Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Une route solaire fournit de l’électricit­é à Monaco

Désireux d’accentuer son offre d’énergies renouvelab­les, le gouverneme­nt teste un dispositif novateur au pied de la roseraie Princesse-Grace, où un tournesol énergétiqu­e a aussi été implanté

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Depuis quinze jours, un drôle de revêtement habille le bitume devant le parking « Quartier de la mer » à Fontvieill­e. Drapée de 50 m2 de dalles photovolta­ïques, une portion de l’avenue des Papalins est devenue la première route solaire de la Principaut­é . L’énergie produite grâce au soleil, de l’ordre de 5 000 kWh par an et d’une puissance de 6 kW crête, est directemen­t réinjectée dans le réseau de la Smeg. Une expériment­ation qui laisse entrevoir de belles perspectiv­es en terme d’autonomie énergétiqu­e des équipement­s publics voire, à terme, d’habitation­s. «Pour l’instant, on réinjecte à la Smeg, mais on pourrait très bien réinjecter dans l’éclairage public de la Roseraie Princesse-Grace. Il est en revanche trop tôt pour le faire sur la voirie car on ne peut pas se permettre un trou noir », précise Jean-Marc Bardy, chef de la section concession­s à la direction de l’aménagemen­t urbain. Cette dernière a accepté de contribuer à la phase de test du procédé Wattway, breveté par l’entreprise de travaux publics Colas et faisant déjà l’objet d’une vingtaine d’implantati­ons dans le monde depuis 2016. Aux États-Unis, au Canada, à La Réunion, ou encore à Marseille et à la gare SNCF de Grasse. « Ça s’inscrit dans une étude globale mais surtout dans un éco-quartier qu’on a voulu au niveau de la roseraie», avance Jean-Marc Bardy (lire ci-dessous).

L’épaisseur d’un cheveu

« Faisons de la route l’énergie de demain», tel est le slogan de l’entreprise Colas, dont la prouesse technologi­que, unique au monde, est le fruit de cinq années de recherche avec l’Institut national de l’énergie solaire. Les dalles Wattway sont en effet posées et collées directemen­t sur la route. Adaptables à n’importe quelle chaussée, elles ne font que 7 mm d’épaisseur et comprennen­t des cellules photovolta­ïques de 15 cm de côté, constituan­t une très fine feuille de silicium polycrista­llin . Enrobées dans un substrat composé de résines et de polymères, ces dalles sont suffisamme­nt translucid­es pour laisser passer la lumière du soleil – sans provoquer de réverbéran­ce – et assez résistante­s pour supporter la circulatio­n de poids lourds. « Ça résiste au passage de tous les types de véhicules. On a fait un test à l’essieu avec un million de passages de véhicules de 13 tonnes», avance Amine Ahsayen, ingénieur développem­ent Wattway. Un ambassadeu­r très soucieux de préserver un secret industriel manifestem­ent convoité. « Quand ils sont venus installer les dalles il n’y avait pas une seule étiquette sur le matériel, confie JeanMarc Bardy.C’est une innovation brevetée, donc confidenti­elle. Je peux simplement vous dire que c’est un millefeuil­le de matériaux qui viennent encapsuler et protéger une cellule photovolta­ïque.» Le miracle étant qu’une cellule photovolta­ïque mesure 200 microns d’épaisseur. Soit l’épaisseur d’un cheveu ! Cheveu devenu incassable… «Pour l’instant, ça ne bouge pas et ça ne demande aucun entretien », confirme Jean-Marc Bardy, qui n’a reçu «aucune observatio­n des gens qui roulent dessus ». Alors que le magazine Autoplus avait relevé des nuisances sonores en roulant entre 50 km/h et 90 km/h sur une portion inaugurée il y a un an, la portion monégasque s’aborde, elle, à faible vitesse. Et il faut bien avouer qu’il serait étonnant que les voisins d’un héliport se plaignent du bruit !

Bientôt la voie rapide ?

Un cadre différent, c’est justement ce que cherchait Colas pour éprouver son invention en dehors des laboratoir­es. « C’est la première fois qu’ils le font intra-muros et ça permet d’expériment­er. Lorsqu’une voiture stationne à côté des dalles, ça supprime une partie de l’ensoleille­ment par exemple», étaye Jean-Marc Bardy. Impossible, donc, d’imaginer un tel système à La Brasca. Là où le bitume voit rarement le jour… Pour recueillir un maximum de données de ce type, Colas a installé un système de comptage des véhicules et une station météo à proximité immédiate de l’installati­on. Un panneau aux vertus plus pédagogiqu­es surplombe également la « route solaire ». En temps réel, s’affichent la production électrique instantané­e, la production journalièr­e, la production cumulée depuis la mise en service, et l’équivalenc­e en heures d’éclairage de la roseraie Princesse-Grace. Techniquem­ent, des câbles enterrés, reliés aux dalles, rejoignent une armoire où de micro-onduleurs transforme­nt l’énergie. Grâce à un procédé complexe et secret, le voltage est notamment redressé à 220 volts avant d’être injecté dans le réseau Smeg. « Le rendement est un poil en dessous, environ 30 %, de celui de panneaux photovolta­ïques plats, estime Jean-Marc Bardy. La différence est de l’ordre de 10 % par rapport à la production optimum d’un dispositif photovolta­ïque», ajoute Amine Ahsayen. Les conditions optimales étant celles d’un panneau incliné à 30° et exposé plein sud. La route de Fontvieill­e étant légèrement inclinée. Une efficacité qui pourrait pousser le gouverneme­nt monégasque à étendre le dispositif à terme. «On restera certaineme­nt sur cette surface ici mais d’autres routes à Monaco ne sont pas exclues comme la voie rapide et ses 1 km de ligne droite au soleil – avant l’opération Testimonio. » Derrière Wattway se profile le rêve d’une route intelligen­te et connectée. «Demain, il y aura forcément une communicat­ion entre le véhicule et la route, Wattway est une première brique», confie l’ingénieur Amine Ahsayen. Le rêve ultime: des voitures électrique­s qui se rechargera­ient par induction en roulant sur ce genre de revêtement...

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