Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
«Sans sépulture c’est difficile de faire son deuil…»
Thérèse Scheirmann Descamps n’a rien oublié du dimanche 28 janvier 1968, jour où on lui a annoncé la disparition de son mari Jules, second maître mécanicien. « Il était midi. J’attendais avec impatience le retour de mon époux à Toulon. J’étais en train de préparer le repas pour fêter son 29e anniversaire. Dehors, j’entendais les sirènes. Ce n’est que plus tard que j’ai fait le lien. Un jeune marin a sonné à la porte. Il était livide. J’ai de suite compris. » Jules, disparu avec 51 autres de ses camarades, laissait une veuve effondrée et deux enfants de 3et5ans. « Pendant des jours pourtant, j’ai continué à y croire, poursuit-elle. J’avais même calculé l’autonomie en oxygène du sous-marin. Mais même bien après, je ne pouvais m’empêcher de penser qu’il allait rentrer. Et puis il y a eu les faux espoirs qu’on nous a donnés, les déceptions, l’angoisse… C’est terrible.» Un demi-siècle plus tard, Thérèse se rend régulièrement au Monument National à la mémoire des sousmariniers morts pour la France, parc de la Tour Royale à Toulon. « Nous n’avons pas d’autres endroits où nous recueillir. Sans sépulture, c’est difficile de faire son deuil… » A ses côtés, Patrick Meulet, président de la section de Toulon et du Var de l’AGASM(1). Lui aussi est un habitué des lieux. Hanté par le drame. « Je suis devenu sous-marinier l’année d’après. Sans peur mais le ventre un peu serré. Les sous-mariniers forment une famille soudée. On se posait des questions… » Des questions qui demeurent encore aujourd’hui. « Quelles sont les causes réelles de l’accident ? Pourquoi ne jamais avoir levé le secret défense ? les sous-marins suivants, c’est un point qu’ils ont amélioré techniquement.» L’un et l’autre restent persuadés que les enjeux économiques - les Daphné se sont ensuite très bien vendus à l’export - ont contribué au silence de l’armée sur le sujet. Parmi leurs interrogations aussi : le lieu où reposent La Minerve et son équipage. « À l’époque, les recherches avaient mobilisé tous les hommes et les moyens disponibles, mais la technologie faisait défaut. Aujourd’hui, nous souhaitons que la Marine relance les investigations. Ça enterrerait les théories farfelues et ça apaiserait les familles » Une quiétude après laquelle Thérèse court toujours, à 75 ans. « J’ai continué ma vie, vous savez. Il le fallait. Mais certains mots me hantent. Après l’accident, on a voulu me rassurer en me disant que le drame s’était passé très vite, que mon mari n’avait pas souffert. Mais ça signifie quoi, “très vite” ? Le sous-marin a piqué. Le temps d’arriver à 700m et d’imploser, je n’imagine pas combien de temps a pu s’écouler… » 1. Amicale Rubis de l’Association générale des amicales des sous-mariniers. 2. Tube télescopique par lequel entre l’air utile aux moteurs diesel sans avoir à faire surface.
au Monument national des sousmariniers, parc de la Tour royale, en présence des familles, proches, des autorités civiles et militaires, dont le préfet du Var Jean-Luc Videlaine, le maire de Toulon Hubert Falco et l’amiral Charles Henri du Ché, préfet maritime.
avec les choeurs de la région toulonnaise et la musique des équipages de la flotte. C’est un jeune marin qui me l’a annoncé. Il était livide ”