Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Hervé Pietra, l’homme qui sauve les palmiers
Le Toulonnais consacre tout son temps et son énergie à la lutte contre les ravageurs de ce végétal. Il milite aujourd’hui pour que le piégeage se développe sans contrainte
Système d’aspersion en hauteur, couvertures chauffantes… Les palmiers d’Hervé Pietra bénéficient d’un traitement de luxe en toute saison. Ils sont une trentaine d’immenses Phoenix Caraniensis sur les deux hectares du Clos des Ameniers, au Cap Brun, quartier chic de Toulon. Ces vieux messieurs sont centenaires. « Mon grand-père Victor les a plantés vers 1910. La propriété est dans la famille depuis 1883 », rappelle-t-il avec émotion. Cet aïeul avocat, dont le portrait est accroché dans l’escalier de la grande demeure, a écrit des chansons et composé des opéras. « Après son échec face à Clemenceau, élu sénateur du Var en 1902, il est parti se changer les idées, en Tunisie » où il a pris racine, raconte son petit-fils, qui y a grandi à l’ombre des palmiers. Après des études à Aix-en-Provence, Hervé Pietra commence, en 1973, une belle carrière dans une banque immobilière à Marseille, puis à Paris. « En 1995, je me pose à Toulon et change de métier, devenant aménageur foncier. » Les palmiers de son jardin sont un peu comme ses enfants. Des enfants en danger de mort. « J’en ai perdu deux, magnifiques, en 2011 », explique-t-il. Tués par le charançon rouge, qui les décime par centaines sur tout le littoral depuis les années 2000. Les larves dévorent les jeunes palmes, avant de coloniser le coeur et d’y creuser leurs galeries. La plante meurt entre deux et cinq ans, selon l’importance de l’infection. Devoir abattre de si beaux spécimens le rend malade. Dès lors, la sauvegarde de l’espèce devient son obsession. « Je vis palmiers, je pense palmiers », plaisante-t-il. Homme d’action, il crée en janvier 2012 l’association Sauvons les palmiers, forte de 194 adhérents aujourd’hui. Il y consacre tout son temps et son énergie, aux côtés de la vice-présidente, Sylvie Mazalon,
qu’il appelle Wonder Woman, et de Jean-Marie, le webmaster du site « La passion des palmiers est une maladie grave et contagieuse, on est une bande de fous de palmiers. » Pas si fous, puisqu’ils travaillent avec les scientifiques et tentent de convaincre les politiques de prendre les bonnes décisions. Contenir les prédateurs en les tuant et en les empêchant de se mettre à l’oeuvre, ce qui est actuellement possible, ne suffit pas. L’urgence est de développer de nouvelles solutions. « Le troisième temps, celui qu’on prépare, est une des pistes les plus sérieuses de la lutte biologique, annonce-t-il. C’est un champignon entomopathogène (parasite d’insectes ou d’autres arthropodes, dont il entraîne la mort, Ndlr). Hélas, s’il existe à l’état naturel à Bornéo, lieu de départ du charançon, notre climat ne favorise pas son développement. Les chercheurs travaillent à son adaptation ici. » Le mois dernier, Hervé Pietra a donné une conférence sur la lutte biologique, lors d’un congrès en Tunisie… Retour sur sa terre natale, là où les palmiers ne sont pas de simples plantes d’ornement. Pour les sauver, il n’hésite pas à secouer le cocotier : « Leur sauvegarde dépasse largement l’aspect patrimonial français, tient-il à préciser. Si le charançon s’attaque aux palmeraies d’Afrique du Nord, où l’on ne vit que des dattes, et où l’on fait pousser les légumes à l’ombre des palmiers, ce sera dramatique. Les populations remonteront vers le nord. L’enjeu est géopolitique. Et l’Europe d’un cynisme total. Elle a renoncé à la lutte obligatoire en mars dernier. C’est une décision idiote ». Reste à convaincre l’administration centrale française, en réponse au lâchage de la Commission européenne, de ne pas prendre les mauvaises décisions. Le président de Sauvons nos palmiers est, à ce titre, très inquiet et le dit sans langue de bois : « Il se prépare un mauvais coup, avec une nouvelle organisation, le plan collectif volontaire. C’est une usine à gaz. Le vrai combat porte sur les produits, pas sur l’organisation. Il faut que le piégeage des infestants se développe sans contrainte ». Il a convaincu la députée varoise Geneviève Lévy de poser une question en ce sens au ministère de la Transition écologique. Malgré tout l’amour qu’il porte aux palmiers, Hervé Pietra assure qu’aujourd’hui « il faut arrêter toute nouvelle plantation, compte tenu du problème. On a trop planté de Washingtonia, parce que ce n’est pas cher, que ça pousse vite et que ça fait plaisir aux maires ». L’essentiel à ses yeux est de sauver ceux qui sont déjà là.
Je vis palmiers, je pense palmiers... ” L’enjeu est géopolitique ”