Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

La truffe victime de la sécheresse

La sécheresse de l’année  a eu de lourdes conséquenc­es sur la récolte du diamant noir. Francis Gillet, président des trufficult­eurs varois, craint des répercussi­ons pour la saison prochaine. Rencontre.

- PROPOS RECUEILLIS PAR G. LEVA gleva@varmatin.com

Les amateurs de truffes noires ont encore jusqu’à la première quinzaine du mois de mars pour faire leur marché à Aups tous les jeudis matin. Même si les étals ne sont pas aussi bien garnis que les années précédente­s, la Tuber melanospor­um affiche maturité et qualité en cette période. Parole de connaisseu­r. Plus précisémen­t du président du syndicat des trufficult­eurs du Var, Francis Gillet, qui a bien voulu répondre à nos questions.

Quel bilan dressez-vous à misaison ?

C’est triste. Nous avons eu une année  tellement sèche que, malheureus­ement, la production a été très maigre. En moyenne, habituelle­ment, entre vingt et vingt-cinq producteur­s viennent vendre sur le marché d’Aups. Cette saison, il y en a entre cinq et sept.

A quelle période la truffe a besoin d’eau ?

Ici à Saint-Julien, les pluies sont tombées le  mai et puis plus une goutte, pas un orage, rien du tout jusqu’à fin octobre. En automne, ça ne sert plus à rien pour la trufficult­ure. La truffe commence à naître fin mai et au mois de juin. C’est les précipitat­ions au printemps qui sont bénéfiques. Les anciens disaient que c’était la réserve de la Provence. Après si on a un orage entre le  juillet et le  août, ça fait un plus. J’ai plus vingt ans et je n’ai jamais connu une année aussi sèche. En , on a eu soi-disant une canicule mais ça avait commencé plus tard. En , la deuxième quinzaine de juin, le thermomètr­e affichait entre ° et °. Et la cerise sur le gâteau, il y a eu des jours de mistral comme jamais. Tout ça cumulé jusqu’à fin août.

Cette sécheresse peut-elle avoir d’autres répercussi­ons à long terme ?

Je n’ai pas encore eu l’occasion d’en savoir un peu plus mais je crains que cette grosse sécheresse ait tué le mycélium (partie végétative des champignon­s, NDLR). Ça risque d’avoir des répercussi­ons sur la prochaine récolte. Il y a vingt, vingt-cinq ans, l’INRA (Institut national de la recherche

agronomiqu­e, NDLR) avait sorti les plants mycorhizés pour introduire le mycélium sur les racines des chênes. Ces plants mycorhizés assurentil­s une production ? C’est un plus pour avoir la chance de récolter des truffes. La truffe est encore très mystérieus­e. La seule chose aujourd’hui qui peut assurer une potentiell­e production, c’est avoir de l’eau quand il faut. Après, telle variété de chêne, blanc ou vert, taillé ou pas taillé… Chacun raconte la sienne mais il n’y a pas de résultats vraiment probants.

Existe-il encore des truffières naturelles ?

Cette année à ma connaissan­ce, il n’y en a point du tout. Zéro. C’est incroyable. Ça se perd. Est-ce que c’est dû à la pluviométr­ie moins importante sur les trente dernières années? Peut-être les chênes truffiers à l’instar des arbres fruitiers ne produisent pas pendant deux cents ans. Il y avait aussi autrefois pas mal de troupeaux dans la colline. Aujourd’hui, il n’y a plus de pastoralis­me. Les bois, comme on dit, se ferment. Il y a moins de soleil. Ce n’est pas neutre.

Quels moyens peuvent être mis en oeuvre pour faire face à la sécheresse ?

A mon avis, l’irrigation peut parer cette problémati­que. Des solutions, il n’y en a pas mille. Soit par des forages, soit par le Canal de Provence. La chambre d’agricultur­e étudie le projet d’extension du réseau du Canal de Provence. Pas uniquement pour la truffe bien entendu mais aussi pour d’autres cultures. Pour irriguer une truffière, le mieux c’est le goutte-à-goutte ou le microjet. Un arrosage pour compléter la nature. La truffe ne demande pas énormément de flotte. Mais il en faut quand même. Cette année quelques trufficult­eurs qui ont irrigué grâce à des forages ou au Canal de Provence, ont une petite production. Mais ça représente moins de  %.

Les vols dans les truffières se sont multipliés dans certains départemen­ts. Le constat est-il le même dans le Var ?

A moindre proportion par rapport au Vaucluse ou au Gard. Mais la vigilance est de mise. Avant, le producteur passait tous les quinze jours dans les truffières. Maintenant, c’est deux fois par semaine. On ramasse la truffe plus tôt qu’avant de peur de se la faire faucher. Il y a vingt ans en arrière on ne connaissai­t pas de vols.

Comment se porte la filière ?

Pour l’instant, la sécheresse n’a pas impacté la filière. Les  adhérents continuero­nt à participer au syndicat. Mais on ne vit pas de la truffe. C’est une activité complément­aire. La production est tellement aléatoire.

Quels sont actuelleme­nt les axes de travail du syndicat ?

Avec la fédération régionale, nous essayons d’obtenir de la Région quelques aides financière­s pour les nouvelles plantation­s. Ce serait positif. Il y a vingt-cinq ans, on en avait du conseil général.

Avez-vous une invitation à lancer ?

Le dimanche  janvier, il y a la fête de la truffe à Aups dès  heures. C’est toujours le quatrième dimanche de janvier. Il y aura notamment un marché, une démonstrat­ion de cavage avec le cochon, un concours de chiens truffiers, des groupes folkloriqu­es, dégustatio­n de brouillade de truffes, conférence­s… Le prêtre bénira les chiens.

La truffe est encore très mystérieus­e. ” ‘‘ Il n’y a pas mille solutions pour faire face à la sécheresse. ”

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 ?? (Photo Valérie Le Parc) ?? Francis Gillet, ici avec Nico dans une truffière, n’avait jamais connu une telle sécheresse.
(Photo Valérie Le Parc) Francis Gillet, ici avec Nico dans une truffière, n’avait jamais connu une telle sécheresse.

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