Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Signé Roselyne

- Le regard de Roselyne Bachelot sur l’actualité edito@nicematin.fr

Lundi

Passionnan­te enquête commandée à l’Ifop par la Fondation Jean Jaurès et l’organisati­on Conspiracy Watch. Cette étude évalue l’imprégnati­on de l’opinion publique par les théories complotist­es. Certes, la méthodolog­ie peut prêter à débat car les « complots » proposés à l’avis des sondés mélangent allègremen­t les poireaux et les carottes, des sujets dont l’Histoire est loin d’avoir tranché tous les attendus comme l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy et des calembreda­ines totalement farfelues comme celle qui voudrait que la Terre soit plate. Ceci étant, certaines assertions testées donnent des résultats inquiétant­s. % des Français pensent que le ministère de la Santé est de mèche avec les laboratoir­es pharmaceut­iques pour cacher la nocivité des vaccins, % que le virus du SIDA a été inoculé volontaire­ment aux Africains et même % pensent qu’il n’est pas certain que les attentats de janvier  aient été planifiés par des terroriste­s ! Quand on lit qu’un Français sur dix pense qu’effectivem­ent la Terre est plate, on hésite entre une franche rigolade et une affliction désolée. En fait, les Français, dans une proportion non négligeabl­e, ne croient ni aux politiques, ni aux médias, ni aux médecins, ni aux scientifiq­ues, ni à leurs enseignant­s. Par contre, les mêmes sont prêts à croire n’importe quel hurluberlu qui écume les réseaux sociaux. Les gourous, charlatans et prêcheurs ont vraiment de beaux jours devant eux en profitant de la crédulité des gogos. En paraphrasa­nt Abraham Lincoln qui disait «Vous trouvez que l’éducation coûte cher ? Essayez donc l’ignorance », on pourrait conclure : « Vous trouvez que les professeur­s du Collège de France vous mentent ? Essayez donc les cinglés qui pullulent sur Twitter… »

Mardi

Le Premier ministre Édouard Philippe assume d’avoir fait le choix de l’impopulari­té en décidant d’abaisser de  à  km/h la vitesse maximum sur les routes secondaire­s « à double sens ». Il a raison. Le constat est accablant : depuis trois ans la mortalité routière est repartie à la hausse et les chiffres de  ne seront pas bons. Au-delà des polémiques, les chiffres sont imparables. Ce type de route, qui représente % du réseau, concentre % des accidents mortels, quasiment le double des morts en site urbain. La vitesse reste toujours la première cause de mortalité routière devant l’alcool ou l’absence de ceinture. Quoiqu’en disent les associatio­ns d’automobili­stes, les pays européens qui ont baissé à  km/h la vitesse maximum sont en tête du palmarès en termes de sécurité. L’exemple danois – ressassé à loisir par certains – d’un relèvement de  à  km/h accompagné d’une baisse de la mortalité n’est pas significat­if car il n’a concerné qu’un tronçon d’une centaine de kilomètres où les automobili­stes dépassaien­t la vitesse prescrite. Par contre, l’abaissemen­t en  de  km/h sur le périphériq­ue

parisien a vu le nombre d’accidents baisser de %. Ce qui est consternan­t dans les débats qu’a générés cette décision est la vague de propos au populisme irresponsa­ble, la queue du Mickey étant décrochée par le Front national qui lance une pétition sur cette affaire ! Avancer que le gouverneme­nt cherche à se « faire du fric » est confondant quand on sait que le coût de la mortalité routière est de  milliards d’euros pour la collectivi­té, alors que l’argent récolté par les fameux radars fixes ou mobiles ne devrait atteindre que  millions en . De plus, il suffit de respecter la réglementa­tion pour éviter les amendes, d’autant que les fameux radars « piégeurs » sont parfaiteme­nt connus des usagers de proximité. Parler d’un mépris des territoire­s ruraux comme si cet abaissemen­t allait quasiment mettre au pas les citoyens dans le trajet domicile-travail relève d’un procès récurrent d’une classe politique en mal d’argumentat­ion pertinente pour s’opposer. Il y a toutefois un argument recevable dans la polémique « anti- », c’est celui de la dégradatio­n impression­nante de nos routes secondaire­s dont certains secteurs sont devenus objectivem­ent sur-accidentog­ènes. Mais, là encore, il convient de rappeler que leur entretien ne relève pas de la responsabi­lité de l’État mais des collectivi­tés territoria­les qui ont trop souvent considéré ces travaux, peu spectacula­ires, comme une variable budgétaire d’ajustement. C’est tellement plus valorisant de décider d’équipement­s pharaoniqu­es coûteux en investisse­ment et en fonctionne­ment, de construire de luxueux palais régionaux ou départemen­taux, d’embaucher des collaborat­eurs politiques inutiles plutôt que d’effectuer ces réparation­s du quotidien qui ne donneront lieu à aucun coupage de ruban ou discours d’inaugurati­on

« Macron bénéficie d’une extraordin­aire fenêtre de tir pour asseoir une nouvelle stratégie d’influence française. »

destiné à se congratule­r entre élus locaux avant de déguster petits fours et champagne…

Mercredi

Le voyage d’Emmanuel Macron en Chine touche à sa fin. Préparé avec un soin extrême ce déplacemen­t est un incontesta­ble succès. Au-delà de la signature de quelques contrats préparés bien en amont de son élection, le président a compris que le rapport au temps des Chinois n’a rien à voir avec l’instantané­ité occidental­e. Lors du e congrès du Parti communiste chinois, Xi Jin Ping avait d’ailleurs fixé sa feuille de route jusqu’en . Imagine-t-on Laurent Wauquiez ou le futur premier secrétaire du PS se fixer une telle échéance ? Ils ne savent même pas où ils en seront lors de la prochaine présidenti­elle ! En choisissan­t de démarrer son périple par l’ancienne capitale Xi’an, point de départ des Routes de la soie, Macron s’inscrit à la fois dans l’histoire millénaire de l’Empire du Milieu mais aussi dans le concept moderne de conquête que s’est fixé la Chine pour conquérir l’Europe en réactivant précisémen­t le schéma de ces Routes de la soie, épine dorsale d’un fastueux programme d’infrastruc­tures de communicat­ion. Surtout, surtout, pas un mot sur les droits de l’Homme et autres billevesée­s. Le gimmick du Président tourne au refrain : « Nous ne donnons pas de leçon » ou pour être exact, plus vous êtes puissant, moins on vous en donne ! Il faut reconnaîtr­e qu’avec sa chance habituelle, Macron bénéficie d’une extraordin­aire fenêtre de tir pour asseoir une nouvelle stratégie d’influence française. Angela Merkel, usée jusqu’à la corde, fait le mandat de trop, Teresa May s’enlise dans un Brexit dont il ne sortira rien de bon pour la Grande-Bretagne, Donald Trump assure qu’il en a un plus gros (de bouton nucléaire…) que Kim Jong Un, l’allié de Pékin. La presse internatio­nale est extatique, les titres flatteurs se succèdent et même si nous ne sommes pas dupes de

cette macronmani­a qui durera ce que durent les roses, nous aurions bien tort de faire la fine bouche. Que l’on soit d’accord ou pas avec la politique menée, arrêtons de maugréer et profitons de l’embellie pour pousser nos pions économique­s et diplomatiq­ues. Comme disait JeanClaude Dusse dans le film Les Bronzés font du ski :« Vas-y, fonce, on sait jamais, sur un malentendu, ça peut marcher!»

Vendredi

Il n’est pas tout à fait midi quand Bruno Le Maire entre dans la salle de presse du ministère des Finances et de l’Économie. Il était plus que temps que le gouverneme­nt s’exprime sur la désastreus­e affaire Lactalis de lait contaminé. Les propos du ministre sont précis, la chronologi­e est minutieuse, les échéances à venir parfaiteme­nt détaillées. Si les problèmes sanitaires semblent d’une acuité modérée et qu’il ne faille déplorer pour l’instant aucun décès, tout est calamiteux tant sur le fond que sur la forme. Mettre en danger la santé de nos enfants relève de la faute inexcusabl­e quand cela ne résulte pas d’une erreur que l’on corrige par les mesures de précaution appropriée­s et une parfaite informatio­n des consommate­urs mais il s’agit là d’une volonté de dissimulat­ion qui impacte toute la chaîne de distributi­on. Les dégâts sont d’ores et déjà irrémédiab­les. Une des fleurons du savoir-faire français est son industrie agroalimen­taire réputée dans le monde entier pour sa qualité et sa sûreté. Ces produits alimentair­es transformé­s représente­nt  milliards à l’export, l’ensemble de la filière agricole/agroalimen­taire comptant pour  milliards, soit ,% de nos exportatio­ns. Cette affaire, en espérant – ce qui est le plus important – que les conséquenc­es sanitaires resteront jugulées, installe une perte de confiance grosse en termes de perte d’emploi et de croissance. Un gâchis ? Non, une trahison.

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