Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Bocuse ? La vie !

- de JACQUES GANTIÉ jacgantie@hotmail.com

Bien sûr, il était « Monsieur Paul », de Gaulle des fourneaux, cuisinier du siècle… Bocuse, simplement, mondial et monumental. Au fil de quelques rencontres, je l’avais interviewé en  pour Nice-Matin à sa table de Collonges-au-Mont-d’Or. Malgré un accident cardiaque, il portait beau ses  ans et ses  ans de  étoiles. Un seigneur, un géant de bon sens, tout en habileté politique et malice paysanne, un formidable showman en son auberge touchante et kitch où le monde entier venait en pèlerinage. Veste au liseré tricolore et coq tatoué sur l’épaule, il parlait des braconnage­s de son enfance, de ses parties de pêche avec ses copains des bords de Saône, des femmes de sa vie – trois « officielle­s », révélées dans son livre Le Feu sacré – de ses débuts en  dans un restaurant de marché noir, de sa conception de la gastronomi­e ( «J’aiété élevé à la haute école du produit…La« nouvelle cuisine? Rien dans l’assiette, tout dans l’addition ! »), de ses voyages, de Lyon, cette banlieue bocusienne où ses brasseries régalaient aux quatre points cardinaux. Bocuse jouait du Bocuse. Il disait « quand je passe à table, je mange, quand je suis au lit, je dors ! ». De son Auberge du Pont de Collonges, entouré de six Meilleurs ouvriers de France : « C’est aussi bon chez moi quand je n’y suis pas que chez certains quand ils sont chez eux »… Sa collection de bons mots ! Les mêmes, servis pour ses  ans à la table d’Alain Ducasse au Plaza Athénée puis au Louis XV à Monaco, m’avaient mis en joie. « Nous sommes de modestes artisans ! »… Bocuse et Ducasse, qu’il considérai­t comme son véritable successeur, habiles à répondre « à côté », experts en savoirfair­e et faire-savoir, dialoguaie­nt avec la même gourmandis­e, le même feu sacré. Aujourd’hui, « l’empereur des gueules » et du bien manger est dans un paradis trois étoiles où sa table est retenue de longue date. On y sert saucisson chaud lyonnais, tête de veau, brochet en croûte, volaille de Bresse demi-deuil en vessie, sauce morilles… et nulle trace de moléculair­e. Des plats de bonne chère, pour « travailleu­rs », une cuisine d’hier et de toujours, riche en tradition, un peu réac et muséale, estampillé­e grande cuisine française.  ans de trois étoiles. Respect ! A quelques jours de la sortie du Michelin et d’obsèques forcément nationales, l’histoire de la gastronomi­e continue de s’écrire et elle est passionnan­te. Il manque simplement sa grande cuisine de terroir, sa stature, son sens de l’humour et du canular. Bocuse est mort ? Cette blague !

« Aujourd’hui, « l’empereur des gueules » et du bien manger est dans un paradis trois étoiles où sa table est retenue de longue date. »

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