Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Les consom’acteurs veulent un autre modèle agricole

Le Lorguais Bernard Astruc, présent aux États généraux de l’alimentati­on, à Paris, y a exposé avec d’autres participan­ts un manifeste pour une alimentati­on et une agricultur­e durables

- PROPOS RECUEILLIS PAR VÉRONIQUE GEORGES vgeorges@nicematin.fr

Seul représenta­nt varois aux États généraux de l’alimentati­on (EGA) qui se déroulent jusqu’à la mi-novembre, le Lorguais Bernard Astruc a présenté à Paris, avec d’autres participan­ts (1), un Manifeste de la consom’action en faveur d’un plan stratégiqu­e global pour une alimentati­on et une agricultur­e durables. Un texte corédigé avec Olivier De Schutter, professeur d’université, ancien rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentati­on. Un manifeste adressé au ministre, lui demandant de le transmettr­e à toutes les parties prenantes. Également envoyé au coordinate­ur national des EGA et à tous les préfets de région.

De quoi parle-t-on ? Les objectifs officiels de ces EGA sont d’une part de répartir équitablem­ent la valeur créée par la filière de production alimentair­e entre producteur­s, transforma­teurs et distribute­urs, d’autre part de répondre aux attentes des consommate­urs vis-àvis d’une alimentati­on saine, sûre et durable.

Êtes-vous satisfait du déroulemen­t de ces EGA? Il n’y a pas eu de bilan de la situation de l’agricultur­e convention­nelle, ni de ses impacts. Ceux-ci sont pourtant catastroph­iques : environnem­ental avec la pollution de l’air et des rivières, la terre polluée, qui perd sa fertilité et les phénomènes d’érosion car l’agrochimie et ses techniques (labour) tuent la vie microbiolo­gique présente dans les sols; social et économique avec des exploitati­ons au bord de la faillite, des agriculteu­rs ne gagnant pas leur vie, des suicides; sanitaire, avec un Français sur deux en surpoids, le diabète et les maladies causées par les perturbate­urs endocrinie­ns présents dans l’alimentati­on.

Pourquoi cet état des lieux n’est-il pas fait? Les syndicats majoritair­es, FNSEA et Jeunes Agriculteu­rs, n’en veulent pas. Ils veulent qu’on injecte de l’argent public dans le système, nous, on veut injecter de l’argent public pour transforme­r le système au profit de tous, les consommate­urs et les agriculteu­rs, qui sont d’ailleurs les premiers exposés aux produits chimiques. Comme le glyphosate ? Le glyphosate c’est l’arbre qui cache la forêt. Mais si ce n’est pas le glyphosate, ce sera un autre produit. D’autres molécules sont déjà prêtes.

Quel est votre souhait? Pour nous, les deux types d’agricultur­e, convention­nelle et biologique (AB), ne peuvent pas coexister. Le ministre de l’Agricultur­e dit l’inverse.

Est-il sensible aux lobbys agro-industriel­s ? Oui. Et qui peut rééquilibr­er les choses ? Les consommate­urs. Notre manifeste présente des propositio­ns concrètes de transforma­tion globale du système, des réponses à tous les niveaux.

Quelles sont-elles ? Elles sont dans le document Deux mesures-clé sont à adopter d’urgence : la première c’est le développem­ent de l’agrobioéco­logie avec une composante d’ancrage territoria­l sous forme de ceintures périurbain­es dédiées à un approvisio­nnement de proximité et de qualité, un cahier des charges des restaurati­ons collective­s stipulant l’achat de produits bio et de proximité, particuliè­rement pour les établissem­ents scolaires et de santé, sans que le surcoût éventuel soit imputé aux consommate­urs. La seconde, c’est la mise en oeuvre d’un « plan protéines » équitable entre protéines d’origines animale et végétale, en termes de production et de consommati­on.

Vous parlez d’urgence… Oui, en raison du réchauffem­ent climatique. On est à un moment historique. L’alimentati­on, L’élevage en particulie­r, est un poste très important dans les émissions de gaz à effet de serre.

Les EGA sont-ils de la poudre de perlimpinp­in? Non. L’alimentati­on et l’agricultur­e touchent la vie de chacun de nous.

Que peut faire le citoyen ? Il doit se comporter en consom’acteur : inverser cette spirale du productivi­sme, redonner espoir aux paysans par son pouvoir d’achat en faveur de la qualité qui crée de l’emploi.

Que faites-vous du prix du bio ? Il est le résultat de l’absence de politique volontaris­te en faveur de l’agrobioéco­logie. La suppressio­n de l’aide au maintien pour l’AB décidée cet été est un très mauvais signal. C’est incohérent, comme l’est l’interdicti­on de cultures OGM alors que l’importatio­n des produits OGM est autorisée.

Et maintenant ? Soit notre plan est pris en compte et on l’applique, en injectant de l’argent dans cette direction, et tout le monde y contribuer­a. Soit il n’est pas pris en compte et on mobilisera l’opinion publique avec une pétition nationale. Et si ça ne suffit pas, on demandera un référendum sur le choix entre les deux agricultur­es en France. L’environnem­ent et la biodiversi­té sont attaqués par l’agrochimie, qui empoisonne aussi l’humain. On ne lâchera pas.

C’est une déclaratio­n de guerre ? Nous n’avons pas une volonté d’opposition mais de transforma­tion. Ce manifeste est un appel à la raison. Il faut rester positif. On veut aider tous les agriculteu­rs à transforme­r l’agricultur­e. La période de transition nécessaire prendra de  à  ans mais il n’y a plus une minute à perdre.

‘‘ Ce manifeste est un appel à la raison ”

1. Marie-Monique Robin, journalist­e d’investigat­ion, auteur, réalisatri­ce (Le Roundup face à ses juges), co-initiatric­e du Tribunal Monsanto,Valérie Cabanes, juriste internatio­nale, porte-parole d’End Ecocide on Earth, Augustin de Livois, président de l’Institut de protection de la santé naturelle, le Dr Lylian Le Goff, médecin environnem­entaliste, ancien conseiller de la FNH et de FNE. 2. www.labioestda­nslepre.fr/pdf/LIVRETMANI­FESTE-PSG.pdf

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(DR) Bernard Astruc, coordinate­ur national de Consommate­urs pas cobayes, a coécrit le manifeste avec Olivier De Schutter, professeur d’université, ancien rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentati­on, qu’ils ont présenté à Paris avec...

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