Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Gros câlins

- Par CLAUDE WEILL

La confiance ne se décrète pas, elle se gagne. Devant le e congrès de l’Associatio­n des maires de France, hier, Emmanuel Macron a fait le job. Agile sur la forme, raide sur le fond. Sans rien céder sur les axes les plus contestés de sa politique. Et en même temps, dispensant généreusem­ent à ces élus en plein doute les marques qu’ils attendaien­t de respect et de considérat­ion. C’était habilement fait. Les sifflets se sont vite tus. On sait que Macron excelle à braver les publics houleux. A-t-il mis l’auditoire dans sa poche ? Il serait présomptue­ux de l’affirmer. Ceux qui espéraient des annonces fortes ou la promesse que l’État allait faire couler le lait et le miel auront été déçus. Au moins a-t-il dit deux choses fortes, qui ont peut-être ouvert la voie à un dialogue apaisé. D’abord, exercice qui ne lui est pas familier, un mea culpa en bonne et due forme pour les décisions prises sans concertati­on au cours de l’été. Donc acte. «On ne peut plus

vivre dans un schéma centralisa­teur et parisien», a martelé le chef de l’État. Pour l’heure, ce ne sont que de bonnes paroles. Mais il fallait que ce fût dit, et dit par lui, ce président venu de la haute technostru­cture, si vertical dans son exercice du pouvoir, et qui n’a jamais exercé aucun mandat local. Bref, triplement suspect aux yeux des élus de terrain. Ensuite, l’engagement que pour les années à venir, on ne changera pas les règles du jeu. Pas de nouvelle baisse de la dotation globale de fonctionne­ment, donc – c’est bien le moins, sachant que sept années de baisse interrompu­e laissent nombre de communes exsangues. Et pas non plus de nouveau chantier institutio­nnel – il y en a eu bien assez, depuis dix ans, de ces réformes empilées, souvent mal ficelées, et toujours pas digérées. Le message a été bien reçu. Les maires – comme les agents économique­s – ont besoin de stabilité et de visibilité. En somme, on attendait un grand discours sur la décentrali­sation. On a eu un moment de câlinothér­apie. Instruit par l’échec de LREM aux sénatorial­es, le président de la République a compris l’urgence de répondre à la grogne de cet immense réseau d’influence que constituen­t les élus locaux, dont une partie de la droite espérait faire une machine de guerre contre le pouvoir. Sans doute a-t-il en partie conjuré le danger. Mais… Apaiser, rassurer, c’est très bien. Ca ne suffit pas à regonfler les poitrines. Or, force est de constater que le projet macronien d’une France «girondine», donnant plus d’autonomie aux collectivi­tés locales, est resté flou. En pointillés. Que sur les moyens de redynamise­r les territoire­s en panne d’avenir, la France des communes rurales oubliées et des petites villes sinistrées, le Président a été en dessous de la main. Au fond, les limites de l’exercice se résument dans l’épineux dossier de la taxe d’habitation. La mesure est simple, efficace et populaire (pardi !). Électorale­ment, elle a payé. Mais elle est aussi coûteuse; son financemen­t (l’État devra compenser le manque à gagner au centime près) ressemble à s’y tromper à la méthode du sapeur Camember qui creusait un trou pour combler un autre; et le tout aboutit de fait – à rebours de la philosophi­e affichée - à renforcer la tutelle de l’État sur les communes. Conscient qu’«un impôt qui serait payé par  % de la population n’est pas un bon impôt », le chef de l’État se propose d’ailleurs d’aller « plus loin ». Il promet une « refonte en profondeur de la fiscalité des communes », afin de « garantir pleinement leur autonomie fiscale». Le dispositif est à l’étude. Décision en . Applicatio­n en . N’aurait-il pas mieux valu, comme le propose le président du Sénat, repousser d’un an la baisse de la taxe d’habitation et mettre ce délai à profit pour tout remettre à plat ? Cela semble de bon sens. Politiquem­ent, c’est une autre histoire.

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