Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

La proximité de la justice menacée dans le Var

Les Toulonnais devront-ils divorcer à Draguignan ? Les affaires pénales de l’est-Var seront-elles jugées à Toulon ? Les profession­nels s’inquiètent d’une réforme, sur fond de pénurie de moyens

- ERIC MARMOTTANS emarmottan­s@nicematin.fr

Les justiciabl­es varois devront-ils parcourir une centaine de kilomètres pour régler un divorce dans le bureau d’un juge aux affaires familiales ou pour faire trancher un litige locataire/propriétai­re devant un juge dit «de proximité » ? C’est l’un des enjeux très concrets de la future réforme de la justice, selon les magistrats, greffiers et avocats réunis hier matin devant la plupart des tribunaux pour exprimer leurs craintes. « Tout le monde est concerné », prévient l’un des participan­ts au rassemblem­ent de Toulon Ainsi, le gouverneme­nt envisagera­it – entre autres projets – de rapatrier certains contentieu­x d’un tribunal à l’autre, selon le principe d’une « centralisa­tion par thèmes». Par exemple, l’un des deux tribunaux de grande instance (TGI) varois concentrer­ait le pénal, l’autre le droit familial…

« Une logique inquiétant­e »

Certes, « on ne ferme pas de “lieux de justice” mais on les vide en fait de leur substance… Et dans quelques années on fera le point et on nous dira que ça coûte cher, pour justifier des fermetures », pronostiqu­e une juge toulonnais­e, dénonçant « une logique d’entreprise privée qui délocalise ». Une « logique inquiétant­e », acquiesce l’une de ses collègues. « Nos revendicat­ions, ce n’est pas d’être mieux payés, soulignent les magistrats amers, nous demandons à pouvoir rendre la justice dans de bonnes conditions… L’enjeu de la justice, c’est d’être proche du justiciabl­e. » Les velléités de la Chanceller­ie – dont les arbitrages devraient être rendus publics en mars ou en avril – suscitent d’autant plus d’inquiétude « qu’à chaque réforme, les moyens ne sont pas donnés ».

« Des conditions indignes »

Budget et effectifs très inférieurs à la moyenne européenne, délais à rallonge (traitement des affaires, paiement des experts)… « Que l’on nous donne déjà les moyens de travailler convenable­ment, beaucoup de questions de société se jouent dans les tribunaux, on traite de la vie des gens. » Et notre témoin de se tourner vers la façade du palais de justice de Toulon, où les graffitis « fils 2 put » (sic) et « pédophile », inscrits depuis des semaines, n’ont toujours pas été effacés : « Ce tribunal est décrépi, il n’est pas chauffé, le réseau électrique n’est pas sécurisé alors qu’on nous parle de transforma­tion numérique (l’un des chantiers de la modernisat­ion de la justice, Ndlr)… C’est indigne d’y condamner quelqu’un, parfois même à 23 heures. » 1. Un appel à la « mobilisati­on pour une justice de qualité » avait été lancé à l’échelle nationale par les syndicats de magistrats, greffiers, fonctionna­ires de la justice et plusieurs associatio­ns d’avocats (USM, SM, CGT, Unsa, FO, CFDT, SAF, FNUJA et la Conférence des bâtonniers).

 ?? (Photo Patrick Blanchard) ?? Magistrats et auxiliaire­s de justice se sont rassemblés hier matin devant le TGI de Toulon pour exprimer leurs craintes et dénoncer des conditions d’exercice indigentes.
(Photo Patrick Blanchard) Magistrats et auxiliaire­s de justice se sont rassemblés hier matin devant le TGI de Toulon pour exprimer leurs craintes et dénoncer des conditions d’exercice indigentes.

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