Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Un nouveau plan contre la radicalisation djihadiste
Le Premier ministre a dévoilé hier 60 mesures pour contrer, à l’école comme en prison, ce phénomène qui, a-t-il dit, « nous défie » et « menace notre société »
Isolement renforcé des détenus radicalisés, contrôle accru des écoles hors contrat… Édouard Philippe a présenté hier à Lille 60 mesures contre la radicalisation djihadiste, un domaine où les autorités avancent encore à tâtons. Ces difficultés à trouver une parade efficace avaient été symbolisées par l’échec du premier centre de «déradicalisation », en Indre-et-Loire, basé sur le volontariat, qui n’avait rapidement plus accueilli personne. Or sur près de 70000 détenus en France, 512 personnes sont actuellement incarcérées pour des faits de terrorisme. Et 1139 prisonniers de droit commun ont été identifiés comme radicalisés. «Cette radicalisation islamiste menace notre société», a insisté le Premier ministre, flanqué d’une dizaine de membres du gouvernement, dont Nicole Belloubet (Justice), Gérard Collomb (Intérieur) ou encore Jean-Michel Blanquer (Éducation). Il fait suite à un premier plan, datant de 2014, et à une série de mesures prises à la suite des attentats de 2015. En voici les principales mesures.
places de prison spécialisées
Le volet le plus attendu concernait les prisons : c’est en effet la violente agression de surveillants par un détenu radicalisé à Vendin-le-Vieil (Pasde-Calais) qui avait déclenché le vaste mouvement de protestation des gardiens en janvier. En conséquence, 1500 places vont être créées « dans des quartiers étanches, exclusivement dévolus aux détenus radicalisés », dont 450 « d’ici la fin de l’année », a annoncé Édouard Philippe. Par ailleurs, les quartiers d’évaluation de la radicalisation (QER), où la dangerosité des prisonniers est évaluée pendant plusieurs mois, passeront de trois à sept. Et deux quartiers supplémentaires de prise en charge des personnes radicalisées (QPR) doivent être créés en 2018, sur le modèle de celui existant dans la prison de Lille-Annoeulin, visitée hier matin par Mme Belloubet.
Contrer l’embrigadement des jeunes
Pour le volet éducatif, outre des mesures de soutien à la laïcité à l’école et une «systématisation» de l’éducation à l’information, afin de déconstruire notamment les théories du complot, l’exécutif a confirmé son soutien à une proposition du Sénat de durcir les conditions d’ouverture d’établissements scolaires hors contrat (74000 élèves seulement, mais en fort développement), afin de combattre l’émergence de structures islamistes.
Lutter contre la propagande
En appui de la campagne «Stop Djihadisme» lancée en 2016, l’exécutif veut aussi développer un «contre-discours» à la propagande djihadiste plus ciblé et moins institutionnel. Et dans la mesure où Internet et les réseaux sociaux jouent un rôle fondamental dans les phénomènes d’auto-radicalisation, les fournisseurs de contenus devront, comme déjà annoncé, retirer en une heure maximum les contenus illicites. « Si les plateformes ne coopèrent pas volontairement dans les trois mois qui viennent, la France soutiendra à Bruxelles une initiative législative européenne », a averti le Premier ministre.
Écarter les fonctionnaires radicalisés
Dans la lignée des décrets permettant d’écarter un militaire ou un fonctionnaire exerçant une activité sensible pour des motifs de radicalisation, le Premier ministre a également annoncé le lancement d’une mission pour étudier les cas dans la fonction publique en général : «Nous devons envisager de pouvoir écarter de ses fonctions un agent en contact avec des publics sur lesquels il est susceptible d’avoir une influence, et dont le comportement porte atteinte aux obligations de neutralité, de respect du principe de laïcité, voire comporte des risques d’engagement dans un processus de radicalisation». La mission, confiée au ministre de la Fonction publique Gérald Darmanin, devra rendre ses propositions d’ici à la fin juin.