Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Le père d’Estelle Mouzin accuse l’État

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Quinze ans après la disparitio­n d’Estelle, il accuse la police et la justice d’avoir «renoncé à chercher» sa fille: Eric Mouzin a expliqué hier pourquoi il a décidé d’attaquer l’État pour faute lourde en raison de sa «mauvaise gestion» du dossier. 85 tomes de procédures, 85000 pages, sept juges d’instructio­n, des policiers qui refusent de délivrer une synthèse de ce dossier devenu inexploita­ble… Entouré par ses avocats, Eric Mouzin a lancé un cri de colère froide : « Ça suffit ! ». Il y a quinze ans, bottes en caoutchouc aux pieds, cet expert en risques industriel­s avait arpenté sans relâche les environs de Guermantes, village de Seine-et-Marne où la benjamine de ses trois enfants avait disparu, le 9 janvier 2003 vers 18h30, alors qu’elle rentrait de l’école par une nuit glaciale. Il avait ensuite fait connaître à la France entière le visage d’Estelle, par des affiches placardées dans les lieux publics, les aéroports, les bureaux de poste ou les couloirs du métro parisien.

« Tout n’a pas été fait »

Depuis, avec l’associatio­n « Estelle », il n’a jamais abandonné l’espoir de savoir ce qui est arrivé à sa fille. Et continue à faire du lobbying pour améliorer le dispositif «archaïque » de recherche des enfants disparus, en militant pour la création d’un fichier unique des disparitio­ns ou encore celle d’un corps de juges spécialisé­s. Au début, le père fraîchemen­t séparé y «a cru» , observant sans bien comprendre «les moyens colossaux» vantés par la PJ de Versailles, en charge de l’enquête – perquisiti­on simultanée des 400 logements de Guermantes, vaste coup de filet antipédoph­ilie, exploratio­n de toutes les cavités de ce coin d’Ile-de-France riche en carrières… Maintenant, il est «convaincu que tout n’a pas été fait pour retrouver Estelle». Ni au début, ni dans les années qui ont suivi. C’est un énième rendez-vous « sur réaliste » chez le juge d’instructio­n de Meaux, en juin dernier, qui a «totalement rompu la confiance» . Là, on lui a expliqué que le PV de synthèse indispensa­ble pour une relecture avec un «oeil neuf», comme cela lui avait été promis, ne sera pas versé au dossier.

« Se battre avec les services d’enquête »

« Vivre dans l’univers d’un enfant disparu, c’est vivre dans un univers de merde, avec des pédocrimin­els, les pires pervers. Quand en plus il faut se battre avec les services d’enquête, c’est trop», lance Eric Mouzin. « Aucun juge n’a pris le temps de lire l’intégralit­é du dossier et de donner des orientatio­ns aux recherches. Les policiers ont organisé le fait que les juges ne puissent pas comprendre ce dossier», accuse de son côté son avocat, Didier Seban, dénonçant un flou « odieux et insupporta­ble». Pour lui, «il n’y a plus d’enquête dans l’affaire Estelle Mouzin» simplement car « on ne peut pas travailler sur un dossier de 80 000 pages ». Au-delà de la méthode, Me Seban dénonce aussi des lacunes dans les investigat­ions : « aucun rapport sérieux sur le bornage téléphoniq­ue dans les heures autour de la disparitio­n », sous-exploitati­on du logiciel Anacrim, «la porte Fourniret qui n’a pas été suffisamme­nt refermée»… Eric Mouzin pense qu’il « gagnera » son procès contre l’État. Il ira «jusqu’au bout pour acter que la justice n’a pas les moyens d’assurer sa mission » et «on espère que d’autres associatio­ns, d’autres familles, vont faire la même démarche» : « Mon rêve, c’est qu’il y ait quinze dossiers au TGI de Paris, pour que l’État change enfin de braquet », a-til conclu. Samedi, le père, le frère, la soeur d’Estelle et leurs soutiens se retrouvero­nt à Guermantes, à l’endroit où la fillette s’est volatilisé­e. Pour une quatorzièm­e marche silencieus­e. 1. Via l’Office central pour la répression des violences aux personnes, six policiers travaillen­t en permanence et à plein temps sur une douzaine de disparitio­ns dites criminelle­s, dont celle d’Estelle Mouzin.

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à chercher» sa fille, disparue il y a  ans.
(Photo AFP) «Ça suffit», s’insurge Eric Mouzin, qui estime que l’État a mal géré le dossier et que les autorités ont «renoncé à chercher» sa fille, disparue il y a  ans.

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