophtalmologue respectée. Ils vivent heureux avec leurs deux enfants Kim (Raffey Cassidy), 14 ans et Bob (Sunny Suljic), 12 ans. Depuis quelque temps, Steven a pris sous son aile Martin (Barry Keoghan), un jeune garçon qui a perdu son père. Mais ce dernier s’immisce progressivement au sein de la famille et devient de plus en plus menaçant, jusqu’à conduire Steven à un impensable sacrifice…

Notre avis

Novateur, perturbant, esthétique… Yórgos Lánthimos divise mais sa virtuosité est réelle. Reparti avec un prix du scénario à Cannes, qui fait suite au prix du jury reçu pour The Lobster , le cinéaste grec signe ici une tragédie contemporaine aux tonalités « euripidiennes ». Porté par le couple Colin Farell / Nicole Kidman, à la vie dérangée par l’intrusion de Barry Keoghan (acteur en vogue, présent dans le Dunkerque de Christopher Nolan), la variation possède un style singulier, inspiré par Kubrick dans sa forme. Du choeur au final en passant par la malédiction, Mise à mort du cerf sacré aligne les figures imposées, inhérentes au genre puis se les approprie. Le spectateur est à la fois dérouté et hypnotisé jusqu’à un final d’une extrême brutalité. Fasciné par les hommes, ces êtres faibles faits de chair et de sang – le premier plan, une opération à coeur ouvert sur une musique symphonique symbolise la démarche – enfermé dans une société dystopique, le cinéaste pousse son roi et sa reine dans leurs retranchements. Jamais confortable ni conformiste l’oeuvre se permet par moments de trancher sa noirceur avec des touches d’humour aussi salvatrices que déstabilisantes. De quoi renforcer cette impression d’objet paradoxal, inspiré de la culture classique mais à l’écart du temps, des moeurs et des conventions… Organique.