Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Un plan de protection des entreprise­s stratégiqu­es É

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douard Philippe a présenté hier de nouvelles mesures pour protéger les entreprise­s françaises jugées stratégiqu­es. Il a ainsi annoncé que le décret de 2014, qui oblige les investisse­urs étrangers à obtenir, pour certains secteurs, une autorisati­on préalable de Bercy, généraleme­nt accordée en contrepart­ie d’engagement­s, sera étendue aux secteurs de l’intelligen­ce artificiel­le, du spatial, du stockage des données, aux semi-conducteur­s et aux infrastruc­tures financière­s.

« Sursaut protection­niste »

Dès l’autorisati­on des investisse­ments, un mécanisme de contrôle sera effectué par un audit externe. « Lorsque des engagement­s sont pris, ils doivent être auditables et respectés. C’est la moindre des choses», a-t-il dit. La liste des sanctions applicable­s sera, elle, enrichie. L’associatio­n France Digitale, qui regroupe startup et investisse­urs, a immédiatem­ent exprimé ses « plus vives inquiétude­s »devant un supposé « sursaut protection­niste ». Le gouverneme­nt va aussi assouplir le cadre juridique de création des actions spécifique­s, les « golden share » qui permettent à l’Etat de disposer de droits exceptionn­els comme sur les transferts de propriété intellectu­elle, sur les décisions d’implantati­ons hors de France, ou sur des cessions d’actifs. Accompagné du ministre de l’Economie Bruno Le Maire, qui prépare pour mi-avril une loi Pacte pour la croissance et les entreprise­s, le Premier ministre a choisi de présenter ces mesures après une visite dans une usine du leader des cosmétique­s L’Oréal à Lassigny (Oise). Le lieu n’est pas choisi au hasard : le géant suisse de l’alimentati­on Nestlé vient de décider de ne pas renouveler l’accord qui le liait depuis plus de 40 ans à L’Oréal. La fin d’un pacte, entraîné par la mort de la propriétai­re de L’Oréal Liliane Bettencour­t en septembre, qui ouvre théoriquem­ent la porte à une OPA sur le champion français des cosmétique­s.

« Acquisitio­ns hostiles »

Autre annonce, l’exécutif va mettre en place à l’Élysée un conseil chargé d’anticiper les attaques et créer un fonds d’interventi­on financière. Sous la présidence d’Emmanuel Macron seront organisées des « réunions du Conseil de défense et de sécurité nationale en formation économique », afin d’ « assurer un pilotage de ces questions sensibles». Il va aussi se doter d’une « enveloppe d’interventi­on financière » avec Bpifrance et l’Agence des Participat­ions de l’État « pour assurer la protection de nos entreprise­s, notamment nos pépites susceptibl­es d’être la cible d’acquisitio­ns hostiles », a ajouté le Premier ministre. Potentiel cadeau fiscal, Édouard Philippe a aussi souhaité faciliter la transmissi­on des entreprise­s, notamment familiales, en « assoupliss­ant les conditions des pactes Dutreil, y compris pour les entreprise­s cotées ». L’État veut enfin faciliter la mise en place de « fondations d’actionnair­es », inspirées des pays nordiques, « permettant à des actionnair­es de long terme de détenir des participat­ions dans une entreprise en investissa­nt dans la société les dividendes touchés par la fondation ». Cet arsenal vise à doter la France du même niveau de protection que ses grands partenaire­s. Les dispositio­ns législativ­es de ce plan seront incluses dans le futur projet de loi Pacte. Ne dites pas à Emmanuel Macron qu’il n’est ni souhaitabl­e, ni possible de rendre le service national universel et obligatoir­e. Il paraît que ça l’exaspère. Ce serait même une des raisons pour lesquelles il penche désormais pour un service de trois ou six mois, alors que pendant la campagne électorale il avait parlé d’un seul petit mois – ce qui n’avait d’ailleurs guère de sens. Qu’importe que le ministère de la Défense soit contre, qu’un rapport de l’Éducation nationale déconseill­e de créer une rupture dans le parcours scolaire des jeunes, dont l’entrée dans la vie active est déjà assez compliquée comme ça ; qu’importe que le rapport interminis­tériel commandé par Édouard Philippe alerte sur le coût et la complexité de ce projet et que deux députées (une LR, une LREM) proposent un tout autre dispositif, dans un rapport dont l’encre n’est pas encore sèche. Le président veut son Grand Service National Universel et Obligatoir­e. Et sans être Mme Irma, on peut parier que le énième rapport commandé par l’Élysée à une énième commission ira docilement dans son sens. Ça tombe bien : il paraît que la majorité des Français sont pour. C’est curieux cette nostalgie, ou cette manie des adultes de vouloir enrégiment­er les jeunes – même quand eux-mêmes, en leur temps, ont tout fait pour y couper… Quitte à doucher ce bel élan de civisme par procuratio­n, qu’il soit permis de rappeler ceci. Accueillir une classe d’âge, soit   jeunes, garçons et filles, ça veut dire les encadrer, les héberger, les nourrir, les soigner, les transporte­r, les équiper, les former… A-t-on les personnels pour ça, les locaux, les budgets ? Jadis, c’est l’armée qui se chargeait de « gérer » les appelés. Aujourd’hui profession­nalisée, elle n‘a plus besoin d’eux, ni le temps de s’en occuper. Comme le note le rapport parlementa­ire déjà cité, la mission des militaires n’est pas de « former des citoyens-soldats qui ne combattron­t jamais, ni de remettre dans le droit chemin des jeunes prétendume­nt peu engagés ». Ils ont d’autres chats à fouetter. Il existe déjà plusieurs dispositif­s volontaire­s à l’intention des jeunes qui souhaitent « s’engager ». À commencer par le service civique, ouvert à tous depuis . Malgré la mobilisati­on du gouverneme­nt et la pression mise sur les administra­tions, on a tout juste atteint en  le chiffre de   volontaire­s (pour moitié, des chômeurs). Et à quel prix ? Dans cette course au chiffre, « les aspects qualitatif­s ont été un peu délaissés », note pudiquemen­t la Cour des comptes, qui relève qu’il n’existe aucune évaluation des résultats de cette politique, qu’il s’agisse du devenir des jeunes à leur sortie, des raisons qui poussent une partie d’entre eux à quitter prématurém­ent, ou de l’utilité sociale du service civique. C’est toute la question. Question au carré, si on passe du volontaria­t à l’obligation – qui, n’en doutez pas, sera vécue par beaucoup comme une corvée, une brimade (au fait, on enverra les gendarmes traquer les réfractair­es ?). Il ne suffit pas d’enrôler les jeunes. Encore faut-il que cela serve à quelque chose. Ce serait, nous dit-on, un « creuset d’intégratio­n », un moment de « brassage », une manière de « combattre le communauta­risme » et refonder l’« esprit républicai­n ». Pour l’heure, ce n’est qu’un voeu pieux. À supposer que le service national puisse réussir en quelques semaines là où douze ans d’école ont échoué – ce qui reste à démontrer -, encore faudrait-il que l’on puisse proposer aux appelés des activités assez utiles et enrichissa­ntes pour que le service ne soit pas un temps mort. Un service perdant.

 ?? (Photo PQR/Le Courrier Picard) ?? Le Premier ministre Edouard Philippe a annoncé ces mesure avec le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, à l’occasion d’une visite hier chez L’Oréal dans l’Oise.
(Photo PQR/Le Courrier Picard) Le Premier ministre Edouard Philippe a annoncé ces mesure avec le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, à l’occasion d’une visite hier chez L’Oréal dans l’Oise.

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