Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Crash d’avion au mont Cimet : un grand violoniste disparaît
Il faut marcher, beaucoup marcher. Sac à dos, chaussures de randonnée, provisions pour la journée. Durée de l’ascension : quatre heures minimum. Bien sûr, pour entreprendre cette marche, il faut attendre que la neige soit fondue et l’hiver passé, car le point d’arrivée se situe au mont Cimet à 3020 mètres d’altitude dans le massif du Pelat, dans les Alpesde-Haute-Provence et à quelque 80 kilomètres de Nice. Mais ce genre d’excursion se prévoit plusieurs mois à l’avance. Pas pour les marcheurs aguerris, bien sûr mais pour les citadins mélomanes. Car on commémore en ce lieu la mort, survenue dans un crash d’avion le 1er septembre 1953, d’un Toulon : « Des villes et des hommes » des plus grands violonistes du XXe siècle, Jacques Thibaud. La randonnée commence près de Barcelonnette dans les Alpes-deHaute-Provence, peu après la limite des Alpes-Maritimes, au hameau de Fours-Saint-Laurent sur la commune d’Uvernet-Fours, en direction du col de la Cayolle. On chemine sur le flanc nord du parc du Mercantour. Au bout de trois heures, arrivé au Pas de l’Âne, on monte vers la crête du mont Cimet. Une heure plus tard, on est les maîtres du monde : on domine les Écrins, le Queyras, l’Ubaye, le Mercantour, les Préalpes de Digne, le Dévoluy.
Avant d’atterrir à Nice, l’avion dévie sa route
Mais avant d’arriver au sommet, une croix se dresse sur le chemin. Une croix qui n’est matérialisée que par ses contours et dont le corps est creux. Cette croix a été érigée en septembre 2012 en hommage aux victimes du crash de l’avion Paris-Saïgon, survenu cinquante-neuf ans plus tôt, le 1er septembre 1953. Ce jour-là, le vol 178 d’Air France est parti d’Orly à 21 heures 50. L’avion est un Lockheed Constellation quadrimoteur immatriculé F-BAZZ. Il doit atteindre Saïgon après avoir fait escale à Nice, Beyrouth (Liban), Bagdad (Irak), Karachi (Pakistan) et Calcutta (Inde). Les longs courriers qui traversaient la planète d’une traite n’existaient pas à l’époque. Peu avant l’arrivée à Nice, prévue à 23 heures 55, l’avion dévie de sa Nice : plaisir, amour et érotisme depuis la Renaissance route pour une raison inconnue et vient heurter le pic du Cimet. Il est 23 heures 30. Les quarante-deux personnes à bord, dont neuf membres d’équipage et un bébé, sont tuées. Des témoins raconteront le lendemain : « On entendit une violente explosion. Aussitôt, sur la face est du mont Cimet, soit à quelque seize kilomètres de Fours, d’immenses flammes s’élevèrent. L’incendie Quand on dit roman-photo, c’est le magazine Nous Deux qui vient à l’esprit. Pourtant, il n’est pas le seul à l’avoir utilisé. Né dans l’eau de rose, le roman-photo a peu à peu investi les genres comique, satirique, politique, littéraire et même pornographique. À Marseille, une exposition au Mucem en retrace toutes les formes et les aventures : ses débuts en Italie en , puis en France en ; ses années dans Hara-Kiri, avec le professeur Choron et Gébé ou Wolinski ; sa période ciné-roman, à laquelle Belmondo participe quand il « joue » À bout de souffle, d’après le film de Godard. Ciné-roman qui sera publié en épisodes dans le Parisien libéré, à partir de . Johnny Hallyday, Gérard Lanvin, Coluche et bien d’autres ont contribué à ses succès que Marie-Charlotte Calafat, met en lumière dans ce livre, qui est aussi le catalogue de l’exposition dont elle est co-commissaire.
Qu’est-ce qui a motivé Johnny Hallyday à jouer dans les romans-photos ? Il y avait sans doute des arguments multiples pour une vedette naissante à faire du roman-photo. Le premier, c’est que c’était relativement bien payé. Le deuxième, c’est que cela participait à faire une publicité énorme à cette vedette naissante. Donc, effectivement, Johnny Hallyday s’est prêté au jeu, et ensuite bien d’autres comme Sylvie Vartan, Mireille Mathieu. Pour d’autres comme Dalida, qui était déjà assez reconnue, cela contribuait à leur visibilité médiatique.
Une bulle papale a-t-elle vraiment condamné le roman-photo ? La plupart du temps, les intellectuels, les communistes, les catholiques s’accordaient à dire que le roman-photo était un genre mièvre, qui pouvait annihiler les masses. C’est pourquoi dans l’exposition, et dans le catalogue, on donne semblait avoir éclaté presque au sommet de la montagne. Deux heures plus tard, cela rougissait encore ».
Il devait jouer pour les soldats à Saïgon
Les causes de l’accident demeureront inexpliquées. Parmi les victimes se trouvait l’un des plus grands violonistes du XXe siècle, Jacques Thibaud, 72 ans, ainsi que son pianiste René Herbin, 42 ans. Un génie à sa manière, ce Jacques Thibaud ! Un virtuose, un enchanteur. Ses enregistrements sont là pour le confirmer. Il était ami des grands compositeurs comme Ravel. En plus de cela, il possédait l’un des plus beaux violons du monde, un Stradivarius datant de 1709 qui fut, bien sûr, détruit dans la catastrophe. On était à l’époque de la guerre d’Indochine. Jacques Thibaud, bon patriote, avait décidé d’aller jouer pour les soldats français à Saïgon. Nos militaires ne le virent jamais arriver. Dans l’immense théâtre à ciel ouvert du mont Cimet, lui et son violon avaient été condamnés au silence éternel. un extrait de la bulle papale de Jean XXIII en . En parlant entre autres de journaux qui « se moquent de la vertu et justifient le vice », il dénonce le roman-photo. Il y avait énormément de controverses. On le montre aussi à travers des extraits du Cheik Blanc, ce film de Fellini de . Dans cette satire, il y a l’idée que les lectrices sont naïves ou de mauvaises filles.
Le roman-photo n’a-t-il pas aussi servi Balzac et Coluche ? Le réalisateur Raymond Cauchetier, a fait par exemple, un roman-photo de La Cousine Bette, de Balzac. Il y voit l’occasion de faire reconnaître les chefs-d’oeuvre de la littérature française. C’était une vague de romans-photos qui plaisait beaucoup. Coluche, lui, répondait à l’actualité sous forme de roman-photo. Dans Les pauvres sont des cons, qui paraît chaque semaine dans Charlie Hebdo entre et , il pouvait prendre la figure d’un patron, d’un président de la France-Afrique, d’un pape pour essayer de faire écho à ce qui se passait. Hara-Kiri s’était emparé du genre quelques années avant.
Peut-on encore en lire des romans-photos ? Oui. Par exemple, dans le magazine Nous Deux, largement associé à l’histoire du roman-photo en France, on en trouve encore deux ou trois par semaine. Mais pas seulement. Il perdure également sous des formes diverses, pas forcément dans un genre à l’eau de rose mais aussi dans des genres comique, satirique, esthétique, politique. Dans les années , le roman-photo a connu un succès phénoménal. Un Français sur trois lisait du roman-photo. C’était , million de lecteurs. Roman-photo, sous la direction de Frédérique Deschamps et Marie-Charlotte Calafat, co-édition Textuel et Mucem, 35 euros. Exposition au Mucem jusqu’au 23 avril.