Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Tour Odéon : des « billes » mais « plus d’accusateur »

Nouveau revirement, hier, lors du procès en appel à Aix du présumé pacte de corruption entre les promoteurs de la tour Odéon, les frères Marzocco, et le maire de Beausoleil, Gérard Spinelli

- A AIX-EN-PROVENCE ERIC GALLIANO egalliano@nicematin.fr

La cour d’appel d’Aix a été le théâtre, hier, d’un éprouvant jeu de chaises musicales. A l’invitation du président s’y sont succédé Gérard Spinelli, le maire de Beausoleil, Claudio et Paulo Marzocco, les promoteurs de la tour Odéon à Monaco, ainsi que « Lino » Alberti. Personnage truculent, à l’accent italien appuyé et au langage fleuri, c’est lui qui aurait servi d’intermédia­ire entre les Marzocco et Spinelli, son «ami» le maire, dans ce présumé pacte de corruption qui lierait les prévenus.

« Je n’ai jamais accepté d’argent »

Selon l’accusation, le premier magistrat de Beausoleil aurait été payé pour qu’il n’entrave pas le chantier de la tour Odéon. «En gros, ce qu’on vous reproche, c’est d’avoir touché des pots-de-vin » ,résume le président Vincent Turbeaux. Gérard Spinelli s’en défend : «J’ai toujours refusé l’argent de M. Alberti», martèle le maire. Mais face à ses dénégation­s, le président fait remarquer « qu’il y a quand même des billes» dans ce dossier. Il égrène les écoutes téléphoniq­ues et les agendas des prévenus. Du côté de la défense, on insiste sur le fait que ces éléments matériels s’appuient surtout sur l’interpréta­tion qu’en a livré Lino Alberti lors de l’instructio­n. Des déclaratio­ns à géométrie variable. « Il y a eu trois versions différente­s rien que pendant la garde à vue », souligne Me Eric Dupond-Moretti. Et la cour n’est pas au bout de ses surprises. Elle va être le théâtre d’un nouveau revirement. Du moins après s’être longuement intéressée au contexte général de cette affaire. Allant jusqu’à décortique­r le montage financier du projet Odéon. Le président questionna­nt les frères Marzocco sur les intérêts que pouvait y avoir l’État monégasque, s’interrogea­nt sur la raison pour laquelle les promoteurs avaient privilégié Vinci sans mettre en concurrenc­e les autres poids lourds du BTP... Et les titillant sur le bénéfice qu’ils avaient tiré de cette opération. « Quaranteci­nq millions d’euros », finissent par lâcher les frères Marzocco. «C’est pour calculer l’amende au cas où nous révisions le jugement », assène le président de la cour d’assises. « Même pour plaisanter», Me Dupond-Moretti ne trouve pas cela drôle. L’avocat frise d’ailleurs l’incident d’audience lorsqu’il finit par faire remarquer au président que ce qu’on reproche aux Marzocco ce n’est rien de tout cela mais «d’avoir donné dix sous» à Spinelli via Alberti « pour régler dix points ». Une sorte de liste de courses où il est question d’éventuels recours et de droits de passage pour les camions...

« ou version »

C’est le fameux pacte de corruption présumé retrouvé chez Alberti. Celui qui aurait justifié des versements en liquide à Spinelli. Les enquêteurs ont aussi récupéré une enveloppe de billets sur laquelle il est écrit «Gérard». « Mais ne pourrait-il pas s’agir d’un autre Gérard ?», demande Me Marie-Alix Canu-Bernard, l’un des avocats du maire de Beausoleil. Et, contre toute attente, Lino Alberti acquiesce. Après avoir toujours désigné Gérard Spinelli voilà qu’il affirme que cette enveloppe était « certaineme­nt » destinée à son ancien patron... À moins que cet argent n’ait servi à couvrir des dépenses plus personnell­es. «On en est à la sixième ou septième version », fait remarquer le président qui semble avoir bien du mal à s’en satisfaire : pourquoi avoir mis en cause son ami le maire de Beausoleil ? Gérard Spinelli a sa propre idée sur la question. « À l’époque, j’étais l’homme à abattre parce que je m’opposais au maire de Nice, Christian Estrosi, et au préfet », assure-til. Tout cela ne serait donc qu’un vaste complot politique ? Là encore le président Turbeaux semble ne guère y croire. A l’heure de suspendre, le magistrat prend acte du fait que les frères Marzocco et le maire de Beausoleil n’ont « plus d’accusateur »... Mais, « il reste toutes les pièces du dossier », préciset-il.

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