Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Robert Guédiguian revient avec La Villa

- PROPOS RECUEILLIS PAR PHILIPPE DUPUY pdupuy@nicematin.fr

Avec La Villa, Robert Guédiguian revient à la source de son cinéma, réinstalla­nt sa troupe (Ariane Ascaride, JeanPierre Darroussin, Gérard Meylan, Jacques Boudet…) dans la calanque de Méjean, où il tournait en 1985 une scène de Ki Lo Sa? reprise dans le film. L’occasion de parler du temps qui passe, mais aussi du présent, avec l’irruption de réfugiés. Et peut-être d’avenir, puisque ces migrants sont des enfants… Tous sujets dont le réalisateu­r Marseillai­s de 63 ans, ragaillard­i par l’expérience d’un tournage à domicile, nous a entretenus avec passion autour d’un excellent déjeuner.

La calanque de Méjean c’est un peu, avec l’Estaque, la matrice de votre cinéma, non ? Oui, parce qu’elle se situe du côté des quartiers populaires, à vingt minutes de l’Estaque, sur la Côte Bleue. Ce n’est pas un endroit touristiqu­e comme celles de Cassis, par exemple. J’y suis venu pour la première fois en , c’était presque inaccessib­le et ça n’a pas changé depuis. L’hiver, c’est désert. Du coup, on s’en est servi comme d’un studio. On a fermé l’accès, loué toutes les maisons, repeint les façades, viré quelques bateaux, tiré des câbles et emménagé quatre décors intérieurs où il suffisait d’allumer la lumière pour pouvoir tourner à tout moment. On a habité sur place, technicien­s et acteurs réunis, pendant toute la durée du tournage. On avait une cantine, un cuistot, un bateau pour aller pêcher du poisson… Tous les poissons que vous voyez dans le film, on les a mangés. C’était génial. Alors qu’on tournait en extérieur, on avait l’impression de faire un film en studio !

Cette calanque n’est pas qu’un décor… Non, bien sûr. On ne peut pas faire un film aujourd’hui au bord de la Méditerran­ée sans parler de la question des réfugiés. Tous les jours, des gens se noient dans cette mer en venant chercher refuge chez nous. Je me moque que ce soit pour des raisons climatique­s, économique­s, ou à cause d’une guerre. La question centrale aujourd’hui, c’est le partage. On vit dans un seul monde. Même dans cette petite calanque perdue, en plein hiver, cela a des conséquenc­es visibles…

Trois génération­s s’y retrouvent. Une renonce, l’autre retrouve une raison de vivre, la dernière tente des expérience­s nouvelles… Pour les parents, c’est trop tard. Ils n’ont plus le temps de trouver une cause qui les motive à continuer. Ils préfèrent mourir debout et disparaîtr­e avec leur monde. Angèle, Joseph et Armand, eux, peuvent encore redonner du sens à leur vie avec ces enfants qui arrivent. Quant aux plus jeunes, incarnés par Anais Demoustier­s et Robinson Stevenin, ils sont l’occasion de parler d’amours transgénér­ationnels.

On songe évidemment à La Cerisaie de Tchekhov… Sauf qu’à la fin, La Villa n’est pas vendue ! Avec ces trois petits qui arrivent, peut-être la calanque vat-elle revivre? Angèle, Joseph et Armand vont rester là avec ces trois enfants à élever, et ils vont essayer de faire tenir le restaurant, la colline et leurs idées du monde.

Et Joseph va raconter l’histoire puisque s’il ne le fait pas « personne ne le fera à sa place ». C’est vous Joseph ? C’est ce que m’a dit Darroussin en lisant le scénario : « Donc, je te joue ». Mais comme d’habitude, je suis dans tous les personnage­s. Armand (Gérard Meylan), c’est le pilier, celui qui continue à tenir le restaurant ouvrier de son père, à s’accrocher à l’idée de partage, de transmissi­on… C’est aussi ce que je fais avec mes films. Raconter l’Histoire, c’est important. On vit dans le présent, l’instantané­ité, mais le passé importe aussi. Il ne faut pas l’oublier.

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