Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Gros câlins
La confiance ne se décrète pas, elle se gagne. Devant le e congrès de l’Association des maires de France, hier, Emmanuel Macron a fait le job. Agile sur la forme, raide sur le fond. Sans rien céder sur les axes les plus contestés de sa politique. Et en même temps, dispensant généreusement à ces élus en plein doute les marques qu’ils attendaient de respect et de considération. C’était habilement fait. Les sifflets se sont vite tus. On sait que Macron excelle à braver les publics houleux. A-t-il mis l’auditoire dans sa poche ? Il serait présomptueux de l’affirmer. Ceux qui espéraient des annonces fortes ou la promesse que l’État allait faire couler le lait et le miel auront été déçus. Au moins a-t-il dit deux choses fortes, qui ont peut-être ouvert la voie à un dialogue apaisé. D’abord, exercice qui ne lui est pas familier, un mea culpa en bonne et due forme pour les décisions prises sans concertation au cours de l’été. Donc acte. «On ne peut plus
vivre dans un schéma centralisateur et parisien», a martelé le chef de l’État. Pour l’heure, ce ne sont que de bonnes paroles. Mais il fallait que ce fût dit, et dit par lui, ce président venu de la haute technostructure, si vertical dans son exercice du pouvoir, et qui n’a jamais exercé aucun mandat local. Bref, triplement suspect aux yeux des élus de terrain. Ensuite, l’engagement que pour les années à venir, on ne changera pas les règles du jeu. Pas de nouvelle baisse de la dotation globale de fonctionnement, donc – c’est bien le moins, sachant que sept années de baisse interrompue laissent nombre de communes exsangues. Et pas non plus de nouveau chantier institutionnel – il y en a eu bien assez, depuis dix ans, de ces réformes empilées, souvent mal ficelées, et toujours pas digérées. Le message a été bien reçu. Les maires – comme les agents économiques – ont besoin de stabilité et de visibilité. En somme, on attendait un grand discours sur la décentralisation. On a eu un moment de câlinothérapie. Instruit par l’échec de LREM aux sénatoriales, le président de la République a compris l’urgence de répondre à la grogne de cet immense réseau d’influence que constituent les élus locaux, dont une partie de la droite espérait faire une machine de guerre contre le pouvoir. Sans doute a-t-il en partie conjuré le danger. Mais… Apaiser, rassurer, c’est très bien. Ca ne suffit pas à regonfler les poitrines. Or, force est de constater que le projet macronien d’une France «girondine», donnant plus d’autonomie aux collectivités locales, est resté flou. En pointillés. Que sur les moyens de redynamiser les territoires en panne d’avenir, la France des communes rurales oubliées et des petites villes sinistrées, le Président a été en dessous de la main. Au fond, les limites de l’exercice se résument dans l’épineux dossier de la taxe d’habitation. La mesure est simple, efficace et populaire (pardi !). Électoralement, elle a payé. Mais elle est aussi coûteuse; son financement (l’État devra compenser le manque à gagner au centime près) ressemble à s’y tromper à la méthode du sapeur Camember qui creusait un trou pour combler un autre; et le tout aboutit de fait – à rebours de la philosophie affichée - à renforcer la tutelle de l’État sur les communes. Conscient qu’«un impôt qui serait payé par % de la population n’est pas un bon impôt », le chef de l’État se propose d’ailleurs d’aller « plus loin ». Il promet une « refonte en profondeur de la fiscalité des communes », afin de « garantir pleinement leur autonomie fiscale». Le dispositif est à l’étude. Décision en . Application en . N’aurait-il pas mieux valu, comme le propose le président du Sénat, repousser d’un an la baisse de la taxe d’habitation et mettre ce délai à profit pour tout remettre à plat ? Cela semble de bon sens. Politiquement, c’est une autre histoire.