Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

« Oh, fan de chichourle » : elle cultive des jujubiers !

Émilie Robart, jeune trentenair­e, a repris une exploitati­on de jujubes, ce fruit ancré dans la culture provençale. Un défi parsemé d’embûches. Focus.

- Contact : 06.84.20.49.05. Mail :emilieroba­rt83@gmail.com. Produits disponible­s en vente en directe chez Natur’Halles - Avenue Salvador Allende à Draguignan. Dossier : Matthieu Bescond mbescond@nicematin.fr Photos : Dylan Meiffret

Calme et sérénité. Quand on pénètre sur l’exploitati­on d’Émilie Robart, 35 ans, on est envahi par un sentiment de plénitude. « Ici, c’est un petit coin de paradis. Même s’il y a des inconvénie­nts pour y vivre comme pour y travailler. » À tout juste un quart d’heure de voiture de l’autoroute, on entre dans un lieu hors du temps, isolé. Un endroit où la quiétude est reine, avec pour seul fond sonore le chant des oiseaux. Il faut emprunter une piste caillouteu­se de 6 km pour accéder au site situé au coeur du massif des Maures. Au loin, le rocher de Roquebrune-sur-Argens. « Quand c’est dégagé, on aperçoit même le Mercantour. »

Exploitati­on familiale

« Je suis né ici. J’y ai grandi. J’habitais là avant que je parte en internat pour mes études. » À l’époque le père d’Émilie est chevrier. Mais il est contraint de stopper son élevage. «Après l’incendie qui a ravagé le massif des Maures en 2003, le troupeau s’est mis à avorter. Le stress de la nature interagiss­ait avec les chèvres. Mon père a alors racheté aux voisins une parcelle qui avait aussi brûlé. Il l’a remise en état et s’est mis à cultiver des jujubiers. » Son père à la retraite, Émilie décide de reprendre le flambeau. Après avoir travaillé huit ans dans des bureaux d’études et en tant que conductric­e de travaux, elle lâche tout. « C’était une voie profession­nelle trop éloignée de mes valeurs, de la nature. J’avais envie de retrouver une activité qui me correspond­ait plus. De revenir aux sources. » Les ficelles du métier, elle les apprend sur le tas. « La première année, mon père a gardé une parcelle de subsistanc­e pour pouvoir m’aider et m’accompagne­r sur toutes les étapes, pas à pas, saisons après saisons. Pour me mettre le pied à l’étrier. »

Une récolte en berne

Émilie découvre véritablem­ent le jujube aux côtés de son père. «C’est un fruit qui me plaît bien, notamment parce que l’arbre résiste à la sécheresse. Tout ce qui tient le coup sans eau, ça nous intéresse. » Et d’ajouter : « Ici, l’or c’est l’eau, pas l’argent. » Car l’exploitati­on n’est raccordée à aucun réseau (lire ci-contre). Mais si l’arbre est résistant, la jeune agricultri­ce n’est pas pour autant épargnée par la sécheresse. « Pour survivre, le jujubier met en place une stratégie : il fait avorter ses fruits. Pour résister aux fortes chaleurs, il les fait tomber. Au mois de juin, l’arbre fait de petites fleurs jaune pâle qui se transforme­nt en fruit. Puis, au mois de juillet, ils arrêtent de grossir, se ratatinent et tombent. C’est un système de protection. Cette année, j’ai ramassé 70 % de fruits en moins qu’il y a deux ans. J’ai même des arbres qui n’ont rien donné du tout. »

Diversifie­r sa production

Pour lutter contre la sécheresse, Émilie envisage plusieurs solutions (lire ci-contre). Mais elle a aussi entrepris de diversifie­r sa production. « Plutôt que d’essayer de forcer l’arbre à me donner des fruits, je préfère me donner les moyens de produire autre chose. » L’idée est donc de ne pas mettre tous les oeufs dans le même panier. « La parcelle des jujubes n’est pas un verger monovariét­al. On y trouve aussi une quarantain­e d’oliviers grâce auxquels je produis des olives de table. Cette année, je n’en ai pas eu. Il a fait chaud en début de saison et les fleurs ont grillé sur les arbres, comme je ne les arrose pas. » Un peu plus loin, on trouve aussi une soixantain­e d’amandiers. « J’ai planté les premiers il y a deux ans. Comme les jujubiers, ils viennent de Provence et sont aussi bien adaptés à la sécheresse. Même s’ils sont résistants, il faut quand même les arroser. Je ramasse les amandes au mois d’août. » Et puis il y a aussi une parcelle de fraises. « J’arrive à avoir une grosse production. Il y a à peu près 1 000 pieds. Cette année, j’ai dû faire 130 kg. Mais j’ai arrêté en juin, il faisait trop sec.» Sans oublier des feijoas ou goyave du Brésil. « J’ai une trentaine d’arbres. La récolte se fait en novembre/décembre. Ça tombe bien puisque ça ne se fait pas en même temps que les autres fruits. Cette année, ils ont du mal à grossir, je ne sais pas encore si j’en aurais. Comme les jujubes et les fraises, j’en fais des confitures et du sirop dans mon laboratoir­e de transforma­tion. Les feijoas ont un goût exotique, un peu acide et âpre en même temps. Avec une chair granuleuse. C’est très fruité. Il reste vert tout le temps. La seule façon de savoir s’il est mûr, c’est d’attendre qu’il tombe. » Lorsqu’elle présente ces fruits peu connus sur des événements, c’est le succès assuré. « Les gens sont attirés, curieux. Ils accrochent, découvrent ! », s’enthousias­me la jeune femme. Reste que pour l’instant, ça ne suffit pas pour vivre : « Quand j’ai repris l’exploitati­on, elle avait 5 ans. Je savais pertinemme­nt que je ne dégagerais pas un chiffre d’affaires mirobolant. D’autant plus que j’ai fait le choix d’investir avec ce que je gagne. » Pour joindre les deux bouts, elle continue de travailler dans un bureau d’études en tant qu’auto-entreprene­ur. « Un deuxième boulot pour manger à la fin du mois. » Mais elle n’est pas du genre à baisser les bras. « J’espère bien pouvoir en vivre pleinement à terme. Pour cela, il faut d’abord que j’augmente ma capacité de rétention en eau (lire ci-contre).»

Tout ce qui tient le coup sans eau, ça nous intéresse ”

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Sur son exploitati­on, Émilie Robat cultive près de  jujubiers. Mais aussi des fraisiers, des feijoas des amandiers, et des olives.
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Dans son laboratoir­e, Émilie transforme ses fruits en confitures ou en sirops.

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