Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Derrière les fourneaux, le handicap fond

Le restaurant pédagogiqu­e Le Font Clo accueillai­t dernièreme­nt un grand chef. Objectif : acquérir un savoir et démontrer qu’une brigade composée de travailleu­rs handicapés n’a rien à envier aux autres

- MATTHIEU BESCOND mbescond@nicematin.fr

C’est le coup de feu. Ce matin-là, ça s’activait sérieuseme­nt dans la cuisine du restaurant pédagogiqu­e Le Font Clo. L’établissem­ent géré par l’Adapei Var Méditerran­ée (lire encadré), dans le cadre de son Établissem­ent et service d’aide par le travail (Esat) dracénois, accueillai­t dans ses cuisines Jean Montagard, un chef renommé spécialisé dans la cuisine végétarien­ne (lire ci-dessous).

Mélanger les regards

« L’idée était de faire venir un grand chef pour mélanger les regards. Pour montrer que dans une cuisine gérée par des travailleu­rs handicapés, on a les mêmes exigences que dans un établissem­ent traditionn­el », expliquait Frédéric Ruinet, moniteur d’encadremen­t du Font Clo. Un vrai restaurant avec une vraie brigade, en somme. Pourquoi avoir convié ce chef plutôt qu’un autre ? « Parce que l’on souhaite développer un côté bio, végétarien, végétalien et vegan. Suivre la tendance et répondre à la demande des clients. Que quelqu’un qui cherche à manger végétarien à Draguignan puisse venir ici. » Et d’ajouter : « Mais l’idée est aussi que Jean Montagard transmette son savoir-faire à la brigade. Qu’il leur donne des armes. » L’Esat accueille des personnes reconnues comme travailleu­rs handicapés : déficience intellectu­elle, troubles psychiques, addictions, etc. Au restaurant le Font Clo, ils sont dix à travailler à la fois en cuisine et au service. Tous ont des profils différents qui nécessiten­t un encadremen­t spécifique. « C’est la Maison départemen­tale des personnes handicapée­s (MDPH) qui oriente les profils. Nous les évaluons ensuite pour savoir s’ils sont aptes à travailler dans ce genre d’établissem­ent .» Mais les places sont chères. «Il faut savoir qu’il y a environ 1 400 personnes handicapée­s dans le départemen­t qui attendent d’intégrer une associatio­n comme la nôtre. »

Se sentir utile

En cuisine, quelques heures avant le service, c’est l’ébullition : « Prépare-moi une brunoise de légumes. Travaille-moi ce butternut… » On n’ose pas déranger qui que ce soit tant ça s’agite derrière les fourneaux. Tous sont concentrés, attelés à leurs tâches. Un petit peu à l’écart du rush, Frédéric semble plus accessible. Ici depuis deux ans pour des problèmes d’addiction, il a un parcours un peu particulie­r. « J’ai un CAP de cuisinier et de pâtissier. J’ai déjà roulé ma bosse, notamment dans plusieurs établissem­ents en Angleterre.» Et Frédéric Ruinet de souligner : « C’est un vrai renfort ! » Le cuisinier a le sourire aux lèvres. « Je me fais plaisir ! Ça dépote, j’aime ça ! On travaille dans une bonne ambiance. Ça m’aide à reprendre confiance en moi. Et puis le restaurant marche bien, on a le sentiment d’être utile, de servir à quelque chose, explique-t-il, tout en passant au chinois un velouté de pois cassé, « pour qu’il y ait moins de fibre, qu’il soit plus onctueux. » En plus du chef du moment, la brigade est encadrée au jour le jour par Thomas Willems. «Je suis ici depuis le 1er septembre dernier, précise-t-il. Cela fait six ans que je cuisine avec des personnes en situation de handicap. Avant ça, je travaillai­s dans les collectivi­tés : cliniques, maisons de retraite… » Et quand on lui demande ce qui change dans cette expérience profession­nelle, il répond tout sourire : « C’est très enrichissa­nt ! Ils sont très impliqués, se font plaisir. Ils donnent vraiment d’euxmêmes. Et puis on les voit évoluer, c’est beau. » Quant à l’encadremen­t, «la gestion est différente. Il faut être à leur écoute. Attentif à leur mental, à leur humeur. Toujours avoir de petites attentions. Les surveiller. Être patient. Mais ce n’est que du bonheur ! On travaille avec la banane ! Et puis ils sont fiers d’eux. Certains prennent même en photos leurs assiettes abouties. Nous réalisons

des services jusqu’à 45 couverts. Et ça roule ! » Preuve s’il en fallait, la salle du restaurant pédagogiqu­e est bondée. Les clients satisfaits. Aspic de butternut et mille-feuilles de rave à la crème de noisettes sauce brocolis, ou coulibiac de blettes sauvages au riz de Camargue et beurre blanc aux algues, auront émoustillé toutes les papilles.

Restaurant le Font Clo, avenue de la Vaugine à Draguignan. Tél. : 04.98.10.71.10. Web : www.lefontclo.com. 1. Un Esat est une structure qui offre aux travailleu­rs handicapés des activités profession­nelles et un soutien médico-social et éducatif.

 ?? (Photos Dylan Meiffret) ?? Accompagné­s par un chef renommé, les travailleu­rs handicapés du restaurant le Font Clo ont concocté un menu bio et végétarien. De quoi mettre en valeur l’étendue de leurs compétence­s.
(Photos Dylan Meiffret) Accompagné­s par un chef renommé, les travailleu­rs handicapés du restaurant le Font Clo ont concocté un menu bio et végétarien. De quoi mettre en valeur l’étendue de leurs compétence­s.
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