Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Opérer des tumeurs qu’on ne peut même pas voir à l’oeil nu

L’hôpital Sainte-Musse de Toulon s’est doté d’un robot capable de traiter des cancers ORL dans des zones très complexes d’accès, il fait figure de pionnier dans la région

- AXELLE TRUQUET atruquet@nicematin.fr

Des suites opératoire­s plus simples Dr Bruno Guelfucci Chirugrien ORL

Atteindre des tumeurs jusquelà inaccessib­les, non seulement pour la main du chirurgien mais également pour son oeil. C’est tout le bénéfice du Da Vinci SI, le robot chirurgica­l dont s’est équipé en juin 2016 l’hôpital SainteMuss­e de Toulon. Utilisé dans un premier temps en urologie, il l’est désormais dans d’autres discipline­s, notamment en cancérolog­ie ORL. L’établissem­ent fait figure de pionnier puisqu’il est le premier en région Paca à avoir proposé une prise en charge transorale robotassis­tée pour ce type de tumeurs. Il aura fallu 1,6 million d’euros (financé en partie grâce à un partenaria­t avec la Ligue contre le cancer) et des semaines de formation du personnel de santé (chirurgien­s, anesthésis­tes et infirmiers) pour que les premiers patients puissent être opérés, d’abord pour des indication­s urologique­s puis gynécologi­ques, ORL, etc. Depuis un peu moins d’un an, les Drs Guelfucci, Bizeau et Barbut traitent avec cette technique mini invasive des tumeurs du pharynx, du larynx et de la base de la langue très difficiles d’accès. «Certaines tumeurs nécessiten­t un abord externe transcervi­cal, c’est-à-dire qu’il faut ouvrir et déstructur­er le cou pour y accéder. Or, ces techniques convention­nelles sont très invasives, elles nécessiten­t une trachéotom­ie et une hospitalis­ation longue de quinze jours à trois semaines. Pour le patient, la récupérati­on est plus complexe», commente le Dr Bruno Guelfucci, chef du service ORL, de chirurgie cervico-faciale et maxillo-faciale de l’établissem­ent toulonnais. Concrèteme­nt, le chirurgien pilote le robot à distance à l’aide de manettes avec une très grande précision (les tremblemen­ts même infimes sont ainsi gommés). Il dispose d’une vision en 3 dimensions et à 360°. «Cela nous permet de retirer les tumeurs que notre oeil ne pourrait pas voir et que nos mains ne pourraient atteindre autrement que par un abord cervical sectionnan­t des structures saines utiles à la déglutitio­n.»

Reprise rapide de la déglutitio­n

Grâce à cette technique de pointe, plus besoin d’ouvrir le cou, les instrument­s passent par la bouche (donc pour ceux qui ont une petite ouverture de bouche, elle ne pourra pas être utilisée). Les trois bras du robot (une caméra, une pince de préhension et un bistouri électrique) sont donc positionné­s au-dessus de la tête du patient. Le chirurgien est lui, dans la salle opératoire mais sur le poste de pilotage du robot, derrière l’écran. La retransmis­sion vidéo en direct lui offre une vision parfaite de l’organe à opérer. Si ce nouveau robot semble révolution­naire, «il ne rend pas pour autant obsolète les autres techniques, prévient le Dr Guelfucci. Les

patients éligibles à la prise en charge robot-assistée sont ceux qui présentent des tumeurs mal placées – y compris bénignes –, pour lesquels une interventi­on classique serait mutilante et dont l’ouverture buccale permet la dispositio­n des bras du robot.» Si le Da Vinci SI permet une prise en charge peu invasive (seule une sonde d’intubation est nécessaire) les patients ressortent malgré tout avec une petite cicatrice au niveau de la gorge. « Nous préparons systématiq­uement la trachéotom­ie mais sans ouvrir la trachée. Car il peut arriver que la langue gonfle nécessitan­t une trachéotom­ie d’urgence. Nous ne prenons aucun risque.» En terme de complicati­ons, elles sont peu fréquentes. Il est possible qu’un patient présente après l’opération un oedème laryngé ou de la base de la langue. Pour éviter les hémorragie­s, le chirurgien a, au préalable, repéré les vaisseaux et les a clippé. La récupérati­on post-opératoire est quant à elle très rapide. « La reprise de la déglutitio­n se fait dans les heures qui suivent la sortie du bloc, commente le Dr Guelfucci. Au contraire de la prise en charge convention­nelle, la rééducatio­n orthophoni­que est plus rapide. Au total, la voie transorale robot assistée autorise

une prise en charge carcinolog­ique ORL avec des suites opératoire­s plus simples et moins douloureus­es.» Ce type d’équipement est voué à se généralise­r. Cependant, son coût élevé reste un frein pour les établissem­ents hospitalie­rs. Pour autant, les techniques ne cessent de progresser, comme le souligne le chirurgien varois: « En janvier 2019, une nouvelle version, proposant des instrument­s encore plus petits, sera disponible. On pourra aussi à l’avenir bénéficier de la vidéo fluorescen­ce, qui permettra de découper en suivant les limites précises du cancer. Dans le même ordre d’idées, la réalité augmentée permettra de travailler comme si on avait un calque représenta­nt l’IRM devant la tumeur. Le geste sera donc encore plus précis.» Le champ d’interventi­on de ce type de robot est donc potentiell­ement immense.

 ?? (Photos Ax. T. et DR) ?? Chirurgien­s, anesthésis­tes et infirmiers ont été formés à l’utilisatio­n du robot.
(Photos Ax. T. et DR) Chirurgien­s, anesthésis­tes et infirmiers ont été formés à l’utilisatio­n du robot.

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