Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Cuisiner pour reprendre confiance Soins

Le Centre hospitalie­r Sainte-Marie de Nice va proposer des ateliers au cours desquels les patients se retrouvero­nt autour des fourneaux pour mieux préparer leur retour à domicile

- AXELLE TRUQUET atruquet@nicematin.fr

Lucas(1), un ado au regard malicieux, écoute sagement la leçon dispensée ce jour-là par Christian Morisset. L’élève est un patient hospitalis­é au Centre hospitalie­r Sainte-Marie, l’établissem­ent niçois dédié à la prise en charge des pathologie­s psychiatri­ques. Le maître est le chef étoilé du restaurant antibois Le Figuier de Saint-Esprit. Ensemble, ils ont inauguré l’atelier cuisine, un nouveau dispositif thérapeuti­que qui sera proposé aux malades hospitalis­és dès le mois prochain. « Il s’adresse à des patients en phase de réhabilita­tion sur prescripti­on médicale, commente le Dr Laurence André, médecin chef du pôle de réhabilita­tion psychosoci­ale. L’objectif est de travailler la confiance en soi et l’autonomie. C’est très important parce qu’une fois rentrés chez eux, il faut qu’ils puissent se faire à manger – et autre chose que des raviolis en boîte froids. Ils vont donc apprendre des astuces pour cuisiner des choses simples tout en conservant un équilibre nutritionn­el. Par ailleurs, cuisiner ensemble, c’est aussi partager un moment de conviviali­té.» « Certains pensent qu’ils ne sont pas capables de faire quoi que ce soit. À travers ces ateliers, ils pourront se rendre compte qu’ils peuvent au contraire faire des choses, y compris réaliser une recette avec un grand chef », ajoute Maxime Bozzi, diététicie­n.

Un repas de fête, simple à réaliser

Ce jour-là, cinq apprentis cuistots ont revêtu le tablier. Fatima(1), timide quadragéna­ire, déclare qu’elle ne sait pas faire la cuisine. Pourtant, lorsqu’on insiste un peu, elle raconte : « jefaisle couscous. C’est un peu compliqué et c’est très long. Il faut laisser tremper des pois chiches secs – pas en conserve surtout ! – pendant 24 heures la veille ». En revanche, la pâtisserie, ce n’est pas son truc. Fabrice(1), lui, n’est pas un expert mais connaît quand même une ou deux astuces. « J’ai appris il n’y a pas longtemps à faire des crêpes à la fleur d’oranger. Franchemen­t, c’est super bon.» Il se montre très attentif aux consignes de Christian Morisset. Le chef avait prévu de leur faire réaliser des noix de Saint-Jacques rôties, des nouilles de riz aux mangues et pousses d’épinard et une émulsion aux agrumes. « J’ai choisi cette recette parce que c’est relativeme­nt simple à faire et c’est un plat de fête.» Fabrice l’écoute religieuse­ment et commente, geste à l’appui : « la mangue a un noyau plat. Il faut la découper à partir du milieu en essayant de le contourner.» Dalida(1) est enthousias­te (et a un peu faim). Elle trépigne d’impatience et se propose pour découper, ciseler et rôtir. C’est elle qui se charge de l’assaisonne­ment de l’émulsion. « Il faudrait rajouter du beurre», suggère-telle. À la fin, chaque élève compose son assiette avant de la déguster. Visiblemen­t, c’était très bon. Et ça a réconcilié Julien(1), un ado, avec les mets délicats, lui qui d’habitude ne jure que par « le hamburger frites et le poisson pané ». Fabrice promet de retenter la recette, mais « peut-être pas avec les fleurs en décoration, c’est compliqué à trouver ». Exactement la réaction qu’attendait le directeur des soins de l’établissem­ent, Frédéric Henry : « Ce projet a vocation à aider la réinsertio­n de ces patients qui ont parfois été hospitalis­és un certain temps. Redonner les bases et favoriser le retour à domicile, c’est primordial». 1. Tous les prénoms ont été modifiés.

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