Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

« Pas envie d’être financière­ment dépendant de mon conjoint » Témoignage

Une propositio­n de loi visant à supprimer la prise en compte des revenus du conjoint pour l’attributio­n de l’allocation adulte handicapé ravive l’espoir de Vincent

- AXELLE TRUQUET atruquet@nicematin.fr

C’est un homme très en colère qui s’est adressé à nous. En colère contre la maladie, une sclérose en plaques qui lui a été diagnostiq­uée alors qu’il avait 20 ans. Mais surtout en colère contre le système. Jusqu’à présent, il parvenait à (sur)vivre grâce à l’allocation adulte handicapé (AAH) qu’il perçoit. Soit environ 850 euros mensuels correspond­ant à 80 % d’invalidité. Sauf que la loi lui interdit de se marier, de se pacser ou même de s’installer avec la personne qu’il aime. Enfin, ce n’est pas qu’il n’a pas le droit légalement de s’engager, c’est que s’il le fait, il risque de perdre son allocation et de devenir complèteme­nt dépendant financière­ment de son compagnon. « Le calcul de l’AAH est établi selon un barème qui prend en compte les revenus du conjoint, que l’on soit marié, pacsé ou concubin. Or, dès lors que celui-ci touche plus de 1 126 euros par mois, le montant de l’AAH diminue. S’il gagne 2 200 euros, on n’a plus rien. Cela veut dire que si l’on est handicapé, on est complèteme­nt dépendant de son conjoint. Dépendant financière­ment mais aussi psychologi­quement » , résume Vincent.

Une propositio­n de loi très attendue

Ce trentenair­e entretient toutefois un espoir : plus de 70 députés dont MarieGeorg­e Buffet (GDR) ont déposé une propositio­n de loi le 6 décembre dernier afin de supprimer des textes la notion de prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH. « C’est un enjeu crucial. Il ne faut pas oublier qu’on n’a pas choisi d’être malade. On a un peu l’impression d’une double peine. Si je m’installe avec mon ami, je risque de perdre mon allocation. Or, je veux rester libre, garder une certaine autonomie même si l’AAH n’est pas très élevée. Je ne veux pas être dépendant. Comment est-ce possible si je dois à chaque fois demander à mon conjoint de l’argent pour acheter ne serait-ce que du pain ? » tempête Vincent. Pudiquemen­t, ce dernier explique qu’il a préféré ne pas emménager avec son partenaire. Une situation qui pourtant lui pèse. Il confie : « j’ai beaucoup de mal à joindre les deux bouts. Surtout que dans la région, les loyers sont particuliè­rement élevés. J’ai un projet de monter un studio photo qui me permettrai­t de travailler à mon r ythme, mais je ne peux pas le financer. Quant à trouver un emploi, mon état ne me le permet pas. Je suis très fatigué, j’ai des vertiges… » Vincent confie avoir traversé des épreuves : « l’annonce de la maladie vous fauche en plein élan. Je travaillai­s dans la communicat­ion à Paris, j’ai dû tout arrêter, retourner vivre chez mes parents à Tours » . Arrivé dans la région, il a reconstrui­t une vie, rencontré un homme avec qui les choses se passent bien, qui a accepté son handicap. « Mais à cause de ces règles, je ne peux pas me marier ni même m’installer avec lui car nous ne pourrions pas vivre à deux sur son salaire. » Alors pour l’instant, c’est chacun chez soi. En espérant que la loi change. Vincent a toutefois un peu de mal à y croire: « les pouvoirs publics veulent faire des économies. Et puis la question des handicapés n’intéresse pas grand monde. C’est pour cela qu’on en parle si peu. » Avec une exception cette fois.

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