Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
La proximité de la justice menacée dans le Var
Les Toulonnais devront-ils divorcer à Draguignan ? Les affaires pénales de l’est-Var seront-elles jugées à Toulon ? Les professionnels s’inquiètent d’une réforme, sur fond de pénurie de moyens
Les justiciables varois devront-ils parcourir une centaine de kilomètres pour régler un divorce dans le bureau d’un juge aux affaires familiales ou pour faire trancher un litige locataire/propriétaire devant un juge dit «de proximité » ? C’est l’un des enjeux très concrets de la future réforme de la justice, selon les magistrats, greffiers et avocats réunis hier matin devant la plupart des tribunaux pour exprimer leurs craintes. « Tout le monde est concerné », prévient l’un des participants au rassemblement de Toulon Ainsi, le gouvernement envisagerait – entre autres projets – de rapatrier certains contentieux d’un tribunal à l’autre, selon le principe d’une « centralisation par thèmes». Par exemple, l’un des deux tribunaux de grande instance (TGI) varois concentrerait le pénal, l’autre le droit familial…
« Une logique inquiétante »
Certes, « on ne ferme pas de “lieux de justice” mais on les vide en fait de leur substance… Et dans quelques années on fera le point et on nous dira que ça coûte cher, pour justifier des fermetures », pronostique une juge toulonnaise, dénonçant « une logique d’entreprise privée qui délocalise ». Une « logique inquiétante », acquiesce l’une de ses collègues. « Nos revendications, ce n’est pas d’être mieux payés, soulignent les magistrats amers, nous demandons à pouvoir rendre la justice dans de bonnes conditions… L’enjeu de la justice, c’est d’être proche du justiciable. » Les velléités de la Chancellerie – dont les arbitrages devraient être rendus publics en mars ou en avril – suscitent d’autant plus d’inquiétude « qu’à chaque réforme, les moyens ne sont pas donnés ».
« Des conditions indignes »
Budget et effectifs très inférieurs à la moyenne européenne, délais à rallonge (traitement des affaires, paiement des experts)… « Que l’on nous donne déjà les moyens de travailler convenablement, beaucoup de questions de société se jouent dans les tribunaux, on traite de la vie des gens. » Et notre témoin de se tourner vers la façade du palais de justice de Toulon, où les graffitis « fils 2 put » (sic) et « pédophile », inscrits depuis des semaines, n’ont toujours pas été effacés : « Ce tribunal est décrépi, il n’est pas chauffé, le réseau électrique n’est pas sécurisé alors qu’on nous parle de transformation numérique (l’un des chantiers de la modernisation de la justice, Ndlr)… C’est indigne d’y condamner quelqu’un, parfois même à 23 heures. » 1. Un appel à la « mobilisation pour une justice de qualité » avait été lancé à l’échelle nationale par les syndicats de magistrats, greffiers, fonctionnaires de la justice et plusieurs associations d’avocats (USM, SM, CGT, Unsa, FO, CFDT, SAF, FNUJA et la Conférence des bâtonniers).