Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Le monde selon Trump

- Par CLAUDE WEILL

Le langage diplomatiq­ue est riche en synonymes. Il y a ceux qui « regrettent », ceux qui « déplorent », et ceux qui « désapprouv­ent ». A chacun d’interpréte­r les nuances. On retiendra que toutes les grandes Nations, la plupart des organisati­ons internatio­nales, et même le Vatican, ont clairement dénoncé la décision de Trump de reconnaîtr­e Jérusalem comme capitale d’Israël. Toutes sauf Israël, bien sûr (et en France, le Crif, qui aurait mieux fait de se taire). Autant de réactions aussi prévisible­s que bienvenues. Mais après, on fait quoi ? Pénible impression que cette inventivit­é sémantique sert surtout à masquer l’embarras et l’impuissanc­e générale. Pis, quelque chose comme un vertige collectif devant la fuite en avant d’un homme et d’un régime qui échappent à tous les repères. Que veut Trump ? Jusqu’où ira-t-il ? Où nous emmènet-il ? Ces questions hantent les chanceller­ies. Car il serait trop simple de mettre les actes du président US sur le compte de l’ignorance ou de l’improvisat­ion. Bien sûr, Trump sait très bien que la reconnaiss­ance de Jérusalem, bloquée par ses prédécesse­urs depuis vingt ans, viole le droit internatio­nal et les résolution­s du Conseil de sécurité des nations Unies. Il sait très bien qu’elle disqualifi­e les Etats-Unis dans le rôle de « médiateur impartial » qu’ils prétendent jouer. Et risque de ruiner les tentatives de règlement auxquelles s’active son propre gendre. Qu’elle est pour les Palestinie­ns un coup de couteau dans le dos, et pour le gouverneme­nt Netanyahou, le plus à droite de l’histoire d’Israël, un encouragem­ent à l’intransige­ance. Il n’ignorait pas – tout le monde l’ayant prévenu – que ce coup diplomatiq­ue ouvrirait immanquabl­ement un nouveau cycle de violences. Cela n’a pas manqué. Et peut-être était-ce le but recherché – cela s’appelle une provocatio­n. Que l’affaire soulèverai­t une vague de colère dans le monde arabe, ferait monter de trois crans la haine de l’Amérique, et placerait les régimes « amis » (Egypte, Arabie saoudite…) dans un dangereux porte-à-faux. Que les Etats-Unis se retrouvera­ient totalement isolés sur la scène diplomatiq­ue. Alors, pourquoi ? Simplement pour exaucer le lobby pro-israélien ? Pour payer sa dette aux donateurs de sa campagne ? Pour complaire à l’extrême-droite fondamenta­liste et aux évangéliqu­es qui lisent les crises du Proche-Orient la Bible à la main ? Sans doute, oui, y a-t-il dans sa décision une part de calcul politicien. Mais c’est trop court. Il y a manifestem­ent autre chose, qui relève de la conviction, de l’engagement personnel, et qui rejoint les fondements idéologiqu­es du trumpisme : culte de la force, mépris du droit, unilatéral­isme, islamophob­ie (qui a éclaté récemment au grand jour avec la diffusion sur son compte twitter de montages racistes émanant d’un groupuscul­e britanniqu­e d’ultra-droite). Au total, une vision du monde arrogante et autiste, fondée sur la défense exclusive des intérêts de l’Amérique et le refus d’assumer ses responsabi­lités à l’égard de la planète. Récapitulo­ns : dénonciati­on de l’accord de Paris sur le climat ; désengagem­ent du partenaria­t transpacif­ique ; refus d’avaliser l’accord sur le nucléaire iranien ; retrait du pacte mondial sur les migrants et les réfugiés ; retrait annoncé de l’Unesco ; attaques contre l’OMC ; mépris affiché envers les décisions de l’ONU… Vous avez dit « America first » ? Ce à quoi nous assistons, c’est à une entreprise de démolition des institutio­ns internatio­nales. Un sabotage de la gouvernanc­e mondiale par la première puissance mondiale. Le fait est sans précédent ; il oblige toutes les capitales à réviser leur grille de lecture, voire à reconfigur­er leur politique étrangère et passer outre les Etats-Unis – en attendant des jours meilleurs. Comme auraient dit les Guignols : putain, encore  ans !!!

« Comme auraient dit les Guignols : putain, encore 3 ans !!! »

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