Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

«Je ressentais surtout de l’excitation!»

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« Je vivais avec mes parents, mon frère et mes grands-parents paternels, au pied de la Tour carrée, dans le Mourillon. On dormait, quand on a entendu des explosions ! On est tous allé à la fenêtre, mais on ne savait pas ce qu’il se passait, on n’avait pas de vue sur le plan d’eau. Mais je me souviens de lumières vertes, je pensais que c’était des balles traçantes… Il devait être un peu plus de  heures. Le lendemain, vers  heures, on est parti avec mon frère et mon père du côté de la rue de l’Artillerie, un peu avant l’actuelle église Don Bosco. On avait une vue sur toute la rade, c’est à ce moment que j’ai vu les bateaux, qui brûlaient ! Je me souviens de L’Algérie et de La Marseillai­se, deux croiseurs. Plus loin, des contre-torpilleur­s étaient sur le flanc. De loin, on apercevait aussi le navire de ligne le Strasbourg, tout droit. Lui ne brûlait pas… Après cet épisode, je suis resté tout seul. Ce que j’éprouvais à ce moment, c’était surtout de la curiosité et de l’excitation. Je suis descendu dans la rue Eugène-Pelletier pour aller sur le boulevard Bazeilles. Il y avait plein de personnes attroupées. J’ai alors vu passer des voitures militaires allemandes remplies. Je crois que c’étaient des SS… Le lendemain, je me suis retrouvé sur le boulevard de Strasbourg, à la hauteur du collège Peiresc. Des marins allemands y défilaient, mais les gens étaient un peu goguenards devant eux. Ils étaient venus prendre possession de la flotte, mais bon, vu qu’il n’y avait plus rien, ils sont vite repartis ! Un peu plus tard, les Italiens ont réquisitio­nné les écoles pour mettre leurs mulets. Avec mes copains, on avait dit “Super, plus d’école !” C’est le petit côté réaliste pendant la guerre… » « À cette époque, j’étais au lycée de jeunes filles de Toulon, l’actuel lycée Bonaparte. Mais j’habitais à La Seyne, juste sur le quai. Le  novembre, on savait déjà par des “on-dit” que les Allemands étaient à Ollioules. Dans la nuit, mon père s’est levé en premier. Il m’a réveillée et m’a lancé : “Il y a des soldats partout !” Mais moi, je croyais que c’était les Américains, ils avaient débarqué en Afrique du Nord ! “Mais non !”, m’a-t-il répondu. J’ai regardé à travers les volets : c’était plein de chars allemands ! Et là, tout à coup, vers  heures, paf ! Ça a sauté, ça a brûlé, ça a explosé ! Mon père m’a dit : “Ça y est, ils se sabordent !” Mon père a essayé de sortir sur le port, mais les soldats l’en ont empêché. Je me souviens aussi de militaires français qui se déshabilla­ient pour ne pas se faire attraper. Le Strasbourg coulait tout droit. Des bateaux brûlaient, d’autres étaient renversés. À ce moment, j’ai eu de la haine pour les Allemands… Très vite, on n’a plus rien vu sur la rade, il y avait des fumées noires partout. Le lendemain du sabordage, mon père, qui travaillai­t au centre des torpilles du Mourillon, a photograph­ié le Strasbourg et a réalisé, dans la cave de la maison, une affiche avec son groupe de résistance. On peut y lire “Pavillon haut malgré tout !” Suite au sabordage, je n’ai plus pu aller au lycée, ni devenir pharmacien­ne. J’ai travaillé aux impôts et épousé un officier de Marine. Le sabordage a changé ma vie. »

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