Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Médicaments biosimilaires : le futur de la cancérologie? Actu
Au programme du Monaco Age Oncology, l’émergence des biosimilaires en cancérologie. « Un challenge scientifique et économique » selon le Pr Pivot qui préside ce congrès
Rendez-vous devenu incontournable pour les spécialistes du cancer, la 13e Biennale de cancérologie de Monaco se déroulera du 31 janvier au 3 février. Rencontre avec le président du congrès, le Pr Xavier Pivot, cancérologue niçois de renom aujourd’hui directeur du centre PaulStrauss - Institut régional de cancérologie de Strasbourg.
Une session est destinée aux lycéens. Pourquoi vous adresser à cette population qui, dans les faits, est heureusement peu touchée par la maladie?
Si le cancer ne fait pas peur aux jeunes – à cet âge on se sent immortel! – tous sont, de près ou de loin, concernés à travers quelqu’un dans l’entourage touché par la maladie. Il est important de leur délivrer le message que le cancer ne doit pas être associé à la mort, que beaucoup de malades aujourd’hui guérissent.
« Le cancer, une tragédie des temps modernes » : vous vous inscrivez en faux contre cette allégation...
Le cancer n’est pas une maladie nouvelle. L’étude de restes humains a révélé la présence de la maladie il y a déjà des milliers d’années. Un exemple: en analysant un squelette datant du Néolithique d’un Nubien d’une vingtaine d’années, on a découvert qu’il avait souffert d’un sarcome d’Ewing, un cancer des os assez rare. Autre exemple : sur des manuscrits datant des pharaons sont consignés des traitements à base de plantes destinés à soigner des femmes atteintes d’un cancer du sein.
Le congrès va faire la part belle à l’immunothérapie. Comment ces traitements agissent-ils ?
Le problème avec le cancer, c’est qu’il se rend tolérant vis-à-vis de nos défenses immunitaires. L’immunothérapie permet de démasquer aux yeux du système immunitaire que le cancer est un ennemi à détruire. Ils le rendent clairvoyant, en quelque sorte.
Sujet moins médical, plus sensible, l’émergence des biosimilaires. S’agit-il d’une forme de «génériques» des biothérapies utilisées en cancérologie?
Pas du tout. Les génériques sont des copies exactes de médicaments produits par synthèse chimique. Les biosimilaires sont des médicaments produits par des cellules vivantes dans lesquelles on a introduit le «code ADN» du médicament qu’on veut fabriquer. On ne peut donc pas parler de copies exactes.
Peut-on craindre qu’ils soient moins efficaces que les biothérapies qu’ils «imitent»?
Non. Les études, dont certaines seront présentées lors du congrès, le montrent clairement ; ils sont aussi efficaces, et peut-être dans certains cas de meilleure qualité encore que les médicaments biologiques d’origine. Et ils sont fabriqués par de très gros laboratoires, les mêmes qui sont à l’origine des biothérapies. C’est en améliorant le process de fabrication, et donc la productibilité, que ces laboratoires peuvent réduire le coût. Avec les biosimilaires, on espère obtenir une réduction du prix de l’ordre de à %, sachant que les biothérapies représentent un coût colossal dans nos dépenses de santé.
Quels cancers sont concernés ?
Pour l’heure, les études ont surtout porté sur les lymphomes et le cancer du sein.
Des exemples de biothérapies susceptibles d’être concurrencées par des biosimilaires ?
On peut citer l’herceptine, qui a constitué une révolution dans le traitement de certains cancers du sein. En France, à Monaco, en Europe de l’Ouest, toutes les patientes sont traitées. Mais il faut savoir que dans beaucoup de pays de l’Est, à peine un tiers a la chance d’en bénéficier, voire aucune femme dans des pays comme la Moldavie. Tout ça à cause du coût du médicament: de l’ordre de à € le mois de traitement… Disposer de traitement à des prix abordables est très important pour l’humanité. Aussi, l’émergence des biosimilaires représente à la fois un challenge scientifique et économique.
Comment allez-vous aborder la question lors du congrès?
Il s’agit aujourd’hui, sachant que pour chaque biothérapie il existe plusieurs concurrents, de déterminer lequel sélectionner, sur quels critères ?, etc. Le prix fait partie bien sûr du débat, mais aussi la confiance que l’on a dans le laboratoire pharmaceutique qui fabrique le médicament.
Quel accueil attendez-vous?
Le risque d’assimilation aux génériques, mais aussi le fait que les traitements biologiques ne sont pas reproductibles strictement à l’identique, vont nous obliger à faire beaucoup de pédagogie pour réussir à convaincre patients et médecins de l’intérêt des biosimilaires.
« Aussi efficaces, voire plus » Pr Xavier Pivot Cancérologue