Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Assises: perpétuité requise pour les crimes de Marseille
Pour l’avocat général, l’accusé a simulé lui-même le dernier signe de vie de la deuxième victime après l’avoir assassinée, mis en confiance par son impunité après le meurtre de la première
Au terme d’un réquisitoire marathon de 3 h 40, l’avocat général a requis hier soir la réclusion à perpétuité contre Abdelkader Amrani, pour avoir étranglé et étouffé deux femmes à Marseille, à six ans d’intervalle, en février 2006 et juin 2012. L’accusé avait fait appel de sa condamnation à trente ans de réclusion par les assises des Bouches-du-Rhône en décembre 2016. C’était alors le maximum de la peine, puisque les jurés aixois avaient écarté la circonstance aggravante de la préméditation. L’avocat général a demandé aux juges d’appel de retenir l’assassinat, en ce qui concernait la mort de Marina Ciampi.
Le dernier appel
Le dernier signe de vie de cette veuve de 52 ans consistait en un message téléphonique qu’elle avait envoyé le 27 juin 2012 à 18h41 à Abdelkader Amrani, depuis son portable. Cet appareil avait disparu quand les secours ont découvert son corps le surlendemain en début d’aprèsmidi. La puce du téléphone utilisé par l’accusé n’avait pas non plus été retrouvée. Mais pour cette connexion, les deux appareils avaient activé la même cellule couvrant le domicile de la victime. Étranglée puis étouffée, nue sur son lit, la tête enveloppée d’un sac plastique maintenu par le cordon de son sèche-cheveux enroulé autour du cou, Marina Ciampi avait sur les mains quelques lésions de défense, signe qu’elle avait lutté pour tenter de survivre. Sous ses ongles, on avait retrouvé l’ADN d’Abdelkader Amrani.
L’accusé était sur les lieux du crime
Ils s’étaient connus deux semaines auparavant, sur un site de rencontres sur Internet. Mais d’après ce que Marina Ciampi avait confié à sa meilleure amie, ils ne s’étaient jamais rencontrés. «Marina Ciampi a accueilli jusque dans son lit celui qui allait l’assassiner, a résumé l’avocat général Pierre Cortès. La présence téléphonique d’Abdelkader Amrani est avérée à proximité de son domicile, avec la preuve scientifique de sa présence à l’intérieur du domicile où il a laissé son ADN. Cet ADN sous les ongles de la victime, c’est la preuve essentielle. »
Deux téléphones dans la même main
La défense n’avait pas fait mystère de son intention de plaider l’impossibilité matérielle pour l’accusé de commettre ce crime à 18h41, et d’arriver vers 19h10 à son travail, après avoir roulé 7 km dans Marseille aux heures de pointe, sur un trajet reconstitué par la police en 33 minutes. « Sauf que le postulat qui fonde cet alibi vacille », a objecté M. Cortès. Pour lui, la victime n’était sans doute plus de ce monde à 18 h 41. C’était l’accusé qui, son crime commis, et après avoir simulé un vol, s’était envoyé à lui-même le fameux dernier message, avant de quitter les lieux aussitôt après. « C’était pas mal fait. Un téléphone dans chaque main, il pouvait faire croire qu’elle était encore en vie. Ça faisait de lui le témoin à décharge de sa propre personne. »
« Il a recommencé »
Il fallait chercher le mobile dans la personnalité de l’accusé, qui avait vécu comme un abandon le fait que la victime souhaite renouer avec son ex. Quant à la préméditation, elle découlait selon l’avocat général de l’impunité après le meurtre commis en 2006 sur Henriette Bernardi. « Il est venu pour recommencer. Deux femmes étranglées et étouffées à six ans d’intervalle, avec son ADN sous leurs ongles, ça fait beaucoup trop de coïncidences. » Mes Sondra Tabarki et Patrice Reviron plaideront ce matin en défense.