Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Le monde selon Trump
Le langage diplomatique est riche en synonymes. Il y a ceux qui « regrettent », ceux qui « déplorent », et ceux qui « désapprouvent ». A chacun d’interpréter les nuances. On retiendra que toutes les grandes Nations, la plupart des organisations internationales, et même le Vatican, ont clairement dénoncé la décision de Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël. Toutes sauf Israël, bien sûr (et en France, le Crif, qui aurait mieux fait de se taire). Autant de réactions aussi prévisibles que bienvenues. Mais après, on fait quoi ? Pénible impression que cette inventivité sémantique sert surtout à masquer l’embarras et l’impuissance générale. Pis, quelque chose comme un vertige collectif devant la fuite en avant d’un homme et d’un régime qui échappent à tous les repères. Que veut Trump ? Jusqu’où ira-t-il ? Où nous emmènet-il ? Ces questions hantent les chancelleries. Car il serait trop simple de mettre les actes du président US sur le compte de l’ignorance ou de l’improvisation. Bien sûr, Trump sait très bien que la reconnaissance de Jérusalem, bloquée par ses prédécesseurs depuis vingt ans, viole le droit international et les résolutions du Conseil de sécurité des nations Unies. Il sait très bien qu’elle disqualifie les Etats-Unis dans le rôle de « médiateur impartial » qu’ils prétendent jouer. Et risque de ruiner les tentatives de règlement auxquelles s’active son propre gendre. Qu’elle est pour les Palestiniens un coup de couteau dans le dos, et pour le gouvernement Netanyahou, le plus à droite de l’histoire d’Israël, un encouragement à l’intransigeance. Il n’ignorait pas – tout le monde l’ayant prévenu – que ce coup diplomatique ouvrirait immanquablement un nouveau cycle de violences. Cela n’a pas manqué. Et peut-être était-ce le but recherché – cela s’appelle une provocation. Que l’affaire soulèverait une vague de colère dans le monde arabe, ferait monter de trois crans la haine de l’Amérique, et placerait les régimes « amis » (Egypte, Arabie saoudite…) dans un dangereux porte-à-faux. Que les Etats-Unis se retrouveraient totalement isolés sur la scène diplomatique. Alors, pourquoi ? Simplement pour exaucer le lobby pro-israélien ? Pour payer sa dette aux donateurs de sa campagne ? Pour complaire à l’extrême-droite fondamentaliste et aux évangéliques qui lisent les crises du Proche-Orient la Bible à la main ? Sans doute, oui, y a-t-il dans sa décision une part de calcul politicien. Mais c’est trop court. Il y a manifestement autre chose, qui relève de la conviction, de l’engagement personnel, et qui rejoint les fondements idéologiques du trumpisme : culte de la force, mépris du droit, unilatéralisme, islamophobie (qui a éclaté récemment au grand jour avec la diffusion sur son compte twitter de montages racistes émanant d’un groupuscule britannique d’ultra-droite). Au total, une vision du monde arrogante et autiste, fondée sur la défense exclusive des intérêts de l’Amérique et le refus d’assumer ses responsabilités à l’égard de la planète. Récapitulons : dénonciation de l’accord de Paris sur le climat ; désengagement du partenariat transpacifique ; refus d’avaliser l’accord sur le nucléaire iranien ; retrait du pacte mondial sur les migrants et les réfugiés ; retrait annoncé de l’Unesco ; attaques contre l’OMC ; mépris affiché envers les décisions de l’ONU… Vous avez dit « America first » ? Ce à quoi nous assistons, c’est à une entreprise de démolition des institutions internationales. Un sabotage de la gouvernance mondiale par la première puissance mondiale. Le fait est sans précédent ; il oblige toutes les capitales à réviser leur grille de lecture, voire à reconfigurer leur politique étrangère et passer outre les Etats-Unis – en attendant des jours meilleurs. Comme auraient dit les Guignols : putain, encore ans !!!
« Comme auraient dit les Guignols : putain, encore 3 ans !!! »