Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Azuréens et Varoises: les âmes fauchées

- ERIC GALLIANO ET CHRISTIANE GEORGES

Les attaques du 13 novembre 2015 ont coûté la vie à 130 personnes et fait plus de 400 blessés. C’est la plus lourde tragédie imputable au terrorisme qu’ait eu à connaître la France depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Parmi les victimes figuraient aussi des Azuréens et des Varois. En cette journée de commémorat­ion comment ne pas avoir une pensée émue pour Chloé de Bacco qui continue, courageuse­ment, de se battre au quotidien pour surmonter le traumatism­e de ce 13Novembre ? Cette jeune Niçoise de 30 ans était au Bataclan avec son amie Fanny Minot. Les deux jeunes filles travaillai­ent pour la même société de production au montage d’émissions de Canal+. Fanny ne s’est jamais relevée. Chloé, blessée par balles au bras et à la jambe, a mis six mois pour y arriver, au prix de soins intensifs. Tout comme Mathieu, le fils de l’artiste niçois Michel Cabaret. Lui aussi était au Bataclan ce triste soir, avec sa petite-amie originaire de Saint-Laurent-du-Var. Eux aussi ont été atteints par les rafales de Kalachniko­v. Mathieu a reçu un projectile en plein cou en tentant de protéger son amie qui a malgré tout été, elle aussi, grièvement blessée. D’autres ont eu plus de chance. Comme Valentina, 31 ans, que nous avions rencontrée à Monaco où elle travaille. Valentina nous avait dit sa « chance infinie » de sortir indemne du Bataclan avec ses amis. Indemne, du moins physiqueme­nt. Car au-delà des souffrance­s du corps, les victimes du 13-Novembre ont dû, au cours de ces deux années écoulées, réapprendr­e à vivre en dépit du drame qu’elles ont vécu.

L’amour face à la barbarie

En cette journée particuliè­re, comment oublier Aurélie de Peretti, une âme d’artiste qui avait la musique au coeur ? Partie à Paris pour quelques jours de vacances bien méritées après une saison au Club 55, la Tropézienn­e Aurélie a perdu la vie le 13 novembre 2015 au Bataclan. Fauchée à 33 ans, aux côtés de sa compagne Elodie Pierrat, grièvement touchée, qui se remet doucement de ses blessures. Elodie, psychiatre à temps partiel au pôle de santé de Gassin, tente de se reconstrui­re. La balle qu’elle a reçue à la gorge a aujourd’hui migré au niveau de l’épaule. Comme une marque indélébile avec laquelle il faut vivre désormais. Elodie s’est exprimée publiqueme­nt une seule fois, l’an dernier, lors de la messe d’hommage à sa compagne. Citant Charles Péguy et son poème « L’amour ne disparaît pas » elle avait envoyé un message à Aurélie : « Partout où je serai, tu seras. Je t’aime. » Aurélie, fille de notre confrère et ami Jean-Marie de Peretti, a laissé derrière elle une famille brisée et tout un village endeuillé. Sa soeur Delphyne garde dans son coeur sa « petite rockeuse lumineuse ». Son père Jean-Marie évoque sa sensibilit­é d’artiste: «Un rien la touchait. Elle était fascinée par l’arbre à kakis du jardin familial qui donne des couleurs flamboyant­es en automne. Aurélie voyait le beau partout. » Lors de ses obsèques, cette belle âme avait reçu un touchant témoignage de ses amis, qui avaient transformé son cercueil en oeuvre d’art. Depuis, les hommages se sont multipliés : un olivier, symbole d’éternité a été planté sur les hauteurs de Saint-Tropez, une avenue Aurélie-de-Peretti a été inaugurée à Saint-Zacharie, ville de résidence de son oncle Jacques... De touchantes marques d’estime mais un oubli impossible pour ses proches, dont sa maman Laurence, qui n’a pu exprimer sa douleur par des mots. Cette année, le couple et leur fille aînée assisteron­t à l’hommage aux victimes du 13-Novembre à Paris. Ce ne fut pas le cas en novembre 2015. Jean-Marie de Peretti avait alors lancé un cri de colère et les raisons de son absence : « Après les attentats de Charlie Hebdo, la sécurité était devenue une cause nationale. Rien n’a été fait et ma fille est morte quelques mois après », disait-il alors. Aujourd’hui, où en eston ? Les attentats se succèdent, comme autant de coups qui ravivent la douleur. Celui du 14 juillet 2016 à Nice, si proche, a agrandi un peu plus la blessure. Face à la barbarie, à l’image de la lumineuse Aurélie, femmes, hommes et enfants continuent d’opposer leur capacité d’amour. Rempart fragile mais indispensa­ble contre l’obscuranti­sme.

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(Photo P. Arnassan) Laurence et Jean-Marie de Peretti dans la maison familiale varoise, devant le portrait d’Aurélie et de l’une de ses oeuvres.

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