Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

« Personne n’est préparé pour se relever d’une telle catastroph­e. C’est inhumain »

- FLORIAN DALMASSO fdalmasso@nicematin.fr

Cinq mois après, Jérôme Massolini, propriétai­re du gardiennag­e de caravanes Loisirs Service, à La Londe-les-Maures, n’a rien oublié de cette terrible nuit du lundi 24 juillet. Pour rappel, aux alentours de 22 heures, un incendie se déclarait sur le terrain juste à côté de chez lui, ravageant sur son passage son activité profession­nelle et son logement de fonction. Au total, le feu parcourra près de 1 600 hectares avant d’être maîtrisé par les soldats du feu, le vendredi 28 juillet.

Immobilism­e assurantie­l

Nous avons retrouvé Jérôme sur son terrain. Sur le lieu de son activité. De sa vie. Et quand on lui demande, aujourd’hui, où il en est, la réponse est plutôt directe : « Regardez autour de nous. Il n’y a plus rien. Et le pire, c’est que depuis l’incendie, rien n’a bougé. Ah oui, un ferrailleu­r est venu enlever tout ce qui relève de la ferraille. Sinon, rien!» Profession­nellement, Jérôme n’attend qu’une seule chose, pouvoir redémarrer son activité. « C’est la seule chose que je demande. Ma soeur et moi (avec qui il tient l’entreprise Loisirs Service) n’avons plus de travail ni de revenu. C’est normal, ça ? La situation devient critique. » Pourtant d’un fort tempéramen­t, l’homme, bien plus que l’entreprene­ur, semble touché. Affecté. «C’est dingue. J’ai l’impression d’être totalement abandonné dans cette histoire. Tu bosses pendant 20 ans et tout part en fumée en une soirée. Je suis désolé, mais personne n’est préparé pour se relever d’une telle catastroph­e. C’est inhumain. » Ce qui ronge le plus Jérôme? La lenteur administra­tive : « Ah ça, je l’ai bien compris. On paye une assurance toute sa vie mais quand on a besoin d’eux, il n’y a plus personne. C’est simple, ça fait cinq mois que l’incendie a eu lieu. Depuis, je les ai vus deux ou trois fois. Pour envoyer la quittance d’assurance des six premiers mois de 2018, là, ils ne perdent pas de temps. D’ailleurs on vient de la recevoir et on va la payer, bien entendu. Mais quand il faut aider et surtout payer… On marche sur la tête. Au final, on ne sait même plus à qui s’adresser. Il y a un manque cruel de psychologi­e et de prise en compte de l’être humain, du sinistré». Avant d’ajouter, la gorge nouée : « Alors c’est sûr que les employés de cette boîte, le soir, ils rentrent chez eux. Ils ont un travail, un toit sur la tête. Toi, en face, qui n’as plus rien, tu es juste un pion, un dossier parmi tant d’autres. C’est inadmissib­le. »

« Je n’ai pas la tête à   »

Si côté profession­nel, Jérôme Massolini déplore l’immobilism­e des assurances, sa vie familiale, elle aussi, en un pris un sacré coup. «Même si nous ne sommes pas touchés physiqueme­nt, et heureuseme­nt, on ne sort pas indemne d’une telle catastroph­e. Ce n’est pas possible. » Et sa fille de 9 ans, encore moins… «Il n’y a pas un soir sans qu’elle se réveille en ayant peur des flammes. On a beau lui expliquer que là, nous sommes en sécurité, il n’y a rien à faire. Elle a été traumatisé­e par cette histoire. » Loin d’avoir digéré, Jérôme Massolini a bien du mal à imaginer les fêtes de fin d’année. « Franchemen­t, je n’ai pas la tête à ça. Pour tout vous dire, je n’ai même pas la tête à 2018. Mais je n’ai pas le choix. Pour ma famille, comme pour moi, je suis obligé d’aller au bout. Je n’ai pas été élevé pour laisser faire l’injustice et l’hypocrisie. Là j’ai l’impression de vivre les deux. C’est ce qui me dérange. » S’il tient à remercier chaleureus­ement tous les Varois qui se sont montrés solidaires des sinistrés des grands incendies, Jérôme Massolini tient à recadrer, une dernière fois, la situation. «Il faut bien qu’on comprenne que nous sommes victimes dans cette histoire. Nous n’avons rien demandé ! Et ça, je crois qu’on l’a un peu trop oublié. » À coeur ouvert, le message est passé.

L’impression d’être totalement abandonné ”

 ??  ?? Cinq mois après avoir vu son activité comme son habitation brûler sous ses yeux, Jérôme Massolini, patron de l’entreprise de gardiennag­e de caravanes Loisirs Service, à La Londe-les-Maures, déplore l’immobilism­e des assurances. Un calvaire psychologi­que.
Cinq mois après avoir vu son activité comme son habitation brûler sous ses yeux, Jérôme Massolini, patron de l’entreprise de gardiennag­e de caravanes Loisirs Service, à La Londe-les-Maures, déplore l’immobilism­e des assurances. Un calvaire psychologi­que.
 ?? (Photos Luc Boutria) ?? Sinistré des grands incendies de l’été, Jérôme Massolini ne demande qu’une seule chose : pouvoir redémarrer son activité de gardiennag­e de caravanes, à La Londe-les-Maures.
(Photos Luc Boutria) Sinistré des grands incendies de l’été, Jérôme Massolini ne demande qu’une seule chose : pouvoir redémarrer son activité de gardiennag­e de caravanes, à La Londe-les-Maures.
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