Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

«Je suis une femme avec un “truc” en plus »

Né homme, Rémy est légalement devenu Audrey à 46 ans. Ses papiers d’identité sont désormais conformes à ce qu’elle est vraiment. C’est une avocate niçoise qui a défendu ce dossier

- STÉPHANIE GASIGLIA sgasiglia@nicematin.fr

Rémy est né à Paris. Enfance convenue, heureuse. Et très vite, très tôt, le garçonnet a su qu’il n’était pas vraiment comme les autres. À 4 ans, il voit sa maman sortir de la douche. « Je me suis dit que je voulais être comme elle quand je serai grande. Belle, comme elle ». Et belle comme maman, ça voulait dire belle… comme une femme pour Rémy. Le garçonnet se rue dans la chambre maternelle. « Ce jourlà, je lui ai piqué du maquillage ». Les années ont passé. Rémy a refoulé. Tout refoulé. Dissimulé avec force ce qu’il était. « Je me sentais déjà hors-norme mais je sentais que je devais le cacher », dit Rémy qui aujourd’hui s’appelle Audrey. Légalement Audrey. Officielle­ment Audrey ! Audrey ? « J’aime ce prénom, j’aime Audrey Hepburn ». Une victoire. La nouvelle jeune femme a obtenu une décision de justice et gagné le droit de changer d’état civil. L’une des premières en France après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, ( lire ci-dessous).

À  ans, les premières confidence­s

À 46 ans, Audrey entame sa nouvelle vie. Une vie où elle peut enfin sourire. Rémy, lui, ne souriait pas beaucoup... C’est vers 14 ans, que le jeune homme a commencé à se travestir. « Seulement à la maison quand j’étais seule », chuchote Audrey. Là, enfin, elle se sentait en accord avec ce qu’elle était vraiment. Sa maman, Colette, ne s’est jamais rendu compte de rien. Personne, d’ailleurs. «Je l’ai caché toute ma vie, je pensais que c’était mieux ». Mieux pour qui ? Pour les autres... Car Rémy « s’enfonce ». Audrey raconte des bribes de vie : « J’ai commencé à fréquenter les transsexue­ls au Bois de Boulogne. J’ai eu une vie dissolue, j’ai tout brûlé par les deux bouts, je me suis noyée dans l’alcool ». Il est musicien. Son truc, la guitare et le chant. Tendance Mötley Crüe : « Je pouvais du coup me permettre publiqueme­nt des tenues plus féminines sans que cela pose problème ». À 25 ans, pour la toute première fois, Rémy se confie. « À la mère d’un copain, elle écoutait beaucoup, était un peu médium ». C’était en l’an 2000. Rémy, pas encore Audrey, commence sa transforma­tion. « J’ai eu comme un déclic. Je venais d’apprendre que j’avais un diabète de type 1, mon cadeau de passage pour le nouveau millénaire ». Début de l’épilation définitive. Et puis, un jour : « Mon esthéticie­nne m’a dit pourquoi tu n’en parles pas à ta maman ». Rémy l’a fait ! « J’ai eu beaucoup de chance, maman m’a acceptée comme je suis ». Colette sourit : « Encore heureux, c’est mon enfant, c’est normal je l’aime comme elle est ». C’est alors le temps de la prise d’hormones. En 2005. Dur. «Avec l’arrêt du tabac, je suis montée à 78 kilos », raconte Audrey. Depuis, elle mange sans gluten, est devenue végétarien­ne et a récupéré une taille de guêpe à faire pâlir d’envie bien des femmes. Mais les hormones n’ont pas eu que des effets néfastes. «Depuis, je chante mieux, ma voix est plus belle »… Et sa poitrine a poussé. Un peu. Pas assez, à son goût. Elle est décidée à se faire bientôt opérer. Tout comme elle aimerait bien « affiner un peu son nez ».

Pas de chirurgie de réattribut­ion sexuelle

En revanche, pas question de subir une chirurgie de réattribut­ion sexuelle. Audrey est sûre d’elle : «Je n’en ressens pas le besoin, je préfère être comme je suis. une femme avec un “truc” en plus ». Aujourd’hui, elle vit comme si sa vie venait à peine de commencer. « Je n’ai pas pu vivre ma jeunesse de femme alors j’en profite». Audrey est heureuse. 100 % bien… dans ses talons hauts. Les amis ? « Il y a eu un tri naturel, mais c’est normal. Les bonnes personnes sont restées ». Ce changement d’état civil est pour elle une délivrance. Mentale, mais pas seulement. Pratique, aussi. « Je peux partir en vacances, sans avoir à me justifier par rapport à la photo». Audrey espère que son combat servira à d’autres personnes. Même si ce n’est pas pour cela qu’elle l’a fait. « Ma démarche n’était pas symbolique, je l’ai faite pour moi. Ce n’est pas du militantis­me ».

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(DR) Audrey, son avocate Me Pariente et sa maman, Colette.

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