Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Bernard de Boisgelin souhaite « plus d’écoute »
Provence Verdon S’il regrette de se sentir loin « à tous points de vue » des instances décisionnaires, le président Bernard De Boisgelin fait le point sur une structure qui « trace sa propre voie »
Élu local, rural et historique, Bernard De Boisgelin a déjà vu les territoires de Provence Verdon connaître d’importantes évolutions ces dernières décennies. En tant que président de la communauté de communes, il travaille aujourd’hui à anticiper les prochaines, afin qu’elles profitent à ces quinze communes, représentant un peu moins de 25 000 habitants.
Voilà près de trente ans que vous êtes maire de SaintMartin…
Je commence à avoir une sérieuse expérience d’élu ! Et une chose m’apparaît comme une évidence : la mission des élus s’est beaucoup modifiée depuis une dizaine d’années. Elle s’est considérablement compliquée. Et le regard de la population sur ses élus a changé lui aussi…
Il y a moins de respect ?
Moins de considération, oui. Et puis, même si on essaie de ne pas trop y faire attention, avec le projecteur des réseaux sociaux, chaque petit incident peut prendre des grandes proportions… C’est assez injuste. Mais, ceci dit, c’est vrai à l’échelle de la société : on sent plus de repli sur soi, les gens sont plus impatients, moins attentifs à leurs voisins, au collectif, à l’intérêt général… Mais bon, je garde l’espérance que cela s’améliore!
Voilà quatre ans que Provence Verdon est née ; quel bilan en faites-vous ?
J’en suis satisfait. Sans rupture, nous oeuvrons dans la continuité de ce qui se faisait précédemment dans les deux communautés, et qui était bien ancré dans le paysage institutionnel et l’action publique. Notre grande fierté est d’avoir su maintenir la démarche initiale lors de la naissance de cette communauté, où nous étions un peu dans l’utopie…
C’est-à-dire ?
Une des premières choses que nous avons faite, tous ensemble, et d’élaborer une charte de fonctionnement, avec des principes, des grandes lignes… Tout le monde a pris part à son élaboration, tout le monde l’a acceptée, et tout le monde continue de la respecter. Cela nous a permis de gagner beaucoup de temps, et de se plonger vite dans l’action.
Ces actions, en quelques mots ?
Nous avons opté pour la taxe professionnelle unique avant même qu’elle soit obligatoire. De la même manière, nous avons anticipé et fait preuve de volontarisme en matière de petite enfance, car l’on sait que c’est un service indispensable aux familles. Aujourd’hui, six crèches, deux relais d’assistantes maternelles ou encore des lieux d’accueil parents/enfants existent sur nos communes.
Existe-t-il une « philosophie » Provence Verdon ?
Il existe un cap, globalement partagé : la communauté est là pour être au service des communes, et les aider à avancer là où elles ne pourraient pas le faire seules de leur côté. La communauté est donc là pour servir le territoire, et améliorer la vie des habitants.
Et comment cela se traduit-il en matière de gouvernance ?
Indépendance et liberté. Dans la communauté, il n’y a la place pour aucun mot d’ordre partisan, ni obédience, ni chapelle. Tout le monde s’exprime de manière égale, jusqu’à ce que se dégage un consensus, ou une majorité. C’est sain, et cela correspond, en agriculture, au fonctionnement d’une coopérative par exemple. Et le deuxième pilier, c’est le circuit court : notre souhait est de nous rapprocher le plus possible des citoyens, d’être les interlocuteurs directs de la population, avec le moins d’intermédiaires possibles. Notre choix initial de ne pas être fusionné avec la Provence verte répondait beaucoup à cette volonté…
Avec le recul, vous pensez qu’il s’agissait du bon choix ?
Je ne regrette pas les choix qui ont été faits. J’ai le plus grand respect pour la Provence verte, mais Provence Verdon trace sa propre voie. Avec ses résultats, pas toujours très visibles – nous ne sommes peut-être pas assez bons commerciaux! (rire) – mais on avance…
Sur le plan institutionnel, la ruralité est-elle un handicap ?
Nous devons lutter tous les jours… En guise de liens directs avec la population, nous avons ouvert deux maisons de services publics sur le territoire, il y a une quinzaine de permanences diverses pour les citoyens… Mais nous avons perdu la perception de Rians, nous savons la gendarmerie de Barjols en sursis… Du côté des pompiers, on vise trois casernes pour un maillage pertinent du territoire. Mais celles-ci sont aujourd’hui clairement obsolètes… C’est difficile géographiquement : on se sent un peu loin, de tous points de vue, des instances de décision…
Les territoires ruraux sont-ils trop peu écoutés ? Voire méprisés ?
Dans un département d’un million d’habitants, nous sommes conscients de ne pas peser très lourd avec nos habitants. Mais notre territoire est deux fois plus vaste que celui de TPM, l’agglomération toulonnaise ! Nous souhaiterions un peu plus d’égard et d’écoute. Si l’on veut raisonner en département, cela demande aussi un nouvel équilibre. On me dit souvent qu’“il ne faut pas opposer l’urbain et le rural”. Ce à quoi je réponds toujours : “Et réciproquement !” Ici, par exemple, la nouvelle répartition du financement du Sdis est incompréhensible, prise comme un manque de respect. Huit de nos communes sont aujourd’hui en conflit avec le Sdis. En tout, l’enveloppe est passée de euros à plus d’un million ! Alors que nos casernes ne sont pas reluisantes. La communauté de communes, par solidarité, a dû faire un effort en acquérant cette compétence, pour en soulager les communes dont certaines ne pouvaient pas faire face…
Envisagez-vous de briguer votre propre succession ?
En toute franchise, je ne sais pas. Je suis peut-être là depuis un peu trop longtemps… Mais après on est tellement attachés au territoire, aux dossiers… Une chose est sûre : je ne partirai pas sans que la continuité soit bien assurée. On a connu tellement de chamboulements imposés ces dernières décennies. On attend de la stabilité pour enfin pouvoir mieux avancer sur le fond.