Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
La forme de l’eau : favori des Oscars
Favori des Oscars avec treize nominations après avoir remporté le Lion d’Or à Venise, La Forme de l’eau débarque cette semaine sur les écrans français précédé d’une réputation de film-phénomène. On y retrouve l’univers baroque de Guillermo del Toro dans un hommage grandiose aux films fantastiques des débuts du cinéma. Le réalisateur mexicain, découvert à Cannes en 1993 avec son premier film Cronos, puis en compétition avec Le Labyrinthe de Pan (2006) et qui fit partie du jury des frères Coen en 2015, est venu à Paris présenter La Forme de l’eau. Il nous a parlé de son travail et de sa fascination pour les monstres...
Comment définiriez-vous votre film : romantique ou fantastique?
Je le définirai avant tout comme un film de Guillermo del Toro (rires) . Il y a dedans mon amour pour l’amour et mon amour pour le cinéma. Je crois que c’est mon premier film d’adulte. Celui qui traite de thèmes adultes, en tout cas…
Il est pourtant moins sombre que ses prédécesseurs...
J’ai fait dix films et neuf d’entre eux parlent de perte et de nostalgie. Quand on est jeune, il est plus facile d’être considéré comme un artiste avec des oeuvres noires. Si on dit : « Je ne crois pas à l’amour », on vous prend pour un philosophe, alors que si vous dites : « Je crois en l’amour », vous passez pour un crétin. Il y a toujours plus de risques à croire aux émotions, à les faire vivre au cinéma. Ce film parle encore de perte et de violence mais il parle aussi d’amour. D’amour romantique et d’amour du cinéma. Je peux parler de ces choses-là beaucoup mieux aujourd’hui, à ans, que je n’aurais été capable de le faire à .
Quelles étaient vos influences ? On pense évidemment à
L’Étrange Créature du lac noir La Belle et la bête
aussi à de Cocteau... mais
La Belle et la bête est un de mes films cinq films préférés de tous les temps mais je ne l’ai pas revu depuis des années. Le problème avec La Belle et la bête, c’est que la Belle veut transformer la Bête pour qu’elle redevienne le prince charmant. Or, pour moi, le sens de l’amour ce n’est pas le changement : c’est, au contraire, d’aimer l’autre tel qu’il est. On pourrait aussi parler de mon admiration pour Franju, Melville et Clouzot mais le seul film que j’ai revu pour faire celui-là, c’est Peau d’âne de Jacques Demy. C’est un film plein d’innocence et de pureté qui m’a beaucoup inspiré pour La Forme de l’eau.
D’où vous vient cette fascination pour les monstres ?
Ça a commencé très tôt, presque au berceau. Mon psychiatre m’a dit que c’était un mécanisme d’inversion, tellement j’avais été effrayé d’être mis au monde (rires). J’ai ressenti très tôt de l’empathie pour les monstres, car je me sentais moi-même différent étant enfant. J’étais très maigre, les cheveux tellement blonds qu’ils avaient l’air blancs. J’étais sans cesse harcelé et j’ai dû prendre du poids pour pouvoir me défendre. J’ai assemblé très tôt une espèce de cosmologie personnelle qui fusionne mon éducation catholique avec mon amour des monstres. Je les vois comme des créatures totalement spirituelles. Pour moi, la créature de Frankenstein, c’est un martyr. C’est la figure de Jésus, qui a souffert pour nos péchés... Mais je fais une différence entre la créature, pour laquelle j’ai de l’empathie et le monstre, qui est souvent l’Homme lui-même.
Pourquoi avoir utilisé dans la B. O. ?
La Javanaise J’aime beaucoup cette chanson. Je la voulais absolument. Les paroles sont très émouvantes : « Nous nous aimions le temps d’une chanson… » (il fredonne le texte en français)... Tout est résumé en quelques mots. Genre : drame. Notre avis :
L’histoire
Emil (Elliott Crosset Hove) travaille avec son frère dans une carrière de calcaire et vend aux mineurs l’alcool frelaté qu’il fabrique. Les relations se détériorent lorsque la mixture préparée par Emil est accusée d’avoir empoisonné l’un d’entre eux.
Notre avis
Une plongée caméra à l’épaule dans le monde souterrain des mineurs de fond d’une contrée nordique enneigée et perdue. Le film s’ouvre par un plan de plusieurs minutes éclairé à la lampe frontale au fond de la mine. Remontés à la lumière, Emil, son frère et leurs camarades tuent le temps en se saoulant à mort et en se bagarrant dans leurs baraquements. Emil a bien une fiancée, mais elle n’apporte que peu de tendresse dans cet univers masculin frigorifié. D’autant qu’elle le trompe avec son frère... Un mort plus tard, le film se termine comme il a commencé : dans le noir. Notre avis :
L’histoire
Samia (Sara Hanachi), échoue comme beaucoup de clandestins sur les rivages de l’Europe. Hantée par l’idée d’être rattrapée par un frère radicalisé qu’elle avait dénoncé, elle trouve d’abord refuge chez Imed (Salim Kechiouche), une connaissance de son village, puis chez Leila (Hiam Abbass) pour qui elle travaille. Entre les trois personnages, le désir et la peur exacerbent les tensions...
Notre avis
Entre la condition des réfugiés et le problème djihadiste, tout laissait présager d’un film bouillonnant... Il ne s’agit pourtant que d’un pétard mouillé. Sans réellement s’engouffrer sur une des deux pistes, ni même sur la blessure psychologique de sa jeune Samia, Raja Amari ne filme que les errements d’un trio en quête de renouveau, dont les liens volontairement factices, sonnent faux. Inégale dans sa prestation, Sara Hanachi, qui tient pourtant le rôle central, passe inaperçue aux côtés de Hiam Abbass, toujours impeccable et du charismatique Salim Kechiouche. Dès lors, on ne croit plus à grand-chose et le film peine à émouvoir, à interpeller ou tout simplement à sensibiliser.