Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
L’impopularité pour la bonne cause
En assumant, la tête haute, de réduire de km/h la vitesse sur les km de routes secondaires françaises, le Premier ministre ne prend pas un si gros risque. Édouard Philippe est conscient que cette mesure à laquelle % des Français sont opposés (selon un sondage Harris Interactive), finira par s’imposer. Depuis quarante-cinq ans, les automobilistes se crispent à leur volant à chaque fois qu’on leur demande de lever le pied. Mais ils savent bien, dans le fond, que c’est pour la bonne cause. Après le carnage de l’année et ses morts sur la route, c’est sous Pompidou, pourtant amateur de vitesse au volant de sa Porsche , que la limitation à km/h a été instaurée. Deux décennies plus tard, Jacques Chirac, traumatisé par son accident en CX sur une route corrézienne en , a fait reculer l’insécurité routière comme jamais. En élevant cette lutte au rang de cause nationale lors de son second mandat, il a contribué à préserver des dizaines de milliers de vies. Personne ne conteste aujourd’hui son courage en la matière. En exigeant à son tour « une réaction ambitieuse et collective » face à la hausse du nombre de tués depuis , Emmanuel Macron se met dans les pas de Chirac. Mais pour apaiser la colère d’automobilistes déjà chauffés à blanc par l’augmentation des taxes sur les carburants le janvier, son gouvernement devra déployer des trésors de pédagogie. Car la limitation à km/h, mesure symbole, ne repose sur aucun élément probant. Les expérimentations menées depuis trois ans sur une centaine de kilomètres n’ont rien démontré, hormis leur capacité à faire crépiter les flashs des radars. En Allemagne, où la vitesse est limitée à km/h, la route tue moins que chez nous. Et l’Angleterre, où on peut rouler jusqu’à km/h, est un des meilleurs élèves européens. Les dix-sept autres mesures annoncées hier pourraient finalement se révéler bien plus efficaces que le km/h. Sanctionner plus durement l’usage du téléphone en conduisant était une nécessité. Mieux lutter contre l’alcool au volant une évidence. Le gouvernement est désormais tenu à une obligation de résultat. Si la mortalité routière fléchit à partir du juillet, les Français rentreront dans le rang. Dans le cas contraire, Édouard Philippe pourrait bien payer le coût d’une mesure que les Français n’interprètent pour le moment que comme un énième moyen de remplir les caisses de l’État à leurs dépens.
« Pour que les Français rentrent dans le rang, le gouvernement est désormais tenu à une obligation de résultat. »