Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Signé Roselyne
Lundi
Le président de la République a choisi le classicisme pour présenter ses voeux aux Français hier soir. Discours de bonne facture où toutes les cases ont été soigneusement cochées. Nous sommes prévenus : Emmanuel Macron écoutera poliment les Français mais à la fin des fins, il proclame «je ferai ». Il agira selon le programme qui a réuni autour de lui % des suffrages exprimés au premier tour des présidentielles et avec la légitimité d’un second tour à %. Inutile de s’époumoner en propositions alternatives ou en manifestations de mécontentement, les sondages, tel le serpent Kaa dans Le livre de la jungle, invitent à la résignation. D’ailleurs, les réactions aux voeux présidentiels de l’opposition de droite ou de gauche brillaient par leur agressivité convenue et leur absence totale de souhaits alternatifs. Les ténors ont d’ailleurs délégué leurs porte-flingues pour assurer cette tâche ingrate. Le tapis de bombes qui a fait exploser la scène politique française est encore bien loin d’avoir produit tous ses effets destructeurs. Emmanuel Macron aurait bien tort de ne pas en profiter.
Mardi
L’émotion est intense après le molestage de deux policiers venus rétablir l’ordre à Champigny-sur-Marne lors d’une soirée de réveillon organisée dans un local non autorisé à recevoir du public. Les images de la jeune policière frappée au visage à coups de pied par une meute hurlante sont proprement insoutenables. Le gang des barbares jouit de sa peur et de sa souffrance et exulte en envoyant les images criminelles sur les réseaux sociaux. Il n’a fallu, hélas, que quelques heures pour que ressurgissent les vieilles lunes de l’excuse sociale, des fausses solutions et des mises en cause hasardeuses. Aucune discrimination si condamnable soit-elle ne justifie pareille horreur. Les contrôles au faciès sont une réalité indubitable mais expliquer qu’ils seraient l’explication d’un tel acharnement est faire injure aux milliers de jeunes de ces quartiers qui tentent de s’en sortir avec courage. Quant au retour des peines planchers instaurées en et supprimées en , le retour d’expérience sur années de mise en oeuvre a montré leur inefficacité. Les chantres de la police de proximité ont entonné leur refrain habituel mais force est de constater que la bienveillance n’est en aucune façon la réponse à la sauvagerie. Nous baignons dans une société de violence où les frustrations sont devenues insupportables et les exactions considérées par certains comme des actes « citoyens ». Les réseaux sociaux sont le déversoir des tortures, des harcèlements, des humiliations subies par nos enfants, tour à tour bourreaux et victimes. Des parents agressent les enseignants qui ont « osé » mettre une mauvaise note à
leur progéniture. L’incroyable chienlit occasionnée place de la République par les tenants de Nuit debout a fait le ravissement d’élites autoproclamées. Les zadistes de NotreDame-des-Landes, bafouent la démocratie et la République et sont considérés comme des héros. Les ouvrages de science-fiction parus dans les années prédisaient l’apparition massive de sauvages urbains dans un monde sans repères et sans valeurs autres que celles du paraître et du fric. Nous y sommes.
Mercredi
Dans l’indifférence générale, le conseil des ministres a adopté aujourd’hui un projet de loi modifiant le mode de scrutin pour les élections européennes de . En effet, depuis , les élections européennes se déroulaient à la proportionnelle sur grandes circonscriptions électorales. Le gouvernement veut donc revenir à l’ancien système de la circonscription nationale unique. L’affaire pourrait paraître anecdotique mais il convient de rappeler que la régionalisation du scrutin – voulue par des personnalités de tous bords politiques – était destinée à rapprocher les eurodéputés des citoyens et à les ancrer dans la réalité des territoires. Ayant été moi-même élue dans la circonscription du Grand Ouest en , j’avais fait une campagne très axée sur les enjeux de ce secteur, première région agricole d’Europe, bénéficiant d’une façade littorale avec les problèmes spécifiques de la pêche et de la sécurité maritime, par ailleurs confronté à de gros problèmes de désenclavement. Ma proximité de terrain avec les acteurs locaux me permettait de porter à Strasbourg et à Bruxelles leurs préoccupations
et de rendre compte de l’action du Parlement européen. Le retour aux listes nationales est une véritable régression démocratique qui se fait avec la complicité active de toute la classe politique. Après avoir porté au Palais Bourbon une majorité déconnectée des spécificités locales, nous aurons des eurodéputés choisis selon les critères politiciens les plus contestables. Repêchage des battus des législatives de juin dernier, recasage des permanents des partis, prébende offerte aux affidés, le festival du copinage va reprendre de plus belle. Au fait, qui avait dit qu’il n’était plus question de « vieille politique » ? !
Jeudi
Vers l’Iran compliqué, difficile d’aller avec des idées simples. Au moment où le général perse Gassem Soleimani apparaît comme l’homme le plus puissant du Moyen Orient, la contestation se fait jour dans une société civile iranienne écrasée par la théocrature des mollahs. Figure effrayante que celle du général Soleimani, chef de l’unité d’élite des Gardiens de la Révolution baptisée Al-Qods, Jérusalem, pour bien montrer que la destruction d’Israël est son but ultime. Depuis près de ans, au nom d’un fanatisme religieux absolu, il est le stratège, l’animateur, le maître-espion de l’armée iranienne. Aujourd’hui son triomphe est absolu. Il a unifié les forces chiites de Téhéran à la Méditerranée, sauvé Bachar el-Assad, repris les fiefs de l’opposition syrienne, amené Daech à résipiscence. Parallèlement, il soutient le Hamas et fomente la déstabilisation des monarchies du Golfe. Il discute d’égal à égal avec Moscou et les Américains le considèrent comme une sorte d’abominable Grand Satan. Sa popularité est immense en Iran mais il se garde bien de montrer la moindre velléité politique, sa sécurité est à ce prix. Pendant ce temps, la colère du peuple monte dans plusieurs villes iraniennes.
Que le mécontentement soit réel devant l’incapacité du régime à assurer le bien-être des citoyens confrontés au chômage et à l’inflation, écoeurés par la concussion qui règne chez les dignitaires religieux, désireux d’un mode de vie moins étouffant, c’est évident et les mouvements massifs de protestation de en apportaient déjà la preuve. Mais on peut douter que les manifestations qui secouent sporadiquement l’Iran puissent prospérer, du moins à court terme, tant le carcan de la répression est solide et les forces réactionnaires puissantes. Néanmoins, le colosse iranien a des pieds d’argile et quand Donald Trump en appelle à un changement de régime à Téhéran, on se demande s’il a bien réalisé les implications dramatiques pour l’Occident que pourrait avoir une telle éventualité. Vous me direz que Monsieur Trump ne brille pas par une vista géostratégique de premier ordre et vous n’aurez pas tort…
Vendredi
Décidément, Monsieur Trump est un génie du marketing ! Il a réussi à faire d’un brûlot assez contestable un best-seller. Fire and fury : Inside the Trump White House, est un livre de ragots peu documentés sur sa première année de présidence, écrits par un journaliste, Michaël Wolff, qui n’a jamais brillé par une déontologie à toute épreuve et qui a souvent été pris à de peu reluisantes stratégies éditoriales. Le plus élémentaire bon sens aurait dû conduire Trump à traiter cette affaire par le mépris et à lancer par séides interposés quelques torpilles contre ce peu recommandable Wolff. Trump paie aujourd’hui ses emportements grotesques et son incontinence verbale, donnant ainsi consistance à des indiscrétions douteuses. Résultat, la parution du livre a été avancée à aujourd’hui et toutes les librairies sont en rupture de stock. C’est ballot, tout de même...
« les réactions aux voeux présidentiels de l’opposition de droite ou de gauche brillaient par leur agressivité convenue. »