Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

La rabasse plus rare que jamais

Le coup d’envoi du marché à la truffe d’hiver a été donné hier. Cette année, la sécheresse n’aura pas épargné le diamant noir avec une faible production et des prix qui grimpent en flèche

- MATTHIEU BESCOND mbescond@nicematin.fr

« Aujourd’hui, il y a plus de monde que de truffes... ». Hier matin, sur la place Martin-Bidouré, les visages étaient tirés pour l’ouverture du marché de la truffe à Aups. Les sourires grimaçants. Le climat pesant. La saison s’annonce noire. En cause, la sécheresse exceptionn­elle qui n’a pas épargné le précieux champignon. « D’habitude, une trentraine de producteur­s vendent leurs truffes ici, poursuit Philippe De Santis, vice-président du syndicat des trufficult­eurs varois. Ce matin, nous ne sommes qu’une dizaine... »

 euros le kilo

Le diamant noir se fait rare. Les prix flambent. « C’est la loi de l’offre et de la demande. » Et on atteint des sommets. A l’ouverture du marché, tuber malanospor­um, alias truffe noire du Périgord, – primeur et à consommer tout de suite –, atteint la coquête somme de 800 euros le kg. Du jamais vu. «A titre de comparaiso­n, en 2003, année de sécheresse importante, elle atteignait les 500 euros le kg. » Et ça va encore grimper. Pendant la semaine du 15 au 20 décembre, avant les fêtes, «le prix pourrait monter jusqu’à 1800 euros, voire plus... » Du côté de Francis Gillet, président du syndicat des trufficult­eurs du Var, on fait forcément grise mine. « On a été malheureux sur la feuille de match... image-t-il. Il n’est pas tombé une goutte d’eau depuis fin mai... J’ai beau avoir des cheveux blancs, je n’avais jamais vu ça.» Et de se projeter déjà dans le futur: « Il faut espérer qu’il n’y ait pas trop de répercussi­ons dans les années à venir. La nature a profondéme­nt souffert. Je ne dirai pas que la production est nulle. Mais elle est plus que médiocre. »

Pas d’eau, pas de truffes

Dès l’ouverture du marché, on se presse devant les quelques étals où sont disposées les « rabasses ». Ca pèse. Ca discute : « Et là, ça fait combien ? » La production est maigre. Seuls ceux qui irriguent leurs truffières ont pu tirer un petit rendement. À l’image de Stéphane Davit, producteur sur Moissac depuis près de 35 ans. « Je me sers de camions citernes pour maintenir en vie mes truffières. J’ai commencé à mettre en place un système de forage, pour anticiper les années à venir. » Car la gestion de l’eau est sans aucun doute un enjeu à ne pas négliger dans le futur (lire ci-dessous). Quant à la saison, le constat est le même: « Je n’ai jamais vu ça. Même en 2003, ce n’était pas aussi grave. Il avait fait très chaud, mais il y avait eu un peu plus d’eau. Omniprésen­t, le vent n’a rien arrangé cette année. Comparée à l’an passé, ma production a baissé de 75 %... » Reste qu’il aura pu proposer quelques truffes à la vente. Mieux que rien...

Une saison catastroph­ique

Ce n’est pas le cas d’Eric Ollivier, trufficult­eur à Aiglun dans les Alpes-de-Haute-Provence. «La saison est catastroph­ique. Je n’ai pas de système d’irrigation, donc pas de truffes cette année. Or, j’ai des commandes de clients à honorer. Je suis donc obligé de venir me fournir ici. J’en ai acheté pour 220g pour 160 euros. » Du côté des acheteurs, on ne fait pas de folie, à l’image de Laurent, en provenance de Nice. « La truffe, j’adore ça. Je viens chaque année pour l’ouverture du marché. Ca permet de jauger la saison. Cette année, j’en ai acheté un peu, histoire de me faire plaisir et de ne pas rentrer bredouille. Mais à ce prix-là, c’est inabordabl­e. Ca laisse augurer des tarifs exorbitant­s dans les jours à venir.» Et Philippe de Santis de voir plus loin : « Ce genre de sécheresse, c’est très mauvais. Si on subit une autre année comme celle-ci, le mycélium risque d’être complèteme­nt détruit. Ce qui équivaudra­it à tuer la mère… » Ô Bonne Mère priez pour eux...

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 ?? (Photos Dylan Meiffret) ?? Peu de diamant noir lors de l’ouverture du marché trufficole hier à Aups. Une saison qui s’annonce difficile pour les profession­nels et chère pour les amateurs...
(Photos Dylan Meiffret) Peu de diamant noir lors de l’ouverture du marché trufficole hier à Aups. Une saison qui s’annonce difficile pour les profession­nels et chère pour les amateurs...
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